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07/05/2014 | FRANCE | N°356760

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 07 mai 2014, 356760


Vu le pourvoi de la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, enregistré le 14 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; la ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10PA03193 du 13 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel de M. A...B...contre le jugement n° 0715878/2-1 du 14 mai 2010 du tribunal administratif de Paris, a ordonné la restitution au contribuable de la somme de 616,23 euros correspondant à la retenue à... ;

V

u les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Comm...

Vu le pourvoi de la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, enregistré le 14 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; la ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10PA03193 du 13 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel de M. A...B...contre le jugement n° 0715878/2-1 du 14 mai 2010 du tribunal administratif de Paris, a ordonné la restitution au contribuable de la somme de 616,23 euros correspondant à la retenue à... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui réside en Belgique, a perçu en 2006, des dividendes de source française sur lesquels a été prélevée une retenue à la source au taux de 15 % ; que la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel de M. B... contre le jugement du 14 mai 2010 du tribunal administratif de Paris, a ordonné la restitution au contribuable de la retenue à la source ci-dessus mentionnée ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France " ; que l'article 15 de la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu stipule : " 1. Les dividendes ayant leur source dans un Etat contractant qui sont payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat./2. Toutefois, sous réserve des dispositions du paragraphe 3, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a. 10 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société qui a la propriété exclusive d'au moins 10 % du capital de la société distributrice des dividendes depuis le début du dernier exercice social de celle-ci clos avant la distribution ; / b. 15 % du montant brut des dividendes dans les autres cas. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, applicable au litige et devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres :/ a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu ou leurs capitaux sont investis ; (...)/ 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;

4. Considérant qu'il résulte des stipulations citées au point 3, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d'un État par un non-résident ne constitue, le plus souvent, qu'une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l'ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s'apprécier le plus aisément à l'endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle ; qu'ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu'il accorde au résident n'est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale ; que, toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du traité instituant la Communauté européenne si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il est établi que, au regard de l'objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, la situation des actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents lorsque l'Etat membre assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non-résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir, au motif que la détermination du revenu global imposable de ces deux personnes procède des règles fiscales propres à la législation de chacun des Etats concernés, que la cour a commis une erreur de droit en jugeant qu'à l'égard des mesures prévues par la France afin d'atténuer la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, un actionnaire personne physique résidant en Belgique se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d'un actionnaire domicilié en France, dès lors que la France assujettit à l'impôt tant les personnes résidant sur son territoire que celles résidant hors de France à raison des dividendes de source française qu'elles perçoivent ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucun principe de droit de l'Union européenne n'impose aux Etats membres de prévenir la double imposition juridique des dividendes dans le cas où ceux-ci donnent lieu à retenue à la source dans l'Etat où est établie la société distributrice ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit, un Etat membre ne peut, dès lors qu'il exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidant tant sur son territoire que dans un autre Etat membre percevant des dividendes de source française, discriminer ces deux catégories d'actionnaires ; qu'il peut néanmoins corriger une législation fiscale discriminatoire par la signature de conventions avec l'Etat de résidence du bénéficiaire des distributions ; que la circonstance que la législation de l'Etat de résidence combinée avec les stipulations conventionnelles ne permette pas la correction de la discrimination résultant de la législation de l'Etat dans lequel est établie la société distributrice est sans incidence sur l'imputation de cette discrimination à ce second Etat ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir, au motif que la France n'était pas tenue d'effacer la double imposition juridique résultant de la non-prise en compte par la Belgique de l'impôt acquitté en France sous la forme de crédit d'impôt, que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que, s'agissant de l'imposition par la France des dividendes de source française qu'il avait perçus, M. B... n'avait pas bénéficié d'un traitement équivalent à celui d'un actionnaire domicilié en France ;

7. Considérant, en troisième lieu, que pour comparer la charge fiscale supportée respectivement par un contribuable ayant son domicile fiscal en France et un résident de Belgique percevant des dividendes de source française aux fins de déterminer si l'application de la retenue à la source au taux conventionnel de 15 % constituait ou non un traitement défavorable de ce dernier, la cour a pris en compte, au titre de la charge fiscale pesant sur le contribuable domicilié en France, l'abattement proportionnel au taux de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2006, et l'abattement fixe annuel prévu au 5° du 3 de ce même article ainsi que le crédit d'impôt plafonné prévu à l'article 200 septies du même code, dans sa rédaction applicable à cette même année ; que la cour, qui n'avait pas connaissance de la situation personnelle de M. B..., a procédé à une analyse des charges fiscales théoriques en comparant la retenue à la source acquittée par M. B... en 2006, à la charge fiscale supportée respectivement par un contribuable célibataire domicilié en France et par un couple de contribuables soumis à une imposition commune domiciliés en France percevant le même montant de dividendes ; qu'elle a constaté, d'une part, que l'imposition supportée par un célibataire domicilié en France relevant de la tranche marginale supérieure du barème de l'impôt sur le revenu, était, en tout état de cause, inférieure à la retenue à la source acquittée par M. B... et, d'autre part, que dans l'hypothèse d'un couple de contribuables soumis à une imposition commune relevant également de la tranche marginale supérieure du barème de l'impôt sur le revenu, aucune imposition n'aurait été due ;

8. Considérant que le ministre ne conteste pas la prise en compte par la cour, pour la détermination du taux d'imposition effectivement appliqué à un actionnaire résident aux fins d'examiner si le traitement fiscal de M. B... était ou non défavorable, de l'abattement proportionnel prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts et du crédit d'impôt prévu à l'article 200 septies du même code, alors en vigueur et institués en vue de prévenir et atténuer la double imposition économique des dividendes ; qu'en revanche, le ministre soutient que la cour ne pouvait prendre en compte l'abattement fixe annuel prévu au 5° du 3 de l'article 158 du code général des impôts en faveur des bénéficiaires de dividendes et distributions assimilées domiciliés en France, fixé à un montant de 1 525 euros pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et de 3 050 euros pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune, dès lors que cet avantage fiscal poursuit une finalité sociale, sans lien avec la prévention de la double imposition économique ;

9. Considérant, toutefois, qu'en instituant l'abattement fixe annuel prévu au 5° du 3 de l'article 158 du code général des impôts en faveur des bénéficiaires de dividendes et distributions assimilées domiciliés en France, le législateur a entendu encourager l'acquisition de valeurs mobilières par de nouveaux épargnants ; que l'octroi de cet avantage étant directement et uniquement lié à la qualité d'actionnaire, la situation des actionnaires non-résidents est comparable à celle des actionnaires résidents ; que, par suite, en prenant en compte l'abattement fixe pour déterminer le taux d'imposition effectivement appliqué à un actionnaire résident, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

10. Considérant, enfin, qu'ignorant la situation familiale de M. B..., la cour n'a pas commis d'erreur de droit en comparant la charge fiscale supportée par celui-ci à celles supportées respectivement, compte tenu des montants différenciés de l'abattement fixe annuel et du crédit d'impôt selon la situation familiale du bénéficiaire de ces avantages, par un contribuable célibataire et par un couple soumis à imposition commune domiciliés en France, aux fins de déterminer si, dans l'une et l'autre de ces hypothèses, l'application de la retenue à la source au taux de 15 % constituait ou non un traitement défavorable de l'intéressé ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander, par les moyens qu'il invoque, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a ordonné la restitution de la retenue à la source appliquée sur les dividendes de source française perçus par M. B... au titre de l'année 2006 ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M.B.la source appliquée sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours de l'année 2006


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 356760
Date de la décision : 07/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX - 1) EXERCICE NON DISCRIMINATOIRE PAR UN ETAT MEMBRE DE SES COMPÉTENCES FISCALES - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT ENTRE LES CONTRIBUABLES SELON LEUR ETAT DE RÉSIDENCE - CONDITIONS - SITUATIONS OBJECTIVEMENT NON COMPARABLES OU RAISON IMPÉRIEUSE D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - A) PRINCIPES EN MATIÈRE D'IMPÔTS DIRECTS DES PERSONNES PHYSIQUES [RJ2] - B) MESURES DE PRÉVENTION OU D'ATTÉNUATION DE L'IMPOSITION EN CHAÎNE OU DE LA DOUBLE IMPOSITION ÉCONOMIQUE DE BÉNÉFICES DISTRIBUÉS PAR UNE SOCIÉTÉ RÉSIDENTE - SITUATION DES ACTIONNAIRES NON-RÉSIDENTS OBJECTIVEMENT COMPARABLE À CELLE DES RÉSIDENTS - EXISTENCE - LORSQUE L'ETAT MEMBRE ASSUJETTIT À L'IMPÔT LES ACTIONNAIRES RÉSIDENTS ET NON-RÉSIDENTS À RAISON DES DIVIDENDES PERÇUS - 2) CONSÉQUENCES - APPRÉCIATION DE LA COMPATIBILITÉ AVEC LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX DE LA RETENUE À LA SOURCE APPLIQUÉE À UN RÉSIDENT BELGE SUR SES DIVIDENDES DE SOURCE FRANÇAISE - COMPARAISON AVEC LA CHARGE FISCALE SUPPORTÉE PAR UN CONTRIBUABLE AYANT SON DOMICILE FISCAL EN FRANCE - A) ABATTEMENT FIXE PRÉVU AU 5° DU 3 DE L'ARTICLE 158 DU CGI - AVANTAGE DONT L'OCTROI EST DIRECTEMENT ET UNIQUEMENT LIÉ À LA QUALITÉ D'ACTIONNAIRE - PRISE EN COMPTE POUR LA DÉTERMINATION DU TAUX D'IMPOSITION EFFECTIVEMENT APPLIQUÉ À UN ACTIONNAIRE RÉSIDENT - EXISTENCE - B) COMPARAISON OPÉRÉE PAR LE JUGE - EN L'ABSENCE DE CONNAISSANCE DE LA SITUATION PERSONNELLE DE L'INTÉRESSÉ - COMPARAISON AVEC LA CHARGE SUPPORTÉE RESPECTIVEMENT PAR UN CONTRIBUABLE CÉLIBATAIRE ET PAR UN COUPLE SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE DOMICILIÉS EN FRANCE.

15-05-01-03 1) Il résulte des stipulations de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et de l'article 58 du TCE, devenu l'article 65 du TFUE, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le TCE.... ,,Toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général [RJ1].... ,,a) En matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d'un État par un non-résident ne constitue, le plus souvent, qu'une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l'ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s'apprécier le plus aisément à l'endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle.,,,Ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu'il accorde au résident n'est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents du point de vue tant de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale. Toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du TCE si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il est établi que, au regard de l'objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable.,,,b) A l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, la situation des actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents lorsque l'Etat membre assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non-résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente.,,,Dès lors, à l'égard des mesures prévues par la France afin d'atténuer la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, un actionnaire personne physique résidant en Belgique se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d'un actionnaire domicilié en France, dès lors que la France assujettit à l'impôt tant les personnes résidant sur son territoire que celles résidant hors de France à raison des dividendes de source française qu'elles perçoivent.,,,2) Personne physique résidente de Belgique contestant, au regard de la libre circulation des capitaux, l'application de la retenue à la source au taux de 15 % sur les dividendes de source française qu'elle a perçus.,,,a) En instituant l'abattement fixe annuel prévu au 5° du 3 de l'article 158 du code général des impôts (CGI) en faveur des bénéficiaires de dividendes et distributions assimilées domiciliés en France, le législateur a entendu encourager l'acquisition de valeurs mobilières par de nouveaux épargnants. L'octroi de cet avantage étant directement et uniquement lié à la qualité d'actionnaire, la situation des actionnaires non-résidents est comparable à celle des actionnaires résidents. Par suite, il y a lieu de prendre en compte l'abattement fixe pour déterminer le taux d'imposition effectivement appliqué à un actionnaire résident.,,,b) Les juges du fond, qui n'avaient pas connaissance en l'espèce de la situation personnelle du contribuable, ont comparé à bon droit la charge fiscale supportée par celui-ci à celles supportées respectivement, compte tenu des montants différenciés de l'abattement fixe annuel et du crédit d'impôt selon la situation familiale du bénéficiaire de ces avantages, par un contribuable célibataire et par un couple soumis à imposition commune domiciliés en France aux fins de déterminer si, dans l'une et l'autre de ces hypothèses, l'application de la retenue à la source au taux de 15 % constitue ou non un traitement défavorable de l'intéressé.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - COTISATIONS D`IR MISES À LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS - RETENUES À LA SOURCE - 1) LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX - EXERCICE NON DISCRIMINATOIRE PAR UN ETAT MEMBRE DE SES COMPÉTENCES FISCALES - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT ENTRE LES CONTRIBUABLES SELON LEUR ETAT DE RÉSIDENCE - CONDITIONS - SITUATIONS OBJECTIVEMENT NON COMPARABLES OU RAISON IMPÉRIEUSE D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - A) PRINCIPES EN MATIÈRE D'IMPÔTS DIRECTS DES PERSONNES PHYSIQUES [RJ2] - B) MESURES DE PRÉVENTION OU D'ATTÉNUATION DE L'IMPOSITION EN CHAÎNE OU DE LA DOUBLE IMPOSITION ÉCONOMIQUE DE BÉNÉFICES DISTRIBUÉS PAR UNE SOCIÉTÉ RÉSIDENTE - SITUATION DES ACTIONNAIRES NON-RÉSIDENTS OBJECTIVEMENT COMPARABLE À CELLE DES RÉSIDENTS - EXISTENCE - LORSQUE L'ETAT MEMBRE ASSUJETTIT À L'IMPÔT LES ACTIONNAIRES RÉSIDENTS ET NON-RÉSIDENTS À RAISON DES DIVIDENDES PERÇUS - 2) CONSÉQUENCES - APPRÉCIATION DE LA COMPATIBILITÉ AVEC LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX DE LA RETENUE À LA SOURCE APPLIQUÉE À UN RÉSIDENT BELGE SUR SES DIVIDENDES DE SOURCE FRANÇAISE - COMPARAISON AVEC LA CHARGE FISCALE SUPPORTÉE PAR UN CONTRIBUABLE AYANT SON DOMICILE FISCAL EN FRANCE - A) ABATTEMENT FIXE PRÉVU AU 5° DU 3 DE L'ARTICLE 158 DU CGI - AVANTAGE DONT L'OCTROI EST DIRECTEMENT ET UNIQUEMENT LIÉ À LA QUALITÉ D'ACTIONNAIRE - PRISE EN COMPTE POUR LA DÉTERMINATION DU TAUX D'IMPOSITION EFFECTIVEMENT APPLIQUÉ À UN ACTIONNAIRE RÉSIDENT - EXISTENCE - B) COMPARAISON OPÉRÉE PAR LE JUGE - EN L'ABSENCE DE CONNAISSANCE DE LA SITUATION PERSONNELLE DE L'INTÉRESSÉ - COMPARAISON AVEC LA CHARGE SUPPORTÉE RESPECTIVEMENT PAR UN CONTRIBUABLE CÉLIBATAIRE ET PAR UN COUPLE SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE DOMICILIÉS EN FRANCE.

19-04-01-02-06-01 1) Il résulte des stipulations de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et de l'article 58 du TCE, devenu l'article 65 du TFUE, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le TCE.... ,,Toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général [RJ1].... ,,a) En matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d'un État par un non-résident ne constitue, le plus souvent, qu'une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l'ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s'apprécier le plus aisément à l'endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle.,,,Ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu'il accorde au résident n'est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents du point de vue tant de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale. Toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du TCE si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il est établi que, au regard de l'objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable.,,,b) A l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, la situation des actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents lorsque l'Etat membre assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non-résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente.,,,Dès lors, à l'égard des mesures prévues par la France afin d'atténuer la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, un actionnaire personne physique résidant en Belgique se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d'un actionnaire domicilié en France, dès lors que la France assujettit à l'impôt tant les personnes résidant sur son territoire que celles résidant hors de France à raison des dividendes de source française qu'elles perçoivent.,,,2) Personne physique résidente de Belgique contestant, au regard de la libre circulation des capitaux, l'application de la retenue à la source au taux de 15 % sur les dividendes de source française qu'elle a perçus.,,,a) En instituant l'abattement fixe annuel prévu au 5° du 3 de l'article 158 du code général des impôts (CGI) en faveur des bénéficiaires de dividendes et distributions assimilées domiciliés en France, le législateur a entendu encourager l'acquisition de valeurs mobilières par de nouveaux épargnants. L'octroi de cet avantage étant directement et uniquement lié à la qualité d'actionnaire, la situation des actionnaires non-résidents est comparable à celle des actionnaires résidents. Par suite, il y a lieu de prendre en compte l'abattement fixe pour déterminer le taux d'imposition effectivement appliqué à un actionnaire résident.,,,b) Les juges du fond, qui n'avaient pas connaissance en l'espèce de la situation personnelle du contribuable, ont comparé à bon droit la charge fiscale supportée par celui-ci à celles supportées respectivement, compte tenu des montants différenciés de l'abattement fixe annuel et du crédit d'impôt selon la situation familiale du bénéficiaire de ces avantages, par un contribuable célibataire et par un couple soumis à imposition commune domiciliés en France aux fins de déterminer si, dans l'une et l'autre de ces hypothèses, l'application de la retenue à la source au taux de 15 % constitue ou non un traitement défavorable de l'intéressé.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Plénière fiscale, 9 mai 2012, Société GBL Energy, n°s 342221 342222, p. 195.,,

[RJ2]

Comp., dans le cas des actionnaires personnes morales, CE, Plénière fiscale, 9 mai 2012, Société GBL Energy, n°s 342221 342222, p. 195.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2014, n° 356760
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:356760.20140507
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