La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2014 | FRANCE | N°368122

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 31 mars 2014, 368122


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre délégué, chargé du budget ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0901495-1007874 du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé la société Groupe Auchan de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à raison d'un magasin situé sur la commune de Croi

x et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au tit...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre délégué, chargé du budget ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0901495-1007874 du 28 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé la société Groupe Auchan de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à raison d'un magasin situé sur la commune de Croix et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le surplus de la demande présentée par la société Groupe Auchan devant le tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Groupe Auchan ;

1. Considérant que le ministre délégué, chargé du budget se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 février 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a déchargé la société Groupe Auchan de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à sa charge pour l'année 2008 à raison de son magasin situé sur la commune de Croix, au motif que la délibération de la communauté urbaine Lille Métropole en date du 20 décembre 2007 fixant le taux de cette taxe était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions du I de l'article 1520 du code général des impôts, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal (...) " ; qu'en vertu des articles 1521 et 1522 du même code, cette taxe a pour assiette celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales ; qu'il en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu'il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2333-78 du même code : " (...) A compter du 1er janvier 1993, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les syndicats mixtes qui n'ont pas institué la redevance prévue à l'article L. 2333-76 créent une redevance spéciale afin d'assurer l'élimination des déchets visés à l'article L. 2224-14 (...) Elles peuvent décider, par délibération motivée, d'exonérer de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères les locaux dont disposent les personnes assujetties à la redevance spéciale visée au premier alinéa " ; que les déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 sont les déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'instauration de la redevance spéciale est obligatoire en l'absence de redevance d'enlèvement des ordures ménagères, d'autre part, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas pour objet de financer l'élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale n'aurait pas été instituée ;

4. Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif de Lille a jugé, par un jugement avant dire droit du 22 mai 2012, que la société requérante pouvait invoquer à l'appui de sa demande l'illégalité des délibérations prises par la communauté urbaine de Lille Métropole pour fixer le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et a rappelé les principes énoncés au point 2 ; que le directeur régional des finances publiques du Pas-de-Calais ayant indiqué qu'il n'était pas compétent pour produire des observations sur l'exception d'illégalité invoquée par la société, le tribunal administratif de Lille, dans ce jugement avant dire droit, a demandé à la communauté urbaine de Lille Métropole de produire ses observations ; qu'à la suite de ce jugement, alors qu'avaient été versés au dossier par la société requérante les rapports annuels de la communauté urbaine faisant apparaître les éléments financiers relatifs au service public d'élimination des ordures ménagères, la communauté urbaine n'a pas soutenu que les frais réellement exposés en 2008, qui figuraient dans le rapport annuel, publié en 2009, auraient différé sensiblement des estimations réalisées au 20 décembre 2007, date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe pour 2008 ; que, dans ces conditions, le tribunal, qui a précisé que la légalité d'une délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères devait être appréciée à la date de son vote et qui a constaté l'absence d'éléments apportés par la communauté urbaine sur l'estimation des dépenses à la date du vote, n'a ni entaché son jugement de contradiction de motifs, ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce en tenant compte de ces chiffres publiés en 2009 pour apprécier la légalité de cette délibération ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que la communauté urbaine de Lille Métropole n'avait pas institué la redevance spéciale prévue à l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, le tribunal administratif a évalué à 138 millions d'euros le coût global de traitement des déchets en 2008 ; qu'il a également relevé que le coût de traitement des déchets non ménagers, d'un montant de 12 millions d'euros, était inclus dans ce coût global et en représentait une part substantielle ; qu'il a, enfin, relevé que le produit de cette taxe était d'un montant de 120 millions d'euros et que les recettes de caractère non fiscal, comprenant notamment les contributions versées par les organismes de droit privé tel qu'Eco-Emballages, s'élevaient à 22 millions d'euros en 2008 ; qu'il en a déduit que le produit de la taxe excédait de plus de 3 millions d'euros le coût global de traitement des déchets diminué des recettes non fiscales ; qu'en se fondant sur ce que le coût de traitement des déchets pris en compte pour la détermination du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incluait, pour une part substantielle, le coût de traitement des déchets ménagers, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 3, ne pouvait pas être couvert par cette taxe, et en déduisant de l'existence d'un excédent de taxe de 3 437 213 euros, représentant 2,5 % du coût de collecte et de traitement des déchets, que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères fixé pour l'année 2008 par la délibération de la communauté urbaine de Lille Métropole du 20 décembre 2007 était entaché d'erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif de Lille, qui a souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer, n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du III de l'article 1639 A du code général des impôts : " La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente " ; que si ces dispositions autorisent l'administration, au cas où la délibération d'une collectivité territoriale ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition mise en recouvrement, à demander, à tout moment de la procédure, au juge de l'impôt que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l'année précédente, il n'appartient pas au juge de l'impôt, lorsqu'il n'y est pas invité par l'administration, de substituer au fondement de l'imposition contestée un autre fondement, sur lequel serait justifié le maintien de cette imposition ; que l'administration n'a pas saisi le tribunal de conclusions tendant à substituer la délibération de la communauté urbaine de Lille Métropole pour l'année 2007 à celle du 20 décembre 2007, relative aux cotisations en litige, au cas où il serait fait droit à l'exception d'illégalité soulevée par la société Groupe Auchan ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit que le tribunal a déchargé cette société de l'intégralité de l'imposition en litige, sans relever d'office les dispositions de l'article 1639 A du code général des impôts ni par suite accorder de décharge à raison du seul écart des taux votés en 2006 et 2007 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget doit être rejeté ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Groupe Auchan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Groupe Auchan une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Groupe Auchan.

Copie en sera adressée, pour information, à la communauté urbaine Lille Métropole.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 368122
Date de la décision : 31/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2014, n° 368122
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:368122.20140331
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award