La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2014 | FRANCE | N°358244

France | France, Conseil d'État, 5ème / 4ème ssr, 05 mai 2014, 358244


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 3 avril et 3 juillet 2012 et le 23 janvier 2013, présentés pour la commune de Garges-lès-Gonesse (95140), représentée par son maire ; la commune de Garges-lès-Gonesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10VE00275-10VE00276 du 29 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement n° 0602338 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 février 2007, l'a condamnée, d'une part, à r

aliser les travaux de réfection du réseau de stockage des eaux pluviales ...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 3 avril et 3 juillet 2012 et le 23 janvier 2013, présentés pour la commune de Garges-lès-Gonesse (95140), représentée par son maire ; la commune de Garges-lès-Gonesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10VE00275-10VE00276 du 29 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement n° 0602338 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 février 2007, l'a condamnée, d'une part, à réaliser les travaux de réfection du réseau de stockage des eaux pluviales pour mettre fin au préjudice subi par la SCI Saint-Martin ou à lui verser la somme de 516 500 euros et, d'autre part, à verser à la société Clenet la somme de 8 458 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes indemnitaires présentées par la SCI Saint-Martin et la société Clenet ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Saint-Martin et de la société Clenet le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 326491-328808 du 17 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gérald Bégranger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Garges-lès-Gonesse et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du département de la Seine-Saint-Denis ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Saint-Martin et la société Clenet ont recherché la réparation des préjudices qu'elles ont subis en raison d'inondations répétées, survenues en mai 1993, en juin 1996, en mai 1999 et en juillet 2001, qui ont affecté des locaux, situés sur le territoire de la commune de Garges-lès-Gonesse (Seine-Saint-Denis), appartenant à la première de ces sociétés et loués par la seconde afin d'y exploiter un garage automobile ; que l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a conclu que les inondations avaient pour cause principale un dysfonctionnement du système de collecte des eaux pluviales de ce secteur de la commune, dont les capacités ne suffisaient pas à contenir le flux des eaux de ruissellement ; qu'un litige indemnitaire a été engagé devant la juridiction administrative par la SCI Saint-Martin et la société Clenet contre la commune de Garges-lès-Gonesse au titre du fonctionnement défectueux de l'ouvrage public lui incombant ;

2. Considérant que ce litige a fait successivement l'objet d'un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 février 2007, puis d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 15 janvier 2009 ; que, par une décision du 17 décembre 2009, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles ; que, par un arrêt du 29 décembre 2011, la cour, après avoir annulé pour irrégularité le jugement du tribunal administratif, a évoqué les demandes portées devant ce tribunal et condamné la commune de Garges-lès-Gonesse à verser à la société Clenet une somme de 8 458 euros en réparation de ses pertes d'exploitation liées aux désordres en cause ; que, par le même arrêt, la cour a condamné la commune à verser à la SCI Saint-Martin une somme de 516 500 euros au titre du préjudice subi par celle-ci du fait du risque récurrent d'inondation, qui a entraîné une dépréciation de son bien et empêché qu'il soit vendu ; que cette condamnation au bénéfice de la SCI Saint-Martin a toutefois été prononcée contre la commune sous réserve de la possibilité pour celle-ci, en lieu et place du paiement, de réaliser les travaux de réfection du système de stockage des eaux pluviales pour mettre fin au préjudice subi par la SCI Saint-Martin ; que la commune de Garges-lès-Gonesse se pourvoit en cassation contre ce second arrêt ;

3. Considérant qu'en énonçant que les deux sociétés subissaient " en leur qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public un préjudice anormal et spécial qui engage la responsabilité de la commune même en l'absence de faute ", les juges d'appel ont entendu faire application du régime de responsabilité des personnes publiques à l'égard des tiers au titre des dommages causés par les travaux ou ouvrages publics ; que leur arrêt est à cet égard exempt d'erreur de droit ; qu'en ne précisant pas si cette responsabilité était en l'espèce engagée pour des dommages à caractère accidentel ou permanent, ils n'ont pas entaché leur arrêt d'une insuffisance de motivation ;

4. Considérant qu'en énonçant que l'expert désigné par le président du tribunal administratif concluait que la cause principale des inondations survenues en mai 1993, juin 1996, mai 1999 et juillet 2001 était le dysfonctionnement du système de collecte des eaux pluviales de la commune, la cour n'a pas dénaturé le rapport d'expertise versé au dossier qui lui était soumis ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Garges-lès-Gonesse, la cour administrative d'appel a, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique, successivement jugé que le préjudice de la SCI Saint-Martin et de la société Clenet présentait un caractère anormal et un caractère spécial ;

6. Considérant que c'est par une motivation suffisante et sans commettre d'erreur de droit que la cour, à laquelle il incombait de statuer à nouveau sur l'ensemble du litige, a alloué à la société Clenet une indemnité de 8 458 euros en réparation d'une franchise appliquée par son assureur aux pertes d'exploitation dont elle n'avait pas été remboursée ;

7. Mais considérant qu'en ne recherchant pas si, comme le soutenait la commune, les travaux nécessaires pour mettre fin au préjudice subi par la SCI Saint-Martin du fait du fonctionnement défectueux du système de collecte des eaux pluviales avaient déjà été réalisés à la date à laquelle elle statuait, la cour n'a pas légalement justifié la condamnation prononcée au profit de cette société ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi critiquant sur ce point l'arrêt attaqué, d'annuler l'article 2 de celui-ci, qui condamne la commune de Garges-lès-Gonesse à verser à la SCI Saint-Martin la somme de 516 500 euros, si mieux n'aime réaliser les travaux de réfection du système de stockage et d'évacuation des eaux pluviales dans un délai de six mois, et son article 4, en tant qu'il met à la charge de la commune la somme de 2000 euros à verser à la SCI Saint Martin au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée en se prononçant sur les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Saint-Martin devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SCI Saint-Martin, propriétaire des locaux, demande que la commune répare le préjudice qu'elle affirme subir du fait du risque récurrent d'inondation, qui entraîne une dépréciation de son bien et fait obstacle à ce qu'il soit vendu ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la commune, qui a établi un schéma directeur d'assainissement communal et aménagé dans un terrain situé à proximité du garage Clenet un bassin de rétention des eaux, a réalisé les travaux de réfection du système de stockage et d'évacuation des eaux pluviales nécessaires pour mettre fin au risque d'inondation affectant la valeur du bien dont la SCI Saint-Martin est propriétaire ; que les conclusions indemnitaires formées par celle-ci au titre du seul préjudice qu'elle invoque ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par la commune de Garges-lès-Gonesse en tant qu'elle vise la société Clenet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la SCI Saint-Martin, la commune de Garges-lès-Gonesse n'étant pas, dans le litige qui l'oppose à cette société, la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCI Saint-Martin le versement de la somme de 3000 euros au même titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le département de la Seine-Saint-Denis ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 décembre 2011, ainsi que l'article 4 du même arrêt en tant qu'il met à la charge de la commune de Garges-lès-Gonesse le versement à la SCI Saint-Martin d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont annulés.

Article 2 : Le surplus du pourvoi de la commune de Garges-lès-Gonesse est rejeté.

Article 3 : Les conclusions indemnitaires présentées par de la SCI Saint-Martin devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Garges-lès-Gonesse, en tant qu'elles visent la SCI Clenet, par la SCI Saint-Martin et par le département de la Seine-Saint-Denis sont rejetées.

Article 5 : La SCI Saint-Martin versera la somme de 3000 euros à la commune de Garges-lès-Gonesse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Garges-lès-Gonesse, à la SCI Saint-Martin, à la société Clenet et au département de la Seine-Saint-Denis.


Synthèse
Formation : 5ème / 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 358244
Date de la décision : 05/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2014, n° 358244
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gérald Bégranger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:358244.20140505
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award