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06/06/2014 | FRANCE | N°366463

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère ssr, 06 juin 2014, 366463


Vu les mémoires, enregistrés les 28 mars et 8 avril 2014 au secrétariat de la section du contentieux, présentés pour M. B...A..., demeurant ... et la sociétéA..., Le Forestier et associés, dont le siège est à la même adresse, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A...et la sociétéA..., Le Forestier et associés demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la décision du 28 décembre 2012 en tant que, par cette décision, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, en prem

ier lieu, a prononcé à l'encontre de la sociétéA..., Le Forestier et a...

Vu les mémoires, enregistrés les 28 mars et 8 avril 2014 au secrétariat de la section du contentieux, présentés pour M. B...A..., demeurant ... et la sociétéA..., Le Forestier et associés, dont le siège est à la même adresse, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A...et la sociétéA..., Le Forestier et associés demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la décision du 28 décembre 2012 en tant que, par cette décision, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, en premier lieu, a prononcé à l'encontre de la sociétéA..., Le Forestier et associés, une sanction pécuniaire de 20 000 euros, en deuxième lieu, a prononcé à l'encontre de M. B...A..., une sanction pécuniaire de 5 000 euros et, enfin, a décidé de publier cette décision sur son site internet sous une forme préservant l'anonymat des mis en cause, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des paragraphes I et IV de l'article L. 621-2 et celles des articles L. 621-4, L. 621-5-1 et L. 621-15 du code monétaire et financier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...et de la sociétéA..., Le Forestier et associés, et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. A...et la sociétéA..., Le Forestier et associés soutiennent que les dispositions des paragraphes I et IV de l'article L. 621-2 et celles des articles L. 621-4, L. 621-5-1 et L. 621-15 du code monétaire et financier méconnaissent le principe d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en tant, d'une part, qu'elles ne prévoient pas de règle interdisant aux membres du collège de l'Autorité des marchés financiers d'être, au terme de leur mandat, immédiatement nommés en qualité de membre de la commission des sanctions ou inversement, et en tant, d'autre part, que les services de l'Autorité des marchés financiers sont placés sous l'autorité du secrétaire général, lui-même placé sous l'autorité du collège ;

3. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, l'Autorité des marchés financiers comprend un collège et une commission des sanctions ; qu'aux termes du IV du même article: " (...) Les fonctions de membre de la commission des sanctions sont incompatibles avec celles de membre du collège. (...) " ; qu'aux termes du 6ème alinéa du I de l'article L. 621-4 du même code : " Aucun membre de l'Autorité des marchés financiers ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a ou a eu un intérêt au cours de la même période. Il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a représenté une des parties intéressées au cours de la même période. " ; qu'aux termes du III bis de l'article L. 621-15 du code : " Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, la récusation d'un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre. " ;

4. Considérant, d'une part, que la loi ne saurait être regardée comme portant atteinte au principe d'impartialité au motif qu'elle n'interdit pas à un membre du collège de l'Autorité des marchés financiers de devenir, à l'issue de son mandat, membre de la commission des sanctions, ou inversement, compte tenu des obligations d'abstention et de déport ainsi que des possibilités de récusation prévues par les dispositions citées au point 3 ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 621-5-1 du code monétaire et financier, les services de l'Autorité des marchés financiers sont dirigés par un secrétaire général, nommé par le président de l'autorité après avis du collège ; que les requérants ne sauraient soutenir, comme ils se bornent à le faire, que cette seule disposition " peut valablement faire naître des doutes quant à l'impartialité des services instructeurs " et n'assure pas " une véritable séparation des autorités de poursuite et de jugement " ;

6. Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent également que l'article L. 621-4 du code monétaire et financier et le paragraphe III bis de l'article L. 621-15 du même code portent atteinte au principe d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, en tant, d'une part, qu'il est renvoyé à un décret pour fixer les conditions dans lesquelles la récusation d'un membre de la commission des sanctions peut être demandée, et, d'autre part, que ces dispositions ne prévoient pas la communication à la personne poursuivie des informations sur leurs intérêts et activités que doivent fournir, en application de l'article L. 621-4 du code, les membres de l'Autorité des marchés financiers ;

7. Considérant, d'une part, que la détermination des conditions dans lesquelles peut être demandée la récusation des membres d'un organisme chargé de prononcer des sanctions ne met en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ;

8. Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce qui est soutenu, si les " déclarations d'intérêts et d'activités " que les membres de l'Autorité des marchés financiers doivent déposer auprès du président de l'Autorité et mettre à la disposition de ses membres en vertu du I de l'article L. 621-4 du code monétaire et financier ont notamment pour objet de prévenir les conflits d'intérêts, l'absence de communication de ces informations aux personnes poursuivies ne saurait en tout état de cause être de nature, par elle-même, à porter atteinte au respect, par l'Autorité, du principe d'impartialité ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, que le moyen tiré de ce que les dispositions des paragraphes I et IV de l'article L. 621-2 et celles des articles L. 621-4, L. 621-5-1 et L. 621-15 du code monétaire et financier porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...et la sociétéA..., Le Forestier et associés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M.A..., premier requérant dénommé. L'autre requérant sera informé de la présente décision par la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui le représente devant le Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 366463
Date de la décision : 06/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2014, n° 366463
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP VINCENT, OHL ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:366463.20140606
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