La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2014 | FRANCE | N°369607

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 05 mars 2014, 369607


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 9 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C...A..., domiciliée..., et pour M. D... B..., domicilié ... ; Mme A...et M. B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'ordonnance n°1304490 du 22 mai 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, leur a, sur la demande du département de la Seine-Saint-Denis, ordonné de quitter

sans délai les parcelles cadastrées AD 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 9 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C...A..., domiciliée..., et pour M. D... B..., domicilié ... ; Mme A...et M. B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'ordonnance n°1304490 du 22 mai 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, leur a, sur la demande du département de la Seine-Saint-Denis, ordonné de quitter sans délai les parcelles cadastrées AD 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 107, 109 et 111 situées le long de la rue des Coquetiers à Bobigny (93) appartenant au domaine public du département, faute de quoi il pourrait être procédé à leur expulsion au besoin avec le concours de la force publique ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande du département de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Maxime Boutron, auditeur ;

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...et de M. B...et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du conseil général de la Seine-Saint-Denis ;

1.Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune mesure administrative " ; que le juge administratif des référés, lorsqu'il est saisi d'une demande d'expulsion d'occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, s'il n'a pas à établir que la dépendance relève de manière certaine du domaine public sur la base des critères relatifs à la définition de ce domaine avant de se reconnaître compétent pour statuer, doit néanmoins rechercher et faire apparaître dans sa décision que le bien concerné n'est pas manifestement insusceptible d'être qualifié de dépendance du domaine public dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative ;

2. Considérant que, pour juger que les parcelles occupées, avec d'autres familles, par Mme A...et M. B...dont le département de la Seine-Saint-Denis demandait l'expulsion, n'étaient pas manifestement insusceptibles d'être qualifiées de dépendances du domaine public, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que le département en était propriétaire et qu'elles constituaient une extension du parc départemental de la Bergère ainsi que l'avait déclaré le 28 septembre 2012 le gardien départemental aux services de police ; qu'en statuant ainsi, il a, eu égard à l'argumentation qui lui était soumise, insuffisamment motivé son ordonnance ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A...et M. B... sont fondés à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance qu'ils attaquent en tant il, leur est enjoint de quitter sans délai les parcelles qu'ils occupent faute de quoi il pourrait être procédé à leur expulsion au besoin avec le concours de la force publique ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

4. Considérant qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que le fait de prévoir de façon certaine un tel aménagement du bien concerné impliquait que celui-ci était soumis, dès ce moment, aux principes de la domanialité publique ; qu'en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui, n'ayant encore fait l'objet d'aucun aménagement, appartenaient antérieurement au domaine public en application de la règle énoncée ci-dessus, alors même qu'en l'absence de réalisation de l'aménagement prévu, elles ne rempliraient pas l'une des conditions fixées depuis le 1er juillet 2006 par l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui exige, pour qu'un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse déjà l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ;

5. Considérant que les titres de propriété fournis par le département concernant les parcelles AD 35 à 41 ainsi que le procès-verbal de constat dressé le 3 avril 2013 par huissier de justice s'appuyant sur un plan cadastral fourni par le département établissent suffisamment que le département de la Seine-Saint-Denis est propriétaire des parcelles cadastrées AD 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 107, 109 et 111 sur le territoire de la commune de Bobigny ; qu'il résulte de l'instruction, sans que ce point ne soit contesté par les parties, que ces parcelles font partie d'un ensemble de parcelles acquises par le département pour y réaliser une extension du parc départemental de La Bergère ; que, par suite, les parcelles occupées, alors même qu'elles n'ont fait l'objet ni des aménagements projetés lors de l'achat des parcelles ni d'autres travaux d'aménagement, ne sont pas manifestement insusceptibles d'être qualifiées de dépendance du domaine public dont le contentieux relève de la juridiction administrative ;

6. Considérant qu'il résulte des notifications de la demande devant le tribunal administratif et de l'avis d'audience par voie administrative que les parcelles départementales n°107, 39 et 40 sont notamment occupées par Mme C...A...et M. D...B... ; que ces personnes occupent sans droit ni titre ces parcelles départementales de sorte que la demande d'expulsion présentée au juge des référés ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que ces parcelles départementales jouxtent la voie communale que constitue la rue des Coquetiers et se situent sur un terrain qui comportent des baraquements empiétant sur la voirie départementale ; qu'une telle occupation contribue à empêcher la surveillance hebdomadaire, l'inspection annuelle et un éventuel dépannage en urgence de la canalisation de gaz à haute pression enterrée sous la rue des Coquetiers et à rendre impossible l'accès au transformateur EDF de grande capacité situé au bout de la même rue et le long des voies de la RATP ; que l'impossibilité de l'accès à la canalisation de gaz et au transformateur électrique pose un problème de sécurité pour les occupants du campement mais aussi pour les habitants vivant à proximité, alors que deux incendies se sont déclarés sur le site dans les nuits du 23 au 24 mars et du 31 mars au 1er avril 2013 ; que la proximité de la voie ferrée et du site de remisage de la RATP représente également un danger pour les occupants des parcelles départementales ; qu'il existe aussi un risque sanitaire important en raison de l'accumulation des détritus et déchets divers ; qu'enfin, cette occupation irrégulière perturbe l'utilisation du domaine public départemental ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'évacuation des occupants sans droit ni titre des parcelles départementales en cause présente un caractère d'utilité et d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à Mme C... A...et à M. D... B...de quitter sans délai les lieux, faute de quoi il pourra être procédé à leur expulsion, au besoin avec le concours de la force publique ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de département de la Seine-Saint-Denis qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il est enjoint à Mme A...et M. B...de quitter sans délai les parcelles cadastrées situées le long de la rue des Coquetiers à Bobigny.

Article 2 : Il est enjoint à Mme A...et M. B...de quitter sans délai les parcelles du domaine public qu'ils occupent, faute de quoi il pourra être procédé à leur expulsion au besoin avec le concours de la force publique.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A...et M. B...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A..., à M. D... B...et au département de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 369607
Date de la décision : 05/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2014, n° 369607
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maxime Boutron
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:369607.20140305
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award