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31/03/2014 | FRANCE | N°367632

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 31 mars 2014, 367632


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100620 du 12 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 janvier 2011 par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 22 mars 2010 portant révision de son classement dans

le grade d'inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 2009, ainsi...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100620 du 12 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 janvier 2011 par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 22 mars 2010 portant révision de son classement dans le grade d'inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 2009, ainsi que cet arrêté et, d'autre part, à titre subsidiaire, à ce que ces décisions soient déclarées inexistantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de Mme B...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " I - Une même personne ne peut bénéficier de l'application de plus d'une des dispositions des articles 4 à 10. Une même période ne peut être prise en compte qu'au titre d'un seul de ces articles. / Les personnes qui, compte tenu de leur parcours professionnel antérieur, relèvent des dispositions de plusieurs des articles mentionnés à l'alinéa précédent sont classées en application des dispositions de l'article correspondant à leur dernière situation. / Ces agents peuvent toutefois, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification de la décision prononçant leur classement dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, demander que leur soient appliquées les dispositions d'un autre de ces articles qui leur sont plus favorables. / II. - Les agents qui justifient de services accomplis dans une administration, un organisme ou un établissement d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen au sens de l'article 4 du décret du 24 octobre 2002 susvisé sont classés en application des dispositions du titre II de ce décret. / Lorsqu'ils justifient en outre de services ne donnant pas lieu à l'application de ces dispositions, ils peuvent demander, dans les mêmes conditions que celles prévues au I, à bénéficier des dispositions de l'un des articles 4 à 10 du présent décret de préférence à celles du décret du 24 octobre 2002 susvisé " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Les fonctionnaires appartenant déjà, avant leur nomination, à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau sont classés dans leur nouveau corps à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leurs corps et grade d'origine. ... " ; qu'aux termes de l'article 5 : " Les fonctionnaires appartenant avant leur accession à la catégorie A à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau sont classés à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'ils détenaient avant leur nomination augmenté de 60 points d'indice brut. " ; qu'aux termes, enfin, du I de l'article 7 : " Les agents qui justifient de services d'agent public non titulaire autres que des services d'élève, de stagiaire ou de services d'ancien fonctionnaire civil, ou de services en tant qu'agent d'une organisation internationale intergouvernementale, sont classés à un échelon déterminé en prenant en compte une fraction de leur ancienneté de services publics civils dans les conditions suivantes : / 1° Les services accomplis dans des fonctions du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et des trois quarts de cette durée au-delà de douze ans (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B...a exercé des fonctions d'inspecteur des impôts en Roumanie de septembre 1990 à janvier 1999 ; qu'après avoir acquis la nationalité française, elle a été titularisée dans le grade de contrôleur des impôts le 1er septembre 2003 puis nommée inspecteur-élève des impôts à compter du 1er septembre 2009 à la suite de sa réussite à un concours interne ; que Mme B...a demandé à être reclassée en tenant compte de ses huit années et cinq mois de service en Roumanie ; que, par un arrêté du 22 mars 2010, elle a été classée au quatrième échelon du grade d'inspecteur des impôts avec effet au 1er septembre 2009, l'administration ayant retenu la moitié des services effectués en Roumanie sur le fondement des dispositions précitées de l'article 7 du décret du 23 décembre 2006 et non pas celles, moins favorables pour l'intéressée, de l'article 5 applicables notamment aux fonctionnaires de catégorie B ; que par une décision du 6 janvier 2011, le directeur général des finances publiques a rejeté son recours gracieux tendant à ce que la totalité des services qu'elle avait effectués en Roumanie soient pris en compte pour déterminer son classement dans le corps d'inspecteur des impôts ; que, par le jugement attaqué du 12 février 2013, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. " ; qu'aux termes de son article 45 : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. / (...) 4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. " ; qu'en vertu de l'article 5 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne " ont accès, dans les conditions prévues au statut général, aux corps, cadres d'emplois et emplois. Toutefois, ils n'ont pas accès aux emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques. " ;

4. Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006, qui permettent aux seuls fonctionnaires appartenant déjà avant leur nomination à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau en France, d'être classés dans leur nouveau corps à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leurs corps et grade d'origine, n'établissent aucune discrimination directe ou indirecte fondée sur la nationalité entre ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne dès lors qu'elles sont rendues applicables, en vertu de l'article 3 du même décret, aux agents occupant, à la date de leur nomination, un emploi équivalent dans un autre Etat de l'Union ; que, d'autre part, les dispositions combinées des articles 3 et 7 de ce décret, permettant aux agents justifiant de l'accomplissement de services dans une administration d'un autre Etat membre mais qui ne les exercent plus à la date de leur nomination, de bénéficier d'une reprise d'une fraction de leurs années de service, ne créent pas une discrimination selon la nationalité dès lors qu'elles s'appliquent à tous les agents placés dans la même situation, quelle que soit l'administration de l'Etat de l'Union où ils ont exercé ; que par conséquent, le tribunal administratif de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions des articles 4 et 7 du décret du 23 décembre 2006 ne méconnaissaient pas les principes de libre circulation et de non discrimination posés aux articles 18 et 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'au demeurant, la situation de l'intéressée étant normalement régie par les dispositions de l'article 5 du décret du 23 décembre 2006 dès lors qu'elle appartenait à un corps de catégorie B avant son accession à la catégorie A et, d'autre part, l'arrêté attaqué n'étant pas fondé sur les dispositions de l'article 4 de ce décret, Mme B...ne pouvait utilement exciper de l'illégalité de cet article au soutien de se demande dirigée contre cet arrêté ;

5. Considérant que, dès lors que l'administration a décidé de prendre en compte, lors de la nomination de Mme B... dans le corps des inspecteurs des impôts, des services qu'elle avait accomplis en Roumanie dans un emploi public équivalent, sur le fondement de l'article 7 du décret du 23 décembre 2006, le tribunal administratif de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'application de ces dispositions à MmeB..., de la même façon qu'aux autres agents répondant aux même conditions, ne pouvait constituer une rupture d'égalité ; que si la requérante soutient que la réglementation nationale est illégale en ne permettant pas l'accès direct de ressortissants européens autres que Français aux fonctions d'inspecteur des impôts, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que ces fonctions sont inséparables de l'exercice de la souveraineté nationale ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé ; que l'Etat n'étant, par suite, pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 367632
Date de la décision : 31/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2014, n° 367632
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:367632.20140331
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