Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 septembre et 14 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11NC01259 du 3 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0901058 du 31 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 avril 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 3 novembre 2008 et autorisé la société Trane à le licencier ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Trane la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A...et à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de la société Trane ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M.A..., membre du comité d'entreprise de la société Trane et conseiller prud'homal, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute grave auprès de l'inspecteur du travail, qui a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée ; que, sur recours hiérarchique formé par l'employeur, le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement ; que M. A...a formé un recours contre cette décision devant le tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que les faits reprochés à M. A...constituaient des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour administrative d'appel de Nancy s'est bornée à constater qu'il avait refusé de se soumettre à trois sanctions disciplinaires, et avait ainsi fait preuve d'une " insubordination persistante ", sans rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, ces sanctions étaient justifiées ; ce que M. A...contestait devant elle ; que, par suite, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
4. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Trane la somme de 1 000 euros chacun à verser à la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société Trane au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 mai 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat et la société Trane verseront chacun 1 000 euros à la SCP Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, avocat de M.A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Trane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la société Trane.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, et du dialogue social.