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28/05/2014 | FRANCE | N°361383

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème ssr, 28 mai 2014, 361383


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep), dont le siège est 12, rue Henri Rol-Tanguy, Tsa 20002 à Montreuil-sous-Bois (93555) ; FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA01750 du 29 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de

Paris a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement n° 0720261 du...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep), dont le siège est 12, rue Henri Rol-Tanguy, Tsa 20002 à Montreuil-sous-Bois (93555) ; FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA01750 du 29 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement n° 0720261 du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 juillet 2007 par laquelle l'Oniep a réclamé à la société Sodiaal Industrie le reversement d'une somme de 288 051,14 euros correspondant au montant d'une aide communautaire indûment perçue ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Sodiaal International la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CEE) n° 2921/90 de la Commission du 10 octobre 1990 ;

Vu le règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

Vu le code civil ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Sodiaal Intenational ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Sodiaal Industrie a bénéficié, au cours de l'année 1998, de l'aide communautaire pour la fabrication de caséinates, dans les conditions prévues par le règlement (CEE) n° 2921/90 de la Commission du 10 octobre 1990 ; qu'un contrôle réalisé au cours de l'année 2001 par des agents de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) ayant révélé des écarts entre les quantités de caséinates pour lesquelles la société a bénéficié de l'aide et les quantités effectivement fabriquées, le directeur de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep) a demandé à la société Sodiaal Industrie, par une décision du 11 juillet 2007, le reversement d'une somme de 288 051,14 euros correspondant au montant de l'aide indûment perçue ; que, par un jugement du 11 février 2010, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Sodiaal International, venue aux droits de la société Sodiaal Industrie, tendant à l'annulation de cette décision et du rejet de son recours gracieux ; que l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), qui vient aux droits de l'Oniep, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a interjeté de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1 (...) / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (...) 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. / (...) 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes : / a) le paiement d'une amende administrative ; / b) le paiement d'un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d'intérêts (...) ; / c) la privation totale ou partielle d'un avantage octroyé par la réglementation communautaire (...) ; / d) l'exclusion ou le retrait du bénéfice de l'avantage pour une période postérieure à celle de l'irrégularité ; / e) le retrait temporaire d'un agrément ou d'une reconnaissance nécessaire à la participation à un régime d'aide communautaire ; / f) la perte d'une garantie ou d'un cautionnement constitué aux fins du respect des conditions d'une réglementation ou la reconstitution du montant d'une garantie indûment libérée ; / g) d'autres sanctions à caractère exclusivement économique, de nature et de portée équivalente, prévues dans les réglementations sectorielles (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans " ;

3. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH (affaires C-201/10 et C-202/10), le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un délai de prescription " plus long ", au sens de l'article 3, paragraphe 3 du règlement n° 2988/95 résulte d'un délai de prescription de droit commun réduit par voie jurisprudentielle pour satisfaire au principe de proportionnalité ; qu'en l'absence d'un texte spécial fixant, dans le respect de ce principe, un délai de prescription plus long, seul le délai de prescription de quatre années prévu par l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement précité est applicable ; que, dès lors, la cour n'a commis d'erreur de droit ni en jugeant, après avoir rappelé les termes de cet arrêt, qu'en l'absence de réglementation nationale spécifique légalement applicable aux faits de la cause, le délai de prescription trentenaire de droit commun de l'article 2262 du code civil, même réduit par la voie jurisprudentielle, ne pouvait être appliqué aux actions des organismes d'intervention agricole lorsqu'ils réclament le reversement d'une aide indûment versée et que seule la règle de prescription quadriennale prévue par le règlement n° 2988/95 devait être appliquée, ni en fixant à huit années le délai prévu par les dispositions du quatrième alinéa de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95 ;

4. Considérant, toutefois, que FranceAgriMer soutient que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions du quatrième alinéa de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95, en vertu desquelles la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sous réserve du cas de suspension de la procédure administrative conformément à l'article 6, paragraphe 1, trouvent à s'appliquer à la poursuite par l'autorité compétente d'une irrégularité conduisant à l'application d'une mesure administrative au sens de l'article 4 du règlement n° 2988/95 ;

5. Considérant que la réponse à ce moyen de FranceAgriMer dépend de la réponse à la question de savoir si les dispositions du quatrième alinéa de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95 s'appliquent exclusivement dans l'hypothèse où l'autorité compétente n'a prononcé aucune sanction, au sens de l'article 5 du règlement, à l'expiration d'un délai égal au double du délai de prescription, ou si elles s'appliquent aussi dans l'hypothèse de l'absence de mesure administrative, au sens de l'article 4 du règlement, prise dans ce délai ;

6. Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi de FranceAgriMer ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi présenté par FranceAgriMer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : - les dispositions du quatrième alinéa de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95, en vertu desquelles la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sous réserve du cas de suspension de la procédure administrative conformément à l'article 6, paragraphe 1 de ce règlement, s'appliquent-elles exclusivement dans l'hypothèse où l'autorité compétente n'a prononcé aucune sanction, au sens de l'article 5 du règlement, à l'expiration d'un délai égal au double du délai de prescription, ou s'appliquent-elles aussi dans l'hypothèse de l'absence de mesure administrative, au sens de l'article 4 du règlement, prise dans ce délai '

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer, à la société Sodiaal International, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au président de la Cour de justice de l'Union européenne. Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 361383
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2014, n° 361383
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361383.20140528
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