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11/06/2014 | FRANCE | N°362878

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 11 juin 2014, 362878


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société par actions simplifiée Sogelink, dont le siège est 131, chemin du Bac à Traille, à Caluire-et-Cuire (69300), représentée par son représentant légal ; la société Sogelink demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-970 du 20 août 2012 relatif aux travaux effectués à proximité des réseaux de transport et de distribution en tant que le a) du 3° de son article 1er modifie l'article R. 554-4 du code de l'e

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Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société par actions simplifiée Sogelink, dont le siège est 131, chemin du Bac à Traille, à Caluire-et-Cuire (69300), représentée par son représentant légal ; la société Sogelink demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-970 du 20 août 2012 relatif aux travaux effectués à proximité des réseaux de transport et de distribution en tant que le a) du 3° de son article 1er modifie l'article R. 554-4 du code de l'environnement en ajoutant, au 2° de celui-ci, après les mots " les informations ", les mots " et des outils dématérialisés " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 34 ;

Vu le code de l'environnement, modifié notamment par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 et le décret n° 2010-1600 du 20 décembre 2010 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

Vu l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société Sogelink ;

1. Considérant qu'afin de prévenir les endommagements accidentels des réseaux de transport et de distribution à proximité desquels des travaux sont réalisés, l'article L. 554-1 du code de l'environnement, créé par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dispose, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, que : " I.-Les travaux réalisés à proximité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution sont effectués dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la continuité de fonctionnement de ces réseaux, à l'environnement, à la sécurité des travailleurs et des populations situées à proximité du chantier ou à la vie économique. / II.-Lorsque des travaux sont réalisés à proximité d'un réseau mentionné au I, des dispositions techniques et organisationnelles sont mises en oeuvre, dès le début du projet et jusqu'à son achèvement, sous leur responsabilité et à leurs frais, par le responsable du projet de travaux, par les exploitants des réseaux et par les entreprises exécutant les travaux. / Lorsque la position des réseaux n'est pas connue avec une précision suffisante pour mettre en oeuvre l'alinéa précédent, des dispositions particulières sont appliquées par le responsable du projet de travaux pour respecter l'objectif prévu au I. / III.-Des mesures contractuelles sont prises par les responsables de projet de travaux pour que les entreprises exécutant les travaux ne subissent pas de préjudice lié au respect des obligations prévues au II, notamment en cas de découverte fortuite d'un réseau durant le chantier ou en cas d'écart notable entre les informations relatives au positionnement des réseaux communiquées avant le chantier par le responsable du projet de travaux et la situation constatée au cours du chantier. / Le responsable du projet de travaux supporte toutes les charges induites par la mise en oeuvre de ces mesures, y compris en ce qui concerne le déroulement du chantier et sauf en ce qui concerne les dispositions du second alinéa du II qui sont appliquées conformément au IV. / IV. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de mise en oeuvre du présent article, et notamment : / 1° Les catégories de réseaux, y compris les équipements qui leur sont fonctionnellement associés, auxquelles s'applique le présent chapitre, ainsi que la sensibilité de ces réseaux ; / 2° Les dispositions techniques et organisationnelles mises en oeuvre par le responsable du projet de travaux, les exploitants de réseaux et les entreprises exécutant les travaux en relation, le cas échéant, avec le guichet unique mentionné à l'article L. 554-2 ; / 3° Les dispositions particulières mentionnées au second alinéa du II ; / 4° Les modalités de répartition, entre le responsable du projet de travaux et les exploitants des réseaux, des coûts associés à la mise en oeuvre des dispositions du second alinéa du II ; / 5° Les dispositions qui sont portées dans le contrat qui lie le responsable du projet de travaux et les entreprises de travaux pour l'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article L. 554-2 du code de l'environnement, créé par la même loi : " Il est instauré, au sein de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, dans le cadre d'une mission de service public qui lui est confiée pour contribuer à la préservation de la sécurité des réseaux, un guichet unique rassemblant les éléments nécessaires à l'identification des exploitants des réseaux mentionnés au I de l'article L. 554-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 554-4 du même code, dans sa version issue du décret du 20 décembre 2010 relatif au guichet unique créé en application de ces dispositions : " Pour la gestion du guichet unique, qui est accessible par voie électronique, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques est chargé, dans les conditions prévues au présent chapitre et par les arrêtés du ministre chargé de la sécurité des réseaux de transport et de distribution pris pour son application : / 1° De recueillir, enregistrer et mettre à jour les coordonnées des exploitants des ouvrages mentionnés à l'article R. 554-2 et les zones d'implantation de ces ouvrages dans une base de données nationale unique comportant un outil cartographique ; / 2° De mettre gratuitement à la disposition des responsables de projets et des particuliers ou des entreprises exécutant ou prévoyant l'exécution de travaux à proximité des ouvrages mentionnés à l'article R. 554-2 les informations leur permettant de remplir les obligations prévues par le présent chapitre, soit directement, soit par l'intermédiaire de prestataires bénéficiant d'un accès spécifique aux informations gérées par le guichet unique ; / 3° De mettre à la disposition des services de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements les informations gérées par le guichet unique nécessaires à l'exercice de leurs missions respectives de service public ; / 4° D'inviter les exploitants n'ayant pas rempli les obligations qui leur incombent à l'égard du guichet unique en vertu du présent chapitre à y remédier et de signaler au ministre chargé de la sécurité des réseaux de transport et de distribution les cas d'absence de mise en conformité au-delà d'un délai de deux mois à compter de cette invitation ; / 5° De mettre à la disposition des particuliers ou entreprises exécutant des travaux les prescriptions techniques que ceux-ci doivent respecter afin de prévenir tout endommagement des ouvrages présents à proximité (...) " ; que le décret attaqué est contesté en tant que le a) du 3° de son article 1er modifie l'article R. 554-4 cité ci-dessus en ajoutant, au 2° de celui-ci, après les mots " les informations ", les mots " et des outils dématérialisés " ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions de l'article 45 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, alors applicables en application de l'article 6 de l'ordonnance du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie, le décret attaqué a été soumis pour avis au Conseil supérieur de l'énergie le 27 mars 2012 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier que le conseil a débattu des dispositions contestées mentionnées au point 1, qui avaient fait l'objet d'un amendement présenté par le gouvernement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure de consultation du Conseil supérieur de l'énergie serait entachée d'irrégularité faute d'avoir porté sur la version définitive du projet de décret doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le décret attaqué a été pris après avis de la commission consultative de l'évaluation des normes, adopté lors de sa réunion du 12 avril 2012 ; que, s'il ressort du procès-verbal de cette réunion que le projet de décret a fait l'objet d'un " examen global ", selon les modalités prévues par les articles 6 et 7 du règlement intérieur de la commission, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la consultation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la consultation de la commission consultative de l'évaluation des normes aurait été, pour ce motif, irrégulière, doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 33-4 du code des postes et des communications électroniques, la commission consultative des communications électroniques " est consultée par le ministre chargé des communications électroniques ou par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur tout projet de mesure visant à fixer ou à modifier les conditions techniques et d'exploitation, les spécifications et les prescriptions techniques des services relevant de son domaine de compétence (...) " ; que les dispositions contestées, qui se bornent à préciser les modalités selon lesquelles l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), dans le cadre de sa mission de gestion du guichet unique créé par les dispositions de l'article L. 554-2 du code de l'environnement, aide les personnes mentionnées au 2° de l'article R. 554-4 du même code à remplir leurs obligations, n'est pas au nombre des textes soumis à la consultation obligatoire de cette commission ; que le moyen tiré de ce que le projet de décret ne lui aurait pas été soumis ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions contestées auraient pour objet ou pour effet d'ajouter aux missions confiées à l'INERIS en vertu de l'article L. 554-2 du code de l'environnement ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'incompétence pour avoir ajouté aux règles constitutives de cet établissement public doit être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

6. Considérant que l'INERIS a pour mission la gestion d'un guichet unique rassemblant les éléments nécessaires à l'identification des exploitants des réseaux de transport et de distribution à proximité desquels des travaux sont susceptibles d'être exécutés ; que, d'une part, en le chargeant, dans le cadre de sa mission de service public, de mettre gratuitement à la disposition des responsables de projets et des personnes entreprenant des travaux des outils dématérialisés de nature à faciliter le respect des obligations que leur imposent les dispositions citées ci-dessus du code de l'environnement, l'accomplissement des démarches administratives qu'elles impliquent ainsi que les échanges d'informations avec les différentes parties concernées, les dispositions contestées du décret attaqué ne lui confient aucune attribution qui emporte intervention sur un marché ; que, d'autre part, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des personnes privées offrent, à titre onéreux, des prestations de services à des personnes qui entreprennent des travaux à proximité de réseaux de transport ou de distribution, pour les accompagner et les conseiller, notamment, dans l'accomplissement de leurs démarches administratives ; qu'à cette fin, elles peuvent solliciter, dans le cadre prévu par les articles L. 554-3 et R. 554-6 du code de l'environnement, l'accès aux données enregistrées et mises à jour dans le guichet unique par l'INERIS ; qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du a) du 3° de l'articler 1er du décret ne sont contraires ni au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ni, en tout état de cause, au droit de la concurrence ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sogelink n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle présente à ce titre, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Sogelink est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sogelink, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 362878
Date de la décision : 11/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2014, n° 362878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:362878.20140611
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