Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 20 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 10864 du 22 juillet 2011 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2010 de la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d'Azur-Corse prononçant à son encontre la peine de la radiation du tableau de l'ordre et, d'autre part, a décidé que cette radiation sera exécutoire le 1er novembre 2011 ;
2°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.B..., à Me Foussard, avocat du médecin-conseil, chef de l'échelon local du service médical de Strasbourg et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge du fond que, par une décision du 16 juin 2009, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a infligé à M.B..., médecin généraliste, la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois ans ; que, par une décision du 22 juillet 2011 contre laquelle M. B...se pourvoit, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a prononcé à son encontre la peine de la radiation du tableau de l'ordre ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de la décision attaquée la circonstance que, par une erreur de plume, la chambre disciplinaire nationale a visé et mentionné les dispositions l'article " L. 145-5-2 " du code de la sécurité sociale, au lieu de l'article " L. 145-2 " ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 145-2 de ce code relatif aux sanctions susceptibles d'être prononcées par la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins : " Les sanctions prévues au présent article ne sont pas cumulables avec les peines prévues à l'article L. 4124-6 du code de la santé publique lorsqu'elles ont été prononcées à l'occasion des mêmes faits. Si les juridictions compétentes prononcent des sanctions différentes, la sanction la plus forte peut être seule mise à exécution. (...) " ; que M. B...soutient que ces dispositions empêchaient qu'une sanction de radiation fût prise en 2011 par la chambre disciplinaire nationale, dès lors, d'une part, qu'une telle sanction n'était pas de même nature que l'interdiction d'exercer prononcée en 2009 par la section des assurances sociales, d'autre part, que la sanction infligée en 2009 avait été partiellement exécutée lorsque la seconde sanction a été prononcée ;
4. Mais considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que le requérant, à l'appui de son appel contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance qui avait prononcé sa radiation, invoquait un moyen tiré de la règle " non bis in idem " ; que le moyen est donc nouveau en cassation ; que la radiation ayant été prononcée par le juge disciplinaire de première instance, le moyen n'est pas non plus né de la décision attaquée ; qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre disciplinaire nationale a suffisamment motivé sa décision en se référant aux faits constatés par le juge pénal relatifs à l'abus de consultations, à la facturation de consultations inexistantes, à l'utilisation abusive de la carte Vitale et en rappelant, comme l'avait relevé la chambre disciplinaire de première instance, que M. B...avait en 2006 facturé 21 722 actes alors que la moyenne de la région était de 4 949 actes ; qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de qualification, que le comportement de M. B...était d'une particulière gravité ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la chambre nationale aurait statué sur des griefs dont elle n'était pas saisie ou aurait dénaturé ceux dont elle était saisie ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que les juridictions disciplinaires de l'ordre des médecins peuvent légalement, pour infliger une sanction à un médecin, se fonder sur des griefs qui n'ont pas été dénoncés dans la plainte ou retenir, pour caractériser un comportement fautif sur le plan déontologique, une qualification juridique différente de celle initialement énoncée dans la plainte, à condition, toutefois, de se conformer au principe des droits de la défense en mettant le praticien poursuivi à même de s'expliquer, dans le cadre de la procédure écrite, sur l'ensemble des griefs qu'elles envisagent de retenir à son encontre ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre disciplinaire nationale, qui a pris en compte parmi l'ensemble des éléments de la plainte, la circonstance des condamnations par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 13 mars 2009 devenu définitif pour apprécier son comportement fautif, a mis le praticien poursuivi à même de s'expliquer sur cette décision du juge pénal ; qu'ainsi son moyen ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, que l'appréciation, par la juridiction disciplinaire, de la proportionnalité de la sanction aux manquements retenus ne peut être utilement discutée devant le juge de cassation qu'en cas de dénaturation ; qu'en l'espèce, en estimant que les manquements ainsi retenus à l'encontre du requérant justifiaient sa radiation du tableau, la chambre disciplinaire nationale n'a pas entaché de dénaturation l'appréciation à laquelle elle s'est livrée ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B...doit être rejeté ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...au titre de ces dispositions ; qu'en revanche il y a lieu de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 000 euros à verser au médecin-conseil, chef de l'échelon local du service médical de Strasbourg, au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 2 : M. B...versera au médecin-conseil, chef de l'échelon local du service médical de Strasbourg une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au médecin-conseil, chef de l'échelon local du service médical de Strasbourg et au Conseil national de l'ordre des médecins.