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28/04/2014 | FRANCE | N°369694

France | France, Conseil d'État, 2ème / 7ème ssr, 28 avril 2014, 369694


Vu le pourvoi, enregistré le 26 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301294 du 11 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des décisions du préfet de la Côte-d'Or des 22 avril et 16 mai 2013 refusant l'admission de M. A...B...au séjour au titre de l'asile et ordonnant sa remise aux

autorités espagnoles, et a enjoint au préfet de procéder au réexame...

Vu le pourvoi, enregistré le 26 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301294 du 11 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des décisions du préfet de la Côte-d'Or des 22 avril et 16 mai 2013 refusant l'admission de M. A...B...au séjour au titre de l'asile et ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la demande d'admission au séjour de l'intéressé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. B...;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 (...) ; / (...) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; que, selon l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'Etat membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'Etat membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge " ; qu'aux termes, enfin de l'article 15 du même règlement : " 1. Tout Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet Etat membre examine, à la demande d'un autre Etat membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir. / (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Dijon que M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile le 9 avril 2013 auprès de la préfecture de la Côte-d'Or ; que, par une décision du 22 avril 2013, le préfet a, sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé son admission au séjour au titre de l'asile, au motif que l'Espagne, où l'intéressé avait déposé une première demande d'asile le 9 juin 2010, était responsable de l'examen de sa demande ; que, le 16 mai 2013, le préfet a, en application du règlement du 18 février 2003 dit " Dublin II ", pris une décision de remise de l'intéressé aux autorités espagnoles, après avoir obtenu l'accord de ces dernières ; que M. B...a formé un recours pour excès de pouvoir contre ces deux décisions et demandé leur suspension en soulevant, notamment, un moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de la clause humanitaire définie par les dispositions combinées des articles 3 et 15 du même règlement ;

4. Considérant que, pour faire droit à cette demande par l'ordonnance attaquée du 11 juin 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a relevé, d'une part, que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative devait être regardée comme remplie et, d'autre part, que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation relative à la situation personnelle du requérant et de la méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 3 et de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 paraissaient, en l'état de l'instruction, propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions litigieuses ; que, sur ce dernier point, le juge des référés a estimé qu'il n'était pas établi, contrairement à ce que soutenait le préfet de la Côte-d'Or devant lui, que les actes d'état civil produits relatifs à M. B...et à ses frères étaient erronés ou frauduleux ; que, toutefois, le préfet avait produit devant le juge des référés un courrier électronique adressé le 20 mai 2013 à la préfecture de la Côte-d'Or par les services consulaires de l'ambassade de France en République démocratique du Congo, dont il ressortait, au terme des recherches effectuées par ces services, que les documents produits comme actes de naissance de M. A...B...et de M.C..., présenté par l'intéressé comme son frère, ne pouvaient être authentiques dès lors que les mentions relatives à leurs dates de délivrance méconnaissaient la législation congolaise ; qu'ainsi, en se fondant notamment sur ce qu'il n'était pas établi que les actes d'état civil produits par M. B...étaient erronés ou frauduleux, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant que M. B...soutient que les deux décisions contestées sont insuffisamment motivées, que le préfet a méconnu le troisième alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le paragraphe 4 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003, a méconnu sa compétence en s'étant cru lié par la circonstance que les empreintes digitales de l'intéressé avaient déjà été enregistrées en Espagne, a commis une erreur de droit au regard du paragraphe 1 de l'article 10 du même règlement et de l'article 6 de ce règlement, a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit au regard du paragraphe 2 de l'article 3 et de l'article 15 du même règlement ainsi qu'au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aucun de ces moyens n'est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions du préfet de la Côte-d'Or des 22 avril et 16 mai 2013 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution des décisions contestées ; que, par suite, ses conclusions présentées tant en première instance qu'en cassation au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 11 juin 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Dijon sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...devant le Conseil d'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 2ème / 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 369694
Date de la décision : 28/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2014, n° 369694
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tristan Aureau
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:369694.20140428
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