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31/03/2014 | FRANCE | N°361079

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 31 mars 2014, 361079


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 5 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, dont le siège est Port de Saint-Laurent-du Var, Capitainerie du Port à Saint-Laurent-du-Var (06700) ; la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900827 du 15 mai 2012 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il l'a condamnée à payer à l'EURL Village Loisir Détente de Mor

mal une indemnité de 682,05 euros, assortie du paiement des intérêts au...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 5 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, dont le siège est Port de Saint-Laurent-du Var, Capitainerie du Port à Saint-Laurent-du-Var (06700) ; la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900827 du 15 mai 2012 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il l'a condamnée à payer à l'EURL Village Loisir Détente de Mormal une indemnité de 682,05 euros, assortie du paiement des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009, en réparation du préjudice né de l'impossibilité pour cette entreprise d'accéder à son bateau durant les travaux réalisés sur certaines travées d'amarrage du port de plaisance de Saint-Laurent-du-Var ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le surplus des conclusions de la demande présentée par l'EURL Village Loisir Détente de Mormal ;

3°) de mettre à la charge de l'EURL Village Loisir Détente de Mormal la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var et à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la société EURL Village Loisir Détente de Mormal ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, qui est concessionnaire du port de plaisance de la commune, a accordé, en septembre 2006, à l'EURL Village Loisir Détente de Mormal une autorisation d'amarrage pour un voilier, moyennant le paiement de la redevance mensuelle prévue par le cahier des charges de la concession ; que le maire de la commune a pris, le 22 décembre 2006, un arrêté interdisant la circulation sur plusieurs travées d'amarrage, en raison d'un risque d'effondrement de certains appontements et la société concessionnaire a procédé à des travaux de consolidation pendant les mois de janvier à mai 2007 ; qu'à la suite de ces travaux, l'EURL Village Loisir Détente de Mormal a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var à lui payer la somme de 1 364,10 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant aux redevances acquittées pour la période du 1er janvier au 31 mai 2007, au motif que le poste d'amarrage qu'elle occupait n'avait pas été accessible pendant cette période ; que le tribunal, par le jugement du 15 mai 2012 dont la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var demande l'annulation, a condamné celle-ci à payer à l'EURL Village Loisir Détente de Mormal à titre de dommages et intérêts une somme de 682,05 euros en réparation du préjudice né de l'impossibilité pour elle d'accéder à son bateau dans des conditions normales pendant la période des travaux ;

2. Considérant que la personne chargée de la gestion du domaine public est fondée à recouvrer au titre des occupations privatives de ce domaine des redevances calculées en tenant compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant du domaine ;

3. Considérant que, pour demander la réduction ou la décharge d'une redevance domaniale mise à sa charge, un occupant du domaine public peut contester, d'une part, la régularité formelle du titre émis à son encontre, d'autre part, le principe ou le calcul de la redevance qui lui est réclamée ;

4. Considérant que l'action tendant à la réparation des conséquences dommageables pour l'occupant du domaine public de travaux effectués par le gestionnaire de ce domaine, qui ne porte ni sur le principe ni sur le calcul de la redevance, ne peut être engagée que dans le cadre d'un contentieux indemnitaire ; que, sauf si les stipulations du contrat d'occupation domaniale ou les dispositions applicables aux bénéficiaires d'une autorisation d'occupation domaniale accordée unilatéralement prévoient une indemnisation, l'occupant du domaine public ne peut obtenir réparation du dommage subi que lorsque les travaux n'ont pas été conduits dans l'intérêt de la dépendance occupée, qu'ils ont constitué une opération d'aménagement étrangère à la destination de celle-ci ou lorsqu'ils ont été exécutés dans des conditions anormales, alors même qu'ils étaient entrepris dans l'intérêt du domaine ;

5. Considérant qu'il ressort des écritures de l'EURL Village Loisir Détente de Mormal devant les juges du fond qu'à l'appui de sa demande tendant au versement d'une indemnité égale au montant des redevances mises à sa charge pour les mois de janvier à juin 2007, elle avait soutenu avoir été victime de différents préjudices, notamment du fait que les travaux effectués par la société gestionnaire du port lui avaient occasionné un trouble de jouissance en la privant de la possibilité d'accéder à son voilier pendant la durée des travaux ; que si, eu égard au caractère indemnitaire de ces conclusions fondées sur l'existence d'un préjudice distinct du paiement de la redevance, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en ne soulevant d'office l'exception de recours parallèle et en les jugeant recevables, il a, en revanche, commis une erreur de droit en jugeant que l'EURL Village Loisir Détente de Mormal était fondée à obtenir une indemnité sans rechercher si les travaux avaient été réalisés dans l'intérêt du domaine public occupé ou constituaient une opération d'aménagement conforme à la destination de ce domaine ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il l'a condamne à payer à l'EURL Village Loisir Détente de Mormal une indemnité de 682,05 euros, assortie du paiement des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009, en réparation du préjudice né de l'impossibilité pour cette entreprise d'accéder à son bateau durant les travaux réalisés sur certaines travées d'amarrage du port de plaisance de la commune de Saint-Laurent-du-Var ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les conclusions indemnitaires présentées par l'EURL Village Loisir Détente de Mormal sont recevables ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société gestionnaire du port a dû entreprendre des travaux de mise en sécurité de certains appontements, lesquels ont rendu impossible l'accès aux bateaux qui y étaient amarrés, et que ces travaux, destinés à permettre l'amarrage des bateaux aux travées dans des conditions normales d'utilisation, étaient indispensables à la conservation du domaine public et constituaient une opération d'aménagement conforme à la destination de ce domaine ; que, par suite, l'EURL Village Loisir Détente de Mormal, qui, au demeurant, a continué à occuper son emplacement, n'est pas fondée à demander une indemnité aux motifs, d'une part, qu'elle n'a pas pu, pendant la durée de ces travaux, accéder par les appontements à son voilier, d'autre part, que les travaux ont été provoqués par un défaut d'entretien du port ;

9. Considérant que si l'EURL soutient qu'elle aurait subi un préjudice du fait de l'octroi de l'autorisation de stationnement en septembre 2006 alors que la travée risquait de s'effondrer, elle n'établit pas l'existence du dommage dont elle aurait été victime ; que la circonstance que la société gestionnaire du port aurait informé la commune avec trois semaines de retard des travaux qu'elle allait réaliser n'a causé aucun préjudice à la société requérante ;

10. Considérant, enfin, que l'EURL ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var aurait méconnu ses obligations contractuelles dès lors qu'elle était seulement titulaire d'une autorisation d'occupation accordée unilatéralement ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le surplus des conclusions de la demande de l'EURL Village Loisir Détente de Mormal doit être rejeté ; qu'en conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EURL Village Loisir Détente de Mormal une somme de 3000 euros à verser à la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var au titre des frais exposés par elle devant le tribunal administratif de Nice et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 mai 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il condamne la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var à payer à l'EURL Village Loisir Détente de Mormal une indemnité de 682,05 euros, assortie du paiement des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009, en réparation du préjudice né de l'impossibilité pour cette entreprise d'accéder à son bateau durant les travaux réalisés sur certaines travées d'amarrage du port de plaisance de la commune de Saint-Laurent-du-Var.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de l'EURL Village Loisir Détente de Mormal présentée devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'EURL Village Loisir Détente de Mormal versera une somme de 3 000 euros à la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, à l'EURL Village Loisir Détente de Mormal et à la commune de Saint-Laurent-du-Var.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 361079
Date de la décision : 31/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2014, n° 361079
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : RICARD ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361079.20140331
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