Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 23 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société ardennaise d'essieux, dont le siège est Route de Cliron à Ham-les-moines (08090), représentée par son président directeur général en exercice ; la société ardennaise d'essieux venant aux droits de la société Gigant France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11NC01503, 11NC01504 et 11NC01505 du 5 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation des jugements n° 1001902, 1001896 et 1001890 du 7 juillet 2011 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne annulant les décisions du 9 août 2010 par lesquelles le ministre du travail a autorisé le licenciement de MM. D...B..., A...E...et A...C...et, d'autre part, au rejet des demandes de première instance présentées par MM.B..., E...et C...;
2°) de mettre à la charge de MM.B..., E...etC..., la somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société ardennaise d'essieux et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que la société Gigant France a décidé, à la suite de difficultés économiques, de concentrer sa production d'essieux pour poids lourds sur son site de Ham-Les-Moines dans les Ardennes et de fermer, en conséquence, son établissement secondaire situé à Saint-Thibault dans l'Aube ; que le 6 janvier 2010, elle a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier, pour motif économique, l'ensemble des salariés protégés employés sur le site de Saint Thibault dont MM.B..., E...et C...; que, par trois décisions en date du 9 août 2010, prises sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a autorisé la société Gigant France à licencier les trois intéressés ; que la cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 5 juin 2012, rejeté l'appel de la société ardennaise d'essieux contre les jugements par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions ministérielles portant autorisation de licencier les trois salariés précités ; que la société se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, " (...) Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises. " ; qu'il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
3. Considérant que pour annuler le jugement attaqué, la cour s'est fondée sur ce que l'entreprise Gigant n'avait pas rempli son obligation de reclassement, sans répondre au moyen, soulevé par la société ardennaise d'essieux, tiré de ce que les sept postes non pourvus, sur les douze prévus par le plan de sauvegarde de l'emploi signé par les partenaires sociaux le 21 octobre 2009, n'avaient pas été proposés à MM.B..., E...et C...en raison de l'absence de qualification des intéressés pour de tels postes de travail ; que dès lors, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société ardennaise d'essieux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 juin 2012 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société ardennaise d'essieux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société ardennaise d'essieux, à M. D...B..., à M. A...E...et à M. A...C....
Copie sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.