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04/06/2014 | FRANCE | N°354725

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 04 juin 2014, 354725


Vu le pourvoi, enregistré le 8 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/00018 du 7 octobre 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 08/04 du 4 juin 2009 du tribunal départemental des pensions des Côtes-d'Armor condamnant l'Etat à verser à Mme B...une indemnité de 48 027,21 euros au titre des arrérages de sa pension militaire d'invalidité couvrant

la période comprise entre le 3 mars 1979 et le 31 décembre 2003 et au pai...

Vu le pourvoi, enregistré le 8 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/00018 du 7 octobre 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 08/04 du 4 juin 2009 du tribunal départemental des pensions des Côtes-d'Armor condamnant l'Etat à verser à Mme B...une indemnité de 48 027,21 euros au titre des arrérages de sa pension militaire d'invalidité couvrant la période comprise entre le 3 mars 1979 et le 31 décembre 2003 et au paiement des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 17 juillet 2007 jusqu'au 12 février 2010 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son recours ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 16 et 26 mai 2014, présentées pour Mme B...ainsi que le mémoire joint à la dernière note en délibéré, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la réclamation qu'elle a présentée le 17 juillet 2007, MmeB..., ancienne élève de l'Ecole polytechnique, qui a été victime en 1977 d'un accident au cours d'une période de service militaire actif, a obtenu, avec effet au 1er janvier 2004, la revalorisation de la pension militaire d'invalidité dont elle était titulaire à titre temporaire depuis sa radiation des contrôles des armées, le 3 mars 1979, puis à titre définitif depuis le 21 avril 1981 ; que cette revalorisation lui a permis de bénéficier d'une pension au taux applicable au grade de lieutenant, alors que, depuis 1979, elle n'en bénéficiait qu'au taux applicable aux soldats ; que, saisie de sa demande tendant à obtenir la revalorisation de cette pension à compter du 3 mars 1979, le tribunal départemental des pensions des Côtes-d'Armor a, par un jugement du 4 juin 2009, condamné l'Etat à payer à Mme B...une somme de 48 027,21 euros correspondant au paiement du rappel des arrérages à compter du 3 mars 1979 ; que, statuant sur le recours du ministre de la défense, la cour régionale des pensions de Rennes, a, par un arrêt du 7 octobre 2011 dont le ministre demande l'annulation, confirmé ce jugement et mis à la charge de l'Etat le versement des intérêts au taux légal sur les sommes ainsi accordées pour la période du 17 juillet 2007 au 12 février 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits ; " qu'aux termes de l'article L. 108 du même code, qui est applicable aux demandes de révision de pensions attribuées au titre de ce code : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures " ;

3. Considérant que, pour rejeter le recours du ministre, la cour régionale des pensions a jugé que les circonstances que l'administration, qui gérait en 1979 le dossier de Mme B..., n'avait pas informé le service des pensions de la radiation de cette dernière des contrôles de l'armée et que Mme B... n'avait pas reçu la notification de cette radiation étaient de nature à établir que le retard de cette dernière à demander que sa pension soit calculée au taux applicable au grade de lieutenant ne résultait pas de son fait personnel, dès lors que, faute d'avoir reçu cette notification, elle avait ainsi été privée de la possibilité d'interroger le service des pensions sur la conséquence d'une telle décision ; qu'il ressortait pourtant des pièces du dossier qui lui était soumis que Mme B...avait rempli, le 22 janvier 1981, un formulaire de demande de liquidation de pension définitive dans lequel elle mentionnait son grade de lieutenant et avait rayé la mention " dans les cadres de l'armée active " ; qu'elle ne pouvait ainsi être regardée comme ignorant sa radiation des cadres de l'armée active ; qu'elle avait également reçu notification des titres de pension délivrés en 1979 et 1981 portant la mention de son grade de lieutenant et précisant que la pension militaire d'invalidité était calculée " sur le taux du soldat " ; que, par suite, elle n'était pas, alors même qu'elle n'aurait pas reçu notification de sa radiation, dans l'impossibilité de faire valoir ses droits ; que, dès lors, compte tenu des pièces du dossier qui lui était soumis, la cour régionale des pensions a fait une inexacte application de l'article L. 108 de ce code ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date d'ouverture de son droit à pension en 1979, MmeB..., qui avait obtenu le grade de lieutenant et avait été rayée des contrôles des armées, pouvait prétendre au calcul de sa pension au taux prévu pour ce grade ; que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ni le défaut de transmission des informations pertinentes entre les deux administrations, ni la circonstance qu'elle n'aurait pas reçu la notification de sa radiation ne lui interdisaient de demander la révision de sa pension ; que, si elle soutient également qu'elle ignorait qu'après sa radiation des contrôles, sa pension pouvait lui être attribuée au taux de son grade, l'administration n'était pas tenue de lui indiquer spontanément l'ensemble des avantages qu'elle pouvait revendiquer en application de la législation des pensions ; qu'ainsi, le délai mis par Mme B...à demander la révision de sa pension n'a été dû qu'à la méconnaissance par celle-ci de l'étendue de ses droits et obligations et est, dès lors, imputable à son fait personnel ; que, par suite, le ministre de la défense pouvait, en application de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, refuser de faire remonter au-delà du 1er janvier 2004 la période pour laquelle il lui avait été accordé un rappel d'arrérages de pension ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement du tribunal départemental des pensions des Côtes-d'Armor et de rejeter la demande de MmeB..., sans qu'il y ait lieu de rouvrir l'instruction pour examiner l'argumentation développée dans les notes en délibéré de Mme B...et, notamment la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

6. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme B...présentées sur leur fondement ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 octobre 2011 de la cour régionale des pensions de Rennes et le jugement du tribunal départemental des pensions des Côtes-d'Armor du 4 juin 2009 sont annulés.

Article 2 : La demande de Mme B...et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à Mme A...B....


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 354725
Date de la décision : 04/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2014, n° 354725
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:354725.20140604
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