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26/02/2014 | FRANCE | N°365700

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 26 février 2014, 365700


Vu 1°, sous le n° 365700, la requête, enregistrée le 4 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la fédération nationale des syndicats de transports CGT, dont le siège est 263, rue de Paris, à Montreuil-sous-Bois (93514), représentée par Mme C...A... ; la fédération nationale des syndicats de transports CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 novembre 2012 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de la défense modifiant l'arrêté du 27 déce

mbre 2007 portant modalités des élections des représentants des affiliés au cons...

Vu 1°, sous le n° 365700, la requête, enregistrée le 4 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la fédération nationale des syndicats de transports CGT, dont le siège est 263, rue de Paris, à Montreuil-sous-Bois (93514), représentée par Mme C...A... ; la fédération nationale des syndicats de transports CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 novembre 2012 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de la défense modifiant l'arrêté du 27 décembre 2007 portant modalités des élections des représentants des affiliés au conseil d'administration de la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 365778, la requête, enregistrée le 5 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'union syndicale du personnel navigant technique nationale (USPNT), dont le siège est 1 rue de La Haye Le Dôme BP 12910 à Roissy (95731), le syndicat des pilotes de l'aviation civile de la compagnie Brit Air (SPAC BRIT AIR), dont le siège est à la même adresse, et M. D... B..., demeurant... ; l'USPNT et autres demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir du même arrêté que celui attaqué sous le n° 365700 ; ils demandent en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des transports ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 2012-769 du 24 mai 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

1. Considérant que la requête de la fédération nationale des syndicats de transports CGT et la requête de l'union syndicale du personnel navigant technique nationale (USPNT) et autres sont dirigées contre le même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes des articles L. 6527-1 et L. 6527-2 du code des transports, le personnel navigant professionnel civil salarié est obligatoirement affilié à un régime de retraite complémentaire dont la gestion est confiée à la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPNPAC) ; que l'article L. 6527-3 du même code dispose que cette caisse est administrée par un conseil d'administration, au sein duquel siègent des représentants des affiliés élus selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ;

3. Considérant que, pour l'application des dispositions mentionnées ci-dessus, l'article R. 426-2 du code de l'aviation civile, dispose, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " Les représentants des affiliés sont élus par ceux-ci pour cinq ans au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle, à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé de la tutelle des industries aéronautiques précise les modalités de ce scrutin, notamment le nombre des collèges électoraux, la répartition des affiliés et le nombre de leurs représentants pour chacun des collèges " ; que par l'arrêté attaqué du 16 novembre 2012, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de la défense ont, sur le fondement de ces dispositions, modifié les conditions que doivent remplir, pour chaque collège électoral, les organisations syndicales qui veulent présenter une liste de candidats à l'élection des représentants des affiliés au conseil d'administration de la CRPNPAC ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

4. Considérant que, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, l'article R. 426-2 du code de l'aviation civile cité ci-dessus ne prévoyait pas la signature de cet arrêté par le ministre chargé de la sécurité sociale ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'absence de signature par ce ministre entacherait cet arrêté d'incompétence ; que ne peuvent à cet égard être utilement invoquées, ni la circonstance que la CRPNPAC est placée, en vertu des dispositions de l'article L. 6527-2 " sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale ", ni la circonstance que ce ministre aurait, en vertu du décret du 24 mai 2012 relatif à ses attributions, la charge de " préparer et mettre en oeuvre les règles relatives aux régimes et à la gestion des organismes de sécurité sociale ainsi qu'aux organismes complémentaires en matière d'assurance vieillesse " ;

5. Considérant que l'Etat n'était investi, à la date de l'arrêté attaqué, d'aucun pouvoir de tutelle sur les industries du secteur aéronautique ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'incompétence, faute d'avoir été signé par le " ministre chargé de la tutelle de l'industrie aéronautique " ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que l'arrêté litigieux a pu régulièrement être signé, au nom de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, par le directeur du transport aérien, ainsi que, en tout état de cause, au nom du ministre de la défense, par le délégué général pour l'armement ;

7. Considérant qu'aucun texte ni aucun principe ne prévoit de consultation préalable à la signature de l'arrêté litigieux ; que la circonstance que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ait librement recueilli l'avis de certains syndicats de personnels navigants sur un projet de texte n'a pas eu pour effet d'instaurer une procédure de consultation dont l'administration aurait ensuite été tenue de respecter les règles ; que les requérants ne sauraient, par suite, utilement soutenir que les conditions d'adoption de l'arrêté attaqué ont méconnu le principe d'égalité, faute que cette consultation informelle ait concerné l'ensemble des syndicats qui siégeaient à cette date au conseil d'administration de la CRPNPAC ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

8. Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 426-2 du code de l'aviation civile cité ci-dessus, le pouvoir réglementaire a défini cinq collèges électoraux pour l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration de la CRPNPAC, en distinguant les personnels participant aux " essais et réceptions " (premier collège), les " pilotes et autres navigants techniques du transport aérien " (deuxième collège), le " personnel navigant commercial du transport aérien " (troisième collège), celui affecté au " travail aérien " (quatrième collège) et les " retraités " (cinquième collège) ; que l'arrêté litigieux du 16 novembre 2012 qui fixe, pour chacun de ces collèges, les nouvelles règles de présentation des listes de candidats aux élections des représentants des affiliés au conseil d'administration de la caisse dispose que : " Les listes de candidats sont présentées, / - dans le premier collège, par les organisations syndicales dont les statuts, constatés au moment du dépôt des listes de candidats auprès de la CRPNPAC, leur permettent de représenter les personnels navigants constituant le collège concerné ; / - dans le deuxième collège, par les organisations syndicales dont l'audience cumulée, dans les entreprises de transport aérien ou leurs établissements, dans les collèges spéciaux mentionnés à l'article L. 6524-2 du code des transports, constatée dans les conditions fixées par le règlement électoral mentionné à l'article 13 du présent arrêté, est conforme au pourcentage prévu par le premier alinéa de l'article L. 6524-3 du code des transports ; / - dans le troisième collège, par les organisations syndicales dont l'audience dans au moins : / 1. Une entreprise de transport aérien ; ou bien / 2. Un de ses établissements lorsqu'il comprend du personnel navigant, constatée dans les conditions fixées par le règlement électoral mentionné à l'article 13 du présent arrêté, est conforme au pourcentage prévu aux articles L. 2122-1 et L. 2122-2 du code du travail ; / - dans le quatrième collège, par les organisations syndicales dont les statuts, constatés au moment du dépôt des listes de candidats auprès de la CRPNPAC, leur permettent de représenter les personnels navigants constituant le collège concerné ; / - dans le cinquième collège, par les organisations syndicales ci-dessus mentionnées dont les statuts leur permettent de représenter le personnel navigant retraité et par des associations dont sont membres des navigants retraités ou des pensionnés de la CRPNPAC " ;

9. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

10. Considérant que les auteurs de l'arrêté attaqué ont prévu, en premier lieu, que s'agissant des premier et quatrième collèges, qui concernent un très petit nombre d'agents, et, pour le cinquième collège, qui concerne des agents retraités, la présentation de liste se ferait, compte tenu de l'impossibilité de disposer d'une mesure quantitative de représentativité lors d'élections professionnelles, par tout syndicat ayant statutairement vocation à représenter ces agents ; qu'ils ont prévu, en deuxième lieu, s'agissant du deuxième collège, pour lequel une mesure de représentativité peut être opérée, en vertu des dispositions de l'article L. 6524-2 du code des transports, dans toutes les entreprises employant au moins vingt-cinq agents personnels navigants techniques, la présentation de liste par les syndicats ayant atteint un certain seuil global de représentativité sur l'ensemble de ces entreprises ; qu'ils ont enfin prévu, en troisième lieu, s'agissant du troisième collège, qui ne présente aucune des spécificités des précédents, une présentation de liste liée à l'existence d'une représentativité acquise, dans les conditions de droit commun, dans l'une au moins des entreprises du transport aérien ou l'un au moins de ses établissements ; que les différences instituées par l'arrêté attaqué entre les catégories professionnelles rattachées aux différents collèges sont ainsi justifiées par des différences de situation qui sont directement en rapport avec l'objet du texte litigieux, qui était d'introduire des critères reposant, chaque fois que possible, sur des résultats obtenus par les syndicats lors des élections professionnelles ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît le principe d'égalité devant la loi ou dans l'expression du suffrage ;

En ce qui concerne les autres moyens :

11. Considérant, d'une part, que l'arrêté litigieux pouvait sans erreur de droit introduire, s'agissant de conditions relatives à l'élection de membres d'un conseil d'administration de caisse de retraite complémentaire, des critères de représentativité faisant intervenir des dispositions en vigueur en droit du travail ;

12. Considérant, d'autre part, que la CRPNPAC est une caisse de retraite complémentaire qui a pour affiliés les seuls salariés du transport aérien qui sont personnels navigants ; que, par suite, la seule circonstance qu'un syndicat reconnu représentatif pour l'ensemble de la branche du transport aérien par application des dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail pourrait néanmoins, par application des dispositions de l'arrêté litigieux, ne pas être autorisé à présenter des candidats pour la représentation des salariés au conseil d'administration de la CRPNPAC, n'est pas de nature à caractériser une violation du principe de représentativité ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération nationale des syndicats de transports CGT et l'USPNT et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2012 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de la défense ; que leurs conclusions tendant à ce que des sommes soient mises à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'union syndicale du personnel navigant technique nationale, du syndicat des pilotes de l'aviation civile de la compagnie Brit Air et de M. D... B..., et la requête de la fédération nationale des syndicats de transports CGT sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'union syndicale du personnel navigant technique nationale, au syndicat des pilotes de l'aviation civile de la compagnie Brit Air, à M. D... B..., à la fédération nationale des syndicats de transports CGT, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 365700
Date de la décision : 26/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2014, n° 365700
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:365700.20140226
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