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02/06/2014 | FRANCE | N°355508

France | France, Conseil d'État, 3ème ssjs, 02 juin 2014, 355508


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 3 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY00910 du 3 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant dans cette mesure le jugement n° 0504214 du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2007, a condamné la commune d'Oullins, d'une part, à lui verser, en sa qualité de représentante légale de son filsC..., une somme de 126 600 euros

au titre des frais liés au handicap de ce dernier pour la période du ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 3 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY00910 du 3 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant dans cette mesure le jugement n° 0504214 du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2007, a condamné la commune d'Oullins, d'une part, à lui verser, en sa qualité de représentante légale de son filsC..., une somme de 126 600 euros au titre des frais liés au handicap de ce dernier pour la période du 18 août 2004 au 30 avril 2011 et une rente, calculée sur la base d'un taux quotidien de 220 euros, au même titre pour la période du 1er mai 2011 à la majorité de l'enfant, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 228 264,65 euros ainsi que le solde éventuel de la rente ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Oullins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de Mme B...A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 18 août 2004, le jeune C...A..., alors âgé de cinq ans, a été retrouvé inanimé, alors qu'il se trouvait dans la partie la plus profonde du petit bassin de la piscine municipale d'Oullins ; qu'ayant pu être réanimé à la suite de cette noyade, l'enfant est toutefois resté hémiplégique et a conservé des séquelles neurologiques importantes ; que, par un jugement du 13 novembre 2007, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune d'Oullins à verser, premièrement, à MmeA..., en sa qualité de représentante légale de son filsC..., une rente annuelle de 20 000 euros jusqu'au 6 juin 2017, deuxièmement, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, en remboursement de ses débours, la somme de 319 514,55 euros et, troisièmement, à Mme A...et à chacun de ses deux autres enfants, en réparation de leur préjudice personnel, la somme de 10 000 euros ; que, par un arrêt du 6 mai 2010, la cour administrative d'appel de Lyon, faisant partiellement droit à l'appel de la commune d'Oullins, a réformé ce jugement ; que, par une décision du 30 mars 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il a condamné la commune d'Oullins à verser à MmeA..., au titre des frais de maintien à domicile, une somme de 12 960 euros pour la période du 30 août 2006 au 30 avril 2007 ainsi qu'une rente de 120 euros par jour à compter du 1er mai 2007 ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a condamné la commune d'Oullins à lui verser, au titre des frais liés au handicap de son fils, pour la période allant du 18 août 2004 au 30 avril 2007, une somme de 126 600 euros et, pour la période du 1er mai 2011 jusqu'à la majorité de l'enfant, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien de 220 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 228 246,65 euros ainsi que le solde éventuel de cette rente ; que, par un mémoire qui doit être regardé comme un pourvoi en cassation, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône demande également l'annulation de cet arrêt ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le jeune C...A...a été hébergé au domicile de ses parents pendant 360 jours entre le 18 août 2004 et le 30 avril 2007 et pendant 634 jours entre le 1er mai 2007 et le 31 janvier 2011 ; qu'ainsi, en calculant l'indemnité due au titre de l'assistance à domicile d'une tierce personne sur la base d'un hébergement à domicile de l'enfant pendant 288 jours entre le 18 août 2004 et le 30 avril 2007 et pendant 313,64 jours entre le 1er mai 2007 et le 30 avril 2011, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur matérielle ; que cet arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

4. Considérant que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail ;

5. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les évaluant, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales applicables, sur la base d'un coût journalier moyen, sur la période, de 260 euros ; qu'il résulte de l'instruction que, durant la période du 18 août 2004 au 30 novembre 2013, C...A...a été hébergé au domicile de sa famille pendant 1 492 jours ; qu'ainsi ses besoins d'assistance doivent être évalués à 387 920 euros pour cette période ; que les sommes supportées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre du transport et du placement de l'enfant dans deux centres spécialisés, soit 871 022,52 euros, doivent être regardées comme relevant des frais liés au handicap ; qu'à la date de la présente décision, le poste de préjudice des frais liés au handicap doit ainsi être évalué à un montant de 1 258 942,52 euros, dont la réparation incombe à la commune d'Oullins pour la fraction de 50 % correspondant à sa part de responsabilité, soit 629 471,26 euros ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il y a donc lieu d'allouer à MmeA..., en sa qualité de représentante légale de son filsC..., une indemnité de 387 920 euros et d'attribuer le solde à la caisse ;

6. Considérant que si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à l'enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré ; que les autres chefs de préjudice demeurés à la charge de l'enfant doivent être indemnisés par ailleurs, sous la forme soit d'un capital, soit d'une rente distincte ; que le juge doit condamner le responsable du dommage à rembourser à l'organisme de sécurité sociale qui aura assumé la charge du placement de l'enfant dans une institution spécialisée, sur justificatifs, les frais qu'il justifiera avoir exposés de ce fait ; qu'en cas de refus du centre hospitalier, il appartiendra à la caisse de faire usage des voies de droit permettant d'obtenir l'exécution des décisions de la justice administrative ;

7. Considérant que l'indemnité due par la commune d'Oullins, à compter du 1er décembre 2013, au titre des frais liés au handicap sera égale, à chaque trimestre échu, à 50 % de la somme, d'une part, d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de C...A...déterminé sur la base d'un taux quotidien, qu'il y a lieu de fixer à 280 euros à la date du 1er décembre 2013 et de revaloriser par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et qui sera retenu au... ; que l'indemnité ainsi calculée devant être attribuée par préférence à la victime, conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle sera intégralement versée aux représentants légaux de C...A...tant qu'elle sera inférieure au montant représentatif de la prise en charge à domicile pour le trimestre en cause ; qu'en revanche, lorsqu'elle dépassera ce montant, celui-ci sera versé aux intéressés et le solde à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;

8. Considérant que Mme A...a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui lui sont dues en capital par la commune d'Oullins à compter de sa demande indemnitaire du 12 mai 2005 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes mises à la charge de la commune d'Oullins, depuis la date à laquelle elle en a demandé le remboursement jusqu'à la date à laquelle elles lui ont été versées ou à la date de la présente décision ; qu'eu égard aux dates des demandes, les intérêts courent à compter du 13 juin 2007 sur une somme de 235 365,35 euros, à compter du 26 mai 2011 sur une somme de 347 727,95 euros et à compter du 27 décembre 2013 sur une somme de 287 929,22 euros ;

9. Considérant que la caisse a demandé la capitalisation des intérêts le 5 mars 2010 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts sur les sommes demandées en première instance ; que, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation au 5 mars 2010 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Oullins la somme de 3 000 euros à verser à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de la commune d'Oullins le remboursement à Mme A...de la contribution à l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du même code ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : La commune d'Oullins est condamnée à verser à MmeA..., en sa qualité de représentante légale de son filsC..., la somme de 387 920 euros, sous déduction des montants déjà versés au titre des frais liés au handicap pour la période du 18 août 2004 au 30 novembre 2013. Cette somme portera intérêts légaux à compter du 12 mai 2005.

Article 3 : La commune d'Oullins est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 241 551,26 euros, sous déduction des montants déjà versés au titre des frais liés au handicap pour la période du 18 août 2004 à la date de la présente décision. Les intérêts au taux légal sont dus à compter du 13 juin 2007 sur une somme de 235 365,35 euros, à compter du 26 mai 2011 sur une somme de 347 727,95 euros et à compter du 27 décembre 2013 sur une somme de 287 929,22 euros. Les intérêts échus à la date du 5 mars 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : La commune d'Oullins est condamnée à verser, à compter du 1er décembre 2013 et par trimestre échu jusqu'à la majorité de C...A..., une indemnité au titre des frais liés au handicap égale à 50% de la somme, d'une part, d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de C...A...déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 280 euros à la même date et revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, retenu au.prorata du nombre de nuits passées au domicile familial au cours du trimestre, et d'autre part, des sommes que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône établira, sur justificatifs, avoir exposées pour la même période L'indemnité ainsi calculée sera intégralement versée à MmeA..., en sa qualité de représentante légale de son filsC..., tant qu'elle sera inférieure au montant représentatif de la prise en charge à domicile pour le trimestre en cause. Lorsqu'elle dépassera ce montant, celui-ci sera versé à l'intéressée et le solde à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 6 : La commune d'Oullins versera à Mme A...la somme globale de 3 035 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune d'Oullins, le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme A...et le surplus des conclusions du pourvoi et de l'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon sont rejetés.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à la commune d'Oullins et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.


Synthèse
Formation : 3ème ssjs
Numéro d'arrêt : 355508
Date de la décision : 02/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2014, n° 355508
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:355508.20140602
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