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26/05/2014 | FRANCE | N°361212

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 26 mai 2014, 361212


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juillet 2009 par lequel le maire de la commune de Caugé (Eure) a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré tacitement le 9 mai 2009 et, d'autre part, de condamner la commune de Caugé à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 0902139 du 4 novembre 2010, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par

un arrêt n° 10DA01601 du 23 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Douai a reje...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juillet 2009 par lequel le maire de la commune de Caugé (Eure) a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré tacitement le 9 mai 2009 et, d'autre part, de condamner la commune de Caugé à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 0902139 du 4 novembre 2010, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10DA01601 du 23 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M.A... à l'encontre de ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juillet 2012, 22 octobre 2012 et 5 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 10DA01601 de la cour administrative d'appel de Douai du 23 décembre 2011 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Caugé le versement de la somme de 5 000 euros à son avocat, la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la cour a commis une erreur de droit en prenant en compte, pour justifier la légalité du retrait de permis de construire demandé en 2009, le changement de destination du bâtiment qui remonte à 1984 ;

- elle a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire, alors que cet article admet, pour les constructions, toutes les destinations ;

- elle a commis une erreur de droit en jugeant, pour l'application de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, que la maison devait être regardée comme ayant été réalisée sans permis de construire, alors qu'un permis de construire avait été délivré en 1984, et, à tout le moins, sans rechercher si l'importance des modifications apportées avait été telle que la maison ne pouvait être réalisée sans la délivrance d'un nouveau permis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2013, la commune de Caugé conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens du pourvoi ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M.A..., et à la SCP Ghestin, avocat de la commune de Caugé.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a acquis, en 2004, une maison d'habitation située à Caugé. Cette maison avait été construite en 1984 par le précédent propriétaire, sur le fondement d'un permis de construire délivré le 12 avril 1984 en vue de l'édification d'un abri de jardin, de dimensions plus réduites. M. A...a demandé, le 9 mars 2009, la délivrance d'un permis de construire pour " modifier la destination " du bâtiment et " régulariser " celui-ci. Par un arrêté du 21 juillet 2009, le maire de Caugé a procédé au retrait du permis de construire tacite né le 9 mai 2009, en se fondant sur la méconnaissance des dispositions des articles N1 et N2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Le tribunal administratif de Rouen puis la cour administrative d'appel de Douai, respectivement par un jugement du 4 novembre 2010 et par un arrêt du 23 décembre 2011, ont rejeté la demande de M. A...tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision de retrait et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Caugé à réparer son préjudice. M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour de Douai.

2. En premier lieu, lorsqu'un immeuble a été édifié en violation des prescriptions du permis de construire initialement sollicité, un nouveau permis de construire ne peut être légalement accordé pour permettre la régularisation de la construction que s'il est conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de sa délivrance. Dans l'hypothèse où doit être appréciée l'existence d'un changement de destination, l'autorité compétente doit prendre en considération la destination du bâtiment telle qu'elle a été initialement autorisée ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l'objet d'une autorisation, mais non la destination donnée à l'immeuble par les travaux réalisés de façon irrégulière. Par suite, en relevant que le permis de construire délivré en 1984 concernait un abri de jardin et qu'aucun changement de destination de cette construction n'avait été autorisé depuis cette date, puis en recherchant si les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune en vigueur en 2009 autorisaient, dans la zone naturelle concernée, la transformation d'un abri de jardin en une maison à usage d'habitation, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Caugé approuvé le 26 juin 2007 : " Sont interdites les constructions et installations de quelque destination que ce soit, exceptés les types d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnés à l'article 2 ". Aux termes de l'article N2 du même document : " Sont admises, à l'exception des interdictions mentionnées à l'article 1, les constructions et installations de quelque destination que ce soit, notamment : / - l'aménagement et l'extension des bâtiments et établissements existants, ainsi que leurs annexes ; / - la reconstruction des constructions existantes après sinistre (...) ". Si ces dispositions permettent l'aménagement et l'extension des bâtiments existants, quelle que soit leur destination, elles n'autorisent pas le changement de destination d'un bâtiment existant. Ainsi, en jugeant que le permis tacite né au profit de M. A...méconnaissait ces dispositions et que, par suite, le maire avait pu légalement procéder à son retrait, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (...) e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ". Toutefois, le retrait de permis de construire en litige n'est pas motivé par l'irrégularité de la construction existante au regard du permis de construire délivré en 1984, mais par la méconnaissance des dispositions précitées des articles N1 et N2 du règlement du plan local d'urbanisme, qui n'autorisent pas le changement de destination d'une construction existante. Par suite, le moyen soulevé en appel par M.A..., tiré de la violation de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, était inopérant. Il convient de l'écarter pour ce motif, qui doit être substitué à celui retenu par la cour.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Caugé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Caugé présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Caugé présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la commune de Caugé.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 361212
Date de la décision : 26/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2014, n° 361212
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP GHESTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361212.20140526
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