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11/06/2014 | FRANCE | N°361149

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 11 juin 2014, 361149


Vu 1°, sous le n° 361149, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 18 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant ... ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 mai 2012 de la commission nationale d'indemnisation des avoués rejetant sa demande d'indemnisation de son licenciement survenu le 27 décembre 2011;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 950,50 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 février 2012 et des int

rêts des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros...

Vu 1°, sous le n° 361149, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 18 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant ... ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 mai 2012 de la commission nationale d'indemnisation des avoués rejetant sa demande d'indemnisation de son licenciement survenu le 27 décembre 2011;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 950,50 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 février 2012 et des intérêts des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 364719, la requête, enregistrée le 21 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme B...A..., demeurant ... ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 2 octobre 2012 de la commission nationale d'indemnisation des avoués rejetant sa demande d'indemnisation de son licenciement survenu le 27 décembre 2011 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 950,50 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 février 2012 et des intérêts des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011;

Vu le décret n° 2011-361 du 1er avril 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme A...;

1. Considérant que la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé la profession d'avoué ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 14 de cette loi : " Tout licenciement survenant en conséquence directe de la présente loi entre la publication de celle-ci et le 31 décembre 2012, ou le 31 décembre 2014 pour les personnels de la Chambre nationale des avoués près les cours d'appel, est réputé licenciement pour motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail. / Dès lors qu'ils comptent un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession, les salariés perçoivent du fonds d'indemnisation prévu à l'article 19 des indemnités calculées à hauteur d'un mois de salaire par année d'ancienneté dans la profession, dans la limite de trente mois. (...) " ; qu'en vertu de l'article 16 de la même loi, la commission nationale d'indemnisation des avoués ou son président statuant seul se prononce sur les demandes d'indemnisation présentées en application de l'article 14 par une décision susceptible de faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat ; que l'article 3 du décret du 1er avril 2011 relatif aux modalités de l'indemnisation prévue par cette loi dispose que les décisions de la commission sont motivées ; que l'article 10 de ce décret impose au demandeur de fournir notamment un état liquidatif établi par l'employeur et expressément approuvé par le salarié, avec les pièces justificatives, telles que les fiches de paie, les copies des déclarations prévues à l'article R. 243-14 du code de la sécurité sociale les plus récentes, la copie du ou des contrats de travail, le ou les certificats de travail, la copie de la lettre de licenciement, les documents relatifs à la convention de reclassement personnalisé, une attestation des cotisations perçues par la Caisse de retraite des personnels des avocats et des avoués et plus généralement tous documents utiles à l'examen de la demande ;

2. Considérant que Mme A...soutient avoir été employée comme secrétaire à la chambre des avoués de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 mars 1997 au 30 mai 2001 et avoir été alors placée en " congé parental " pendant plus de 10 ans, soit jusqu'au 27 novembre 2011 ; qu'elle a repris son activité à cette date pendant un mois au sein de la chambre des avoués, puis a été licenciée avec effet au 27 décembre 2011 ; qu'elle a sollicité une indemnité sur le fondement des dispositions citées ci-dessus ; que, par une décision du 9 mai 2012, le président de la commission nationale d'indemnisation des avoués a rejeté sa demande ; que, sur recours gracieux de l'intéressée, cette décision a été confirmée le 2 octobre 2013 ; que, par les requêtes nos 361149 et 364719, Mme A...demande l'annulation de ces décisions et la condamnation de l'Etat à lui payer l'indemnité qu'elle estime lui être due ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

3. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle remplissait les conditions prescrites par ces dispositions, notamment la condition d'un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession, dès lors que son contrat de travail aurait été, conformément au code du travail, suspendu entre 2001 et 2011 par l'effet d'un placement en congé parental durant l'ensemble de cette période ;

4. Considérant que le code du travail prévoit plusieurs congés au profit des salariés, notamment le congé parental d'éducation ; qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 122-28-1 de ce code, en vigueur au 1er juin 2001, que, pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité ou d'adoption, tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'une année à la date de naissance de son enfant ou de l'arrivée au foyer d'un enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de la fin de l'obligation scolaire adopté ou confié en vue de son adoption a le droit de bénéficier d'un tel congé, durant lequel le contrat de travail est suspendu ; que l'article L. 122-28-6 du même code, en vigueur à la même date, précise que la durée du congé parental est " prise en compte pour moitié dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Le salarié conserve, en outre, le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de ce congé. " ; que des dispositions similaires figurent dans l'actuel code du travail, aux articles L. 1225-47 et suivants ;

5. Considérant qu'il en résulte que si l'intéressée est en mesure d'établir l'existence d'un contrat de travail en 2001 et de justifier avoir effectivement été placée en congé parental d'éducation depuis cette date et jusqu'au 27 novembre 2011, le respect de la condition d'un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession posée par la loi doit être apprécié, en ce qui la concerne, en prenant en compte sa durée d'activité à la chambre des avoués de la cour d'appel d'Aix-en-Provence tant avant son congé parental qu'après son retour de congé ; qu'en outre, pour le calcul du montant de l'indemnité qu'elle revendique, la période de congé parental doit être prise en compte pour la moitié de sa durée, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 122-28-6 du code du travail;

6. Considérant que, pour rejeter la demande de MmeA..., le président de la commission nationale d'indemnisation des avoués s'est abstenu de rechercher si elle justifiait, comme elle le soutenait, avoir été placée en congé parental ; qu'il a ainsi fait une inexacte application de l'article 14 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A...est fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ;

7. Considérant, toutefois, qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas possible de déterminer la nature exacte et la durée du congé parental dont Mme A...se prévaut; qu'il y a lieu, par suite, de la renvoyer devant la commission nationale d'indemnisation des avoués pour qu'il soit statué sur sa demande selon les modalités ci-dessus définies ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les décisions des 9 mai et 2 octobre 2012 de la commission nationale d'indemnisation des avoués sont annulées.

Article 2 : Mme A...est renvoyée devant la commission nationale d'indemnisation des avoués afin qu'il soit statué sur sa demande conformément à la présente décision.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Madame B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 361149
Date de la décision : 11/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PROFESSIONS S'EXERÇANT DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE - AVOUÉS - SUPPRESSION DE LA PROFESSION (LOI DU 25 JANVIER 2011) - LICENCIEMENTS SURVENUS EN CONSÉQUENCE DIRECTE DE CETTE SUPPRESSION - INDEMNITÉ (ART - 14 DE CETTE LOI) - BÉNÉFICIAIRE D'UN CONGÉ PARENTAL - 1) DROIT À INDEMNITÉ - CONDITION D'ANCIENNETÉ - CALCUL - PRISE EN COMPTE DE LA DURÉE D'ACTIVITÉ D'AVOUÉ TANT AVANT QU'APRÈS LE CONGÉ PARENTAL - 2) MONTANT DE L'INDEMNITÉ - PRISE EN COMPTE DE LA PÉRIODE DE CONGÉ PARENTAL POUR LA MOITIÉ DE SA DURÉE (ART - L - 122-28-6 DU CODE DU TRAVAIL).

55-03-05-02 1) Le respect de la condition d'un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession d'avoué, posée par la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 à l'octroi aux personnels de la Chambre nationale des avoués près les cours d'appel d'une indemnité en cas de licenciement survenant en conséquence directe de la loi, doit être apprécié, s'agissant des bénéficiaires d'un congé parental, en prenant en compte la durée d'activité en qualité d'avoué tant avant le congé parental qu'après le retour de congé.,,,2) Pour le calcul du montant de l'indemnité, la période de congé parental doit être prise en compte pour la moitié de sa durée.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE (ART - L - 1233-3 DU CODE DU TRAVAIL) - INCLUSION - LICENCIEMENTS SURVENUS EN CONSÉQUENCE DIRECTE DE LA LOI DU 25 JANVIER 2011 SUPPRIMANT LA PROFESSION D'AVOUÉ - INDEMNITÉ (ART - 14 DE CETTE LOI) - BÉNÉFICIAIRE D'UN CONGÉ PARENTAL - 1) DROIT À INDEMNITÉ - CONDITION D'ANCIENNETÉ - CALCUL - PRISE EN COMPTE DE LA DURÉE D'ACTIVITÉ D'AVOUÉ TANT AVANT QU'APRÈS LE CONGÉ PARENTAL - 2) MONTANT DE L'INDEMNITÉ - PRISE EN COMPTE DE LA PÉRIODE DE CONGÉ PARENTAL POUR LA MOITIÉ DE SA DURÉE (ART - L - 122-28-6 DU CODE DU TRAVAIL).

66-07 1) Le respect de la condition d'un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession d'avoué, posée par la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 à l'octroi d'une indemnité de licenciement, doit être apprécié, s'agissant des bénéficiaires d'un congé parental, en prenant en compte la durée d'activité en qualité d'avoué tant avant le congé parental qu'après le retour de congé.,,,2) Pour le calcul du montant de l'indemnité, la période de congé parental doit être prise en compte pour la moitié de sa durée.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2014, n° 361149
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361149.20140611
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