La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2014 | FRANCE | N°354735

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 24 mars 2014, 354735


Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Mayoly Spindler, dont le siège est 6, avenue de l'Europe BP 51 à Chatou cedex (78401) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 octobre 2011 du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurances maladie fixant le taux de participation de l'assuré applicable à la spécialité pharmaceutique Météospasmyl à 85 % à compter du 1er janvier 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'U

nion nationale des caisses d'assurances maladie la somme de 3 000 euros au titre de l'...

Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Mayoly Spindler, dont le siège est 6, avenue de l'Europe BP 51 à Chatou cedex (78401) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 octobre 2011 du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurances maladie fixant le taux de participation de l'assuré applicable à la spécialité pharmaceutique Météospasmyl à 85 % à compter du 1er janvier 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Union nationale des caisses d'assurances maladie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Grosset, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

1. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 162-17, L. 322-2, R. 163-18 et R. 322-1 du code de la sécurité sociale, l'inscription d'un médicament sur la liste de ceux qui peuvent être pris en charge ou donner lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie, ainsi que le montant de la participation de l'assuré au tarif servant de base au calcul de la couverture des frais d'acquisition de ce médicament, dépendent de son classement dans des catégories déterminées en fonction de l'importance du service médical rendu ; qu'aux termes de l'article R. 322-1 du même code : " La participation de l'assuré (...) est fixée par le conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie dans les limites suivantes : (...) 14° De 80 à 90 % pour les médicaments dont le service médical rendu, tel que défini au I de l'article R. 163-3, a été classé comme faible, dans toutes les indications thérapeutiques, en application du 6° de l'article R. 163-18 " ; qu'en application de ces dispositions, le conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a fixé la participation des assurés sociaux aux frais d'acquisition des médicaments dont le service médical rendu est classé comme faible au taux de 85 % par une décision du 11 février 2010 ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 163-10-1 du même code, il appartient au directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de déterminer le taux de participation aux frais d'acquisition d'une spécialité pharmaceutique ;

2. Considérant que, en application de ces dispositions, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) a, par une décision du 14 octobre 2011, modifié le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition de la spécialité Metéospasmyl, pour le porter de 70 à 85 % à compter du 1er novembre 2011 ; que la société Mayoly Spindler, qui commercialise la spécialité, demande l'annulation de cette décision ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les décisions modifiant le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition d'une spécialité pharmaceutique ne constituent pas des sanctions et revêtent un caractère réglementaire ; que, par suite, il ne peut être utilement soutenu que la décision du directeur de l'UNCAM du 14 octobre 2011 aurait dû être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que la société requérante ne saurait davantage invoquer le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour contester l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 163-14 du code de la sécurité sociale : " Les décisions portant refus d'inscription sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code et à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, refus de renouvellement de l'inscription, radiation de ces listes ou refus de modification du prix ou de baisse du taux de participation de l'assuré, sont communiquées à l'entreprise avec la mention des motifs de ces décisions ainsi que des voies et délais de recours qui leur sont applicables " ; que ces dispositions n'imposent pas la motivation des décisions par lesquelles le directeur général de l'UNCAM augmente le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition d'un médicament ;

5. Considérant que la décision attaquée revêtant, ainsi qu'il a été dit, un caractère réglementaire, il ne peut être utilement soutenu qu'elle aurait été prise en méconnaissance de la procédure prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles R. 163-4 et R. 163-15 du code de la sécurité sociale que la décision du directeur général de l'UNCAM est prise après avis de la commission de la transparence, qui est une commission de la Haute Autorité de santé ; qu'en vertu du 6° de l'article R.163-18 de ce code, cet avis comporte notamment le classement du médicament " au regard de la participation des assurés aux frais d'acquisition dans trois catégories déterminées selon que le service médical rendu est soit majeur ou important, soit modéré, soit faible " ; qu'en vertu de l'article R. 163-3, l'appréciation du service médical rendu que les médicaments apportent, indication par indication, " prend en compte l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique. Les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant au regard des autres médicaments ou thérapies disponibles ne sont pas inscrits sur la liste " ; qu'en vertu de l'article R. 163-21 du même code, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé " peut réévaluer le service médical rendu des médicaments inscrits sur les listes (...) par classe pharmaco-thérapeutique ou à même visée thérapeutique (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si le réexamen du service médical rendu d'un médicament peut avoir lieu dans le cadre d'une réévaluation d'ensemble des spécialités appartenant à la même classe pharmaco-thérapeutique ou à même visée thérapeutique, l'appréciation de ce service médical rendu, qui prend notamment en compte, conformément aux critères définis par l'article R. 163-3 du code de la sécurité sociale, les éléments relatifs à la place de la spécialité dans la stratégie thérapeutique au regard des autres thérapies disponibles, doit être réalisée spécialité par spécialité, en examinant les caractéristiques propres de chaque produit évalué ;

8. Considérant que la société requérante soutient que, pour rendre son avis du 6 juillet 2011 sur la spécialité Météospasmyl, la commission de la transparence s'est exclusivement fondée sur une analyse du service médical rendu par les spécialités de la classe des antispasmodiques, sans prendre en compte les particularités de la spécialité Météospasmyl telles qu'elles ressortent notamment d'une étude réalisée en 2008 et des résultats provisoires d'une autre étude dite MASTER ; que, toutefois, cet avis, propre au Météospasmyl, rappelle les précédents avis que la commission a rendus sur cette spécialité, notamment un avis de 2010, ainsi que les résultats d'une étude de 2008 produite par la société Mayoly Spindler ; qu'il se réfère, au titre de la " réactualisation des données disponibles ", aux résultats provisoires de l'étude dite MASTER, produits par la société ; qu'il ressort en outre du compte-rendu des réunions de la commission du 6 avril 2011 puis, après audition de la société requérante, du 6 juillet 2011, que ces études ont fait l'objet de discussions entre ses membres ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission de la transparence n'aurait pas tenu compte, dans le cadre de la réévaluation d'ensemble des spécialités appartenant à la classe pharmaco-thérapeutique des antispasmodiques à laquelle elle a procédé, des caractéristiques particulières de la spécialité Météospasmyl ;

9. Considérant que la société requérante ne peut par ailleurs utilement soutenir que la commission de la transparence aurait méconnu les dispositions de l'article R. 163-13 du code de la sécurité sociale selon lesquelles " le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie informe l'entreprise qui exploite un médicament inscrit sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 de son intention de modifier le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition de ce médicament lorsque cette modification résulte d'un changement dans l'appréciation du niveau de service médical rendu par le produit " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le service médical rendu de la spécialité Météospasmyl a été classé provisoirement comme modéré en 2010, dans l'attente de la réévaluation du service médical rendu par les spécialités de la classe des antispasmodiques, afin de ne pas créer d'inégalité de traitement avec ceux des antispasmodiques qui bénéficiaient alors d'un tel classement ; que, eu égard à la faible gravité des troubles pour lesquels la spécialité Météospasmyl est prescrite, à la faible incidence de ce médicament sur l'amélioration de la qualité de vie des patients et à l'existence d'alternatives thérapeutiques, en particulier des autres antispasmodiques, dont le service médical rendu a été classé comme faible, et compte tenu de ce que les études produites par la société Mayoly Spindler ne démontrent pas une efficacité ou une innocuité de sa spécialité supérieure à celles de ses concurrents, la commission de la transparence n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste en regardant le service médical rendu par la spécialité Météospasmyl comme faible ;

11. Considérant, enfin, que la société requérante ne saurait sérieusement soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les règles d'abrogation des actes créateurs de droit, " l'autorité de la chose jugée par la jurisprudence ", le principe de sécurité juridique ou, en tout état de cause, le principe de confiance légitime, au motif que le service médical rendu par la spécialité Météospasmyl avait, peu de temps avant la décision litigieuse, été regardé comme modéré ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Mayoly Spindler doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Mayoly Spindler est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Mayoly Spindler, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 354735
Date de la décision : 24/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mar. 2014, n° 354735
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Grosset
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:354735.20140324
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award