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09/04/2014 | FRANCE | N°356923

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 09 avril 2014, 356923


Vu le pourvoi, enregistré le 20 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09MA01129 du 20 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté son recours tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement n° 0702167 du 3 février 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme A...de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le rev

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Vu le pourvoi, enregistré le 20 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09MA01129 du 20 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté son recours tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement n° 0702167 du 3 février 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme A...de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre des années 1995 à 1997, résultant d'un commandement de payer émis le 24 mars 2007, d'autre part, statuant sur l'appel incident formé par MmeA..., déchargé cette dernière de l'obligation de payer les impositions restant dues au titre du même commandement de payer, et réformé le jugement en conséquence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 15 juin 2001, le tribunal de commerce de Carpentras a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de l'entreprise de M. A... ; que le comptable public a, le 24 juillet 2001, déclaré auprès du mandataire liquidateur les créances fiscales qu'il estimait alors détenir sur le foyer fiscal de M. et MmeA..., soit l'impôt sur le revenu relatif aux années 1992 à 1994, 1995 à 1997 et 1999, ainsi que les contributions sociales relatives aux années 1996 et 1997 et la taxe foncière sur les propriétés bâties des années 1997 et 1999 ; que, le 24 mars 2007, le trésorier de Roquemaure a délivré à l'encontre de MmeA..., prise en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, un commandement de payer pour avoir paiement de la somme totale de 678 906,45 euros restant due au titre de ces impositions ; que, par l'arrêt attaqué du 20 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, confirmé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 février 2009 en tant qu'il a prononcé la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu des années 1996 et 1997 par le commandement de payer et, d'autre part, déchargé Mme A...de l'obligation de payer les autres sommes mentionnées dans cet acte de poursuite ;

2. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ; que, selon le paragraphe 152 de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998, publiée le 31 mars 1998 au bulletin officiel des impôts, et repris au paragraphe 153 de la documentation administrative de base référencée 12 C-6221, applicable à la date de la réclamation présentée par Mme A...: " Le bénéfice de la suspension ne peut être invoqué que contre les personnes vis-à-vis desquelles la suspension est édictée. Ainsi, le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard " ;

3. Considérant qu'il résulte de cette instruction que, dans l'hypothèse d'une liquidation judiciaire, alors même que l'administration est privée du droit d'agir contre le débiteur principal dès lors que le cours de la prescription de l'action en recouvrement est suspendu par l'effet de l'admission des créances privilégiées du Trésor au passif de la procédure collective jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, l'administration dispose d'un droit de poursuite individuelle contre le conjoint du débiteur principal, codébiteur solidaire de ce dernier à l'égard duquel la prescription recommence à courir à partir de la déclaration au passif des créances ; qu'ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'instruction invoquée par Mme A...constituait une interprétation d'un texte fiscal formellement admise par l'administration au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

4. Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a invoqué pour la première fois les dispositions du paragraphe 152 de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998 dans son mémoire du 30 juin 2009 devant la cour ; qu'à défaut de s'être prévalue de cette instruction dans la réclamation dirigée contre le commandement de payer qu'elle a formée en application des articles L. 281 et R. 281-1 et suivants du livre des procédures fiscales, elle ne peut être regardée comme ayant, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 80 A du même livre, appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par une instruction publiée ; qu'au surplus, les dispositions de la seconde phrase ajoutée au second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales par l'article 47 de la loi du 30 décembre 2008 n'étaient applicables aux litiges en matière de recouvrement des impositions ni à la date du 4 avril 2007 à laquelle Mme A...a présenté sa réclamation, ni dans le délai de réclamation prévu par l'article R. 281-2 du même livre, alors en vigueur ; que, dès lors, la requérante ne pouvait utilement, sur le fondement de ces dispositions, invoquer à quelque moment que ce soit de la procédure contentieuse l'interprétation que l'administration avait ainsi fait connaître ; que, par suite, en se fondant sur cette interprétation pour juger que l'administration n'était pas privée du droit d'agir contre Mme A...en sa qualité de débitrice solidaire de son époux et en en déduisant que celle-ci était fondée à soutenir que la prescription de l'action en recouvrement lui était acquise lorsque le commandement de payer lui avait été notifié, la cour a méconnu le champ d'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de Mme A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à Mme B... A....


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 356923
Date de la décision : 09/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2014, n° 356923
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:356923.20140409
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