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26/02/2014 | FRANCE | N°356103

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 26 février 2014, 356103


Vu, 1°, sous le n° 356103, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCEA Domaine des Baumard, dont le siège est 8, rue de l'Abbaye, Le Logis de la Giraudière, à Rochefort-sur-Loire (49190) ; la SCEA Domaine des Baumard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1619 du 23 novembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Coteaux du Layon " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 0

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu,...

Vu, 1°, sous le n° 356103, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCEA Domaine des Baumard, dont le siège est 8, rue de l'Abbaye, Le Logis de la Giraudière, à Rochefort-sur-Loire (49190) ; la SCEA Domaine des Baumard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1619 du 23 novembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Coteaux du Layon " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°, sous le n° 356104, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCEA Domaine des Baumard, dont le siège est 8, rue de l'Abbaye, Le Logis de la Giraudière à Rochefort-sur-Loire (49190) ; la SCEA Domaine des Baumard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1614 du 22 novembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Quarts deA... " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu, sous le n° 356103, la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2013, présentée pour la SCEA Domaine des Baumard ;

Vu, sous le n° 356104, la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2013, présentée pour la SCEA Domaine des Baumard ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 ;

Vu le règlement (CE) n° 607/2009 ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SCEA Domaine Des Baumard ;

Considérant que les affaires visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 22 novembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Quarts deA... " :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément à l'article L. 641-6 du code rural et de la pêche maritime, l'organisme de défense et de gestion a été consulté sur le cahier des charges homologué par le décret attaqué, et en particulier sur l'interdiction du processus de cryosélection ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'INAO de communiquer aux membres de l'organisme un dossier technique et scientifique sur chacune des modifications du cahier des charges envisagées ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'organisme se serait prononcé sur la base d'informations erronées ; que, dès lors, il n'a pas été irrégulièrement consulté ;

4. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition ni aucun principe n'imposait la consultation des organismes de défense et de gestion de l'ensemble des appellations d'origine contrôlée de vins du Val de Loire avant l'adoption d'un cahier des charges permettant l'usage d'une mention traditionnelle telle que la mention " grand cru " ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du lien existant entre le milieu géographique et le produit :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 641-5 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés, qui remplissent les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 115-1 du code de la consommation, possèdent une notoriété dûment établie et dont la production est soumise à des procédures comportant une habilitation des opérateurs, un contrôle des conditions de production et un contrôle des produits " ; que l'article L. 115-1 du code de la consommation dispose : " Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains. " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 641-10 du code rural et de la pêche maritime, tout produit vitivinicole entrant dans le champ du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement " OCM unique ") auquel une appellation d'origine contrôlée (AOC) a été reconnue doit solliciter le bénéfice d'une appellation d'origine protégée sur le fondement de ce règlement ; que le même article prévoit que, si le produit ne satisfait pas aux conditions prévues par ce règlement et se voit refuser le bénéfice de l'appellation d'origine protégée, il perd celui de l'AOC ; que par ailleurs, aux termes de l'article R. 641-15 du même code : " Lorsque l'Institut national de l'origine et de la qualité estime qu'un produit ne remplit pas les conditions posées par le règlement (...) "OCM unique" (...) pour bénéficier d'une appellation d'origine (...), il notifie au demandeur et, le cas échéant, aux opposants son refus de proposer la reconnaissance du signe sollicité pour ce produit. " ;

7. Considérant, enfin, qu'en vertu du a du 1 de l'article 118 ter du règlement " OCM unique ", une appellation d'origine est le nom d'une région, d'un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays servant à désigner, notamment, un vin ou un vin de raisins surmûris " dont la qualité et les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique particulier et aux facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents " ; qu'en vertu du g du 2 de l'article 118 quater de ce règlement, le cahier des charges d'une appellation d'origine doit comprendre les éléments corroborant un tel lien ; que l'article 7 du règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole prévoit que les éléments corroborant ce lien géographique " expliquent dans quelles mesure les caractéristiques de la zone géographique délimitée influent sur le produit final " et que le cahier des charges d'une appellation d'origine doit, à ce titre, contenir, d'une part, des informations détaillées sur la zone géographique, notamment les facteurs naturels et humains, contribuant au lien, d'autre part, des informations détaillées sur la qualité ou les caractéristiques du produit découlant essentiellement ou exclusivement du milieu géographique, enfin, une description de l'interaction causale entre ces deux types d'informations ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'au titre des facteurs naturels auxquels sont dus les qualités et caractères des vins de l'AOC " Quarts deA... ", le cahier des charges homologué par le décret attaqué relève que la zone géographique de l'AOC est traversée par un coteau abrupt s'étirant au-dessus de la rivière du " Layon ", les parcelles pouvant produire les vins de l'AOC étant situées sur les dernières pentes au pied de ce coteau, au coeur d'un méandre du " Layon " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces motifs soient entachés d'erreur de fait ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le cahier des charges ait apporté des indications trop développées sur le climat de la zone concernée n'est pas de nature à entacher d'illégalité le décret attaqué ;

10. Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, le cahier des charges homologué par le décret attaqué développe les facteurs humains propres à la viticulture sur la seule zone parcellaire de l'AOC " Quarts deA... " ; que la seule circonstance que certains facteurs humains soient communs avec les vins d'autres AOC dont les zones parcellaires sont voisines n'est pas de nature à entacher d'illégalité le décret attaqué ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, le cahier des charges précise suffisamment les interactions causales entre le milieu géographique et le produit ;

S'agissant de la possibilité de compléter l'appellation " Quarts deA... " par la mention " grand cru " :

12. Considérant qu'en vertu du 2° du II du chapitre Ier du cahier des charges homologué par le décret attaqué, les vins pouvant prétendre à l'AOC " Quarts deA... " peuvent compléter cette dénomination par la mention " grand cru " ;

13. Considérant, en premier lieu, d'une part, que si, en vertu de l'article 35 du règlement (CE) n° 607/2009, une mention traditionnelle ne peut être reconnue que si elle correspond à une dénomination traditionnellement utilisée, ces dispositions ne régissent pas l'utilisation d'une mention traditionnelle déjà reconnue telle que la mention " grand cru " ; que doit par suite être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne pouvait légalement permettre l'utilisation d'une mention traditionnelle dans une zone où la dénomination n'était pas précédemment utilisée de manière traditionnelle ;

14. Considérant, d'autre part, que, si l'aire géographique de production et les qualités ou caractères d'un produit portant une appellation d'origine doivent être définis, en application des articles L. 115-1 et L. 115-2 du code de la consommation, sur le fondement des usages locaux, loyaux et constants, une telle obligation ne s'impose pas pour la reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée, en application des dispositions des articles L. 641-5 et suivants du code rural et de la pêche maritime ; que l'article L. 641-8 de ce dernier code précise d'ailleurs expressément que les dispositions précitées de l'article L. 115-2 du code de la consommation ne sont pas applicables aux produits bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal au seul motif qu'il ne serait pas conforme aux usages locaux, loyaux et constants ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie, dans sa version en vigueur à la date du décret attaqué : " Est interdit, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment : / -Sur les récipients et emballages ; / -Sur les étiquettes, capsules, bouchons, cachets ou autre appareil de fermeture ; / -Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annonces et tout autre moyen de publicité ; / l'emploi en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux-de-vie : / 1° De toute indication, de tout mode de présentation (dessin, illustration, image ou signe quelconque) susceptible de créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur la nature, l'origine, les qualités substantielles, la composition des produits, ou la capacité des récipients les contenant ; / 2° Des mots " grand cru " ou " premier cru ", sauf lorsqu'il est fait de ces mots un usage collectif par incorporation à une appellation d'origine définie par un décret pris en application de l'article 21 du décret du 30 juillet 1935. / (...) " ;

16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, parmi les vins des Coteaux du Layon se distinguent ceux portant la dénomination géographique " A... " et que, parmi ceux-ci, se distinguent les vins de l'AOC " Quarts-de-A... ", qui sont soumis à des conditions de production plus exigeantes, sont d'une qualité supérieure et bénéficient d'une réputation plus grande ; qu'en permettant à ces derniers de porter la mention traditionnelle " grand cru ", le pouvoir réglementaire a entendu souligner cette distinction et établir une hiérarchie, parmi les vins des Coteaux du Layon, au bénéfice des vins de l'AOC Quarts-de-A... ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, l'usage de la mention traditionnelle " grand cru " a bien pour objet de distinguer les vins susceptibles de la porter des autres vins des Coteaux-du-Layon ; que le moyen tiré de ce qu'un tel usage serait susceptible de créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur la nature et les qualités substantielles des produits au motif qu'il ne permet pas de distinguer les vins portant la mention " grand cru " d'autres vins non susceptibles de la porter ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

S'agissant de l'interdiction du recours au procédé de cryosélection :

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le procédé de cryosélection, qui permet de sélectionner les grains de raisin les plus concentrés et sucrés et d'isoler les grains les plus aqueux en portant l'ensemble des grains cueillis à température négative, a été regardé par la commission d'enquête de l'INAO comme relevant des " pratiques peu ou pas recommandables en matière d'AOC " au motif qu'il conduit à un affaiblissement du lien spécifique du produit avec son terroir en incitant à récolter en début de vendange plutôt que d'attendre la surmaturation, soumise aux conditions climatiques d'arrière-saison, du raisin sur pied ; que, si ce procédé permet une amélioration substantielle du rendement de la vigne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait indispensable à la rentabilité de l'exploitation des vins de Quarts deA... ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le niveau de rendement de la vigne fixé par le cahier des charges n'est pas un seuil à atteindre mais un maximum ne pouvant être dépassé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce procédé serait indispensable pour atteindre le titre alcoométrique volumique naturel minimum fixé par le cahier des charges ; que doit, dès lors, être écarté le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en homologuant un cahier des charges interdisant le recours au procédé de cryosélection ;

S'agissant de la possibilité pour les vins de l'AOC " Quarts deA... " de se replier dans l'appellation " Coteaux du Layon ", complétée des mentions " premier cru " et " A... " :

18. Considérant que cette possibilité ne résulte pas du cahier des charges homologué par le décret attaqué ; que doit par suite être écarté le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'erreur de droit au motif qu'il ouvre cette possibilité ;

S'agissant des mesures transitoires relatives à l'application des nouvelles règles de conduite de la vigne :

19. Considérant que le cahier des charges homologué par le décret attaqué fixe à 5 000 pieds par hectare, contre 4 000 auparavant, le niveau minimal de densité de la vigne et limite l'écartement entre les rangs de vigne à 2 mètres, contre 2,50 mètres auparavant ; qu'il prévoit toutefois, d'une part, que les parcelles de vigne en place au 31 juillet 2009 présentant une densité comprise entre 4 000 et 5 000 pieds par hectare peuvent être maintenues en l'état jusqu'à leur arrachage, d'autre part, que les parcelles de vigne en place à la même date et présentant une densité comprise entre 3 300 et 4 000 pieds par hectare, qui était admise sous conditions dans le précédent cadre réglementaire, peuvent être maintenues en l'état jusqu'à leur arrachage, sous réserve du respect de conditions relatives au palissage, à la taille des vignes et à la charge sur pied et d'une réduction de 10 % du rendement maximal ;

20. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les vignes produisant le vin de l'AOC " Quarts deA... " n'atteignent que rarement le rendement maximal autorisé par le cahier des charges de cette AOC ; que des vignes moins denses permettent en revanche de l'atteindre plus facilement ; qu'ainsi, en réduisant le rendement maximal des vignes moins denses que le seuil fixé initialement par le décret du 2 décembre 1996 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Quarts deA... ", le pouvoir réglementaire a limité l'avantage accordé par les mesures transitoires aux producteurs les plus éloignés du nouveau seuil réglementaire, tout en les incitant à ne pas rechercher uniquement la maximisation des rendements de la vigne ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en réduisant à cette fin le seuil de rendement maximal de 10 %, il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCEA Domaine des Baumard n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 23 novembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Coteaux du Layon " :

En ce qui concerne la possibilité de compléter l'appellation " Coteaux du Layon " par la dénomination géographique " A... " :

22. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 67 du règlement (CE) n° 607/2009, l'étiquetage des vins et des vins de raisins surmûris bénéficiant d'une appellation d'origine protégée peut mentionner une unité géographique plus petite ou plus grande que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ; que toutefois, ni ces dispositions, ni celles de l'article 7 du même règlement, ni celles des articles 188 ter et 118 quater du règlement " OCM unique ", ni les dispositions précitées des articles L. 641-5 du code rural et de la pêche maritime et L. 115-1 du code de la consommation n'imposent d'établir avec le même degré de précision que pour l'appellation d'origine le lien existant entre la mention d'une telle unité géographique et le produit susceptible de la porter ;

23. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le cahier des charges homologué par le décret attaqué a pu, sans erreur de fait, relever que la zone géographique entourant le village de A...est traversée par un coteau abrupt s'étirant au-dessus de la rivière du " Layon " ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ce cahier des charges précise les particularités propres à la zone commune aux vignes relevant de l'AOC " Coteaux du Layon ", mention complémentaire " A... " et aux vignes susceptibles de produire du vin bénéficiant de l'AOC " Quarts deA... ", et non des particularités qui seraient uniquement propres à ces dernières ; qu'en se fondant sur la topographie particulière de la zone, sa place au coeur d'un méandre du " Layon " et la tradition d'excellence des vignobles qui y sont situés pour permettre aux vins qui en sont issus de porter la dénomination géographique complémentaire " A... ", le pouvoir réglementaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la délimitation de l'aire parcellaire de production des vins susceptibles de porter la dénomination géographique complémentaire " A... " :

24. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition du droit de l'Union européenne, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne faisait obstacle à ce que le décret attaqué inclue, dans l'aire parcellaire de production de l'AOC " Coteaux du Layon ", l'aire parcellaire de production de l'AOC " Quarts deA... ", afin de permettre aux vins bénéficiant de cette AOC de se replier dans l'AOC " Coteaux du Layon ", complétée de la dénomination géographique " A... " ; qu'au demeurant, une telle pratique de repli est prévue par l'article L. 644-7 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que " Tout vin bénéficiant d'une appellation d'origine peut être commercialisé sous l'appellation la plus générale à laquelle il peut prétendre d'après les usages locaux, loyaux et constants, sous réserve que cette appellation soit inscrite dans les registres vitivinicoles au sens de la réglementation communautaire en vigueur. " ;

25. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, si des différences notables existent entre les vins bénéficiant de l'AOC " Quarts-de-A... " et les vins bénéficiant de l'AOC " Coteaux du Layon ", y compris, parmi ceux-ci, les vins pouvant porter la dénomination géographique complémentaire " A... ", ces vins partagent des caractéristiques communes, liées notamment à la topographie de chacune des rives du Layon, à l'utilisation du seul cépage de Chenin blanc récolté au stade de surmaturité et à une tradition viticole ancienne ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point 15, les vins de l'AOC " Quarts deA... " et les autres vins pouvant porter la dénomination géographique complémentaire " A... " partagent davantage de caractéristiques communes, le " tènement deA... ", sur lequel est produit le vin bénéficiant de l'AOC " Quarts deA... ", constituant une partie du territoire plus large de la zone de production des vins " Coteaux du Layon ", mention complémentaire " A... " et non un territoire entièrement distinct ; que, dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le pouvoir réglementaire aurait commis une erreur d'appréciation en intégrant à l'aire parcellaire de production de l'AOC " Coteaux du Layon ", et en particulier à la zone de production des vins pouvant porter la dénomination géographique complémentaire " A... ", l'aire parcellaire de production de l'AOC " Quarts deA... ", afin d'ouvrir aux vins bénéficiant de cette AOC une faculté de repli ;

En ce qui concerne l'ajout, après l'appellation " Coteaux du Layon ", de la mention " premier cru " lorsqu'est portée la dénomination géographique complémentaire " A... " :

26. Considérant qu'en vertu du 3° du II du chapitre Ier du cahier des charges homologué par le décret attaqué, les vins pouvant prétendre à l'AOC " Coteaux du Layon " et à la dénomination géographique complémentaire " A... " font suivre le nom de l'appellation de la mention " premier cru " ;

27. Considérant, en premier lieu, que l'article 118 undecies du règlement " OCM unique " limite la possibilité d'enregistrer, en tant qu'appellation d'origine, une dénomination homonyme ou partiellement homonyme d'une dénomination déjà enregistrée ; que le décret attaqué n'intègre pas le mot " A... " dans la dénomination de l'AOC " Coteaux du Layon " ; qu'il n'a donc ni pour objet, ni pour effet, de prévoir l'enregistrement d'une dénomination partiellement homonyme de la dénomination " Quarts deA... " enregistrée en tant qu'appellation d'origine ; que le moyen tiré de ce que le décret méconnaîtrait l'article 118 undecies du règlement " OCM unique " ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

28. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, si, en vertu de l'article 35 du règlement (CE) n° 607/2009, une mention traditionnelle ne peut être reconnue que si elle correspond à une dénomination traditionnellement utilisée, ces dispositions ne régissent pas l'utilisation d'une mention traditionnelle déjà reconnue telle que la mention " premier cru " ; que doit par suite être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne pouvait légalement permettre l'utilisation d'une mention traditionnelle dans une zone où la dénomination n'était pas précédemment utilisée de manière traditionnelle ;

29. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 118 quaterdecies du règlement " OCM unique " : " Les appellations d'origine protégées (...) et les vins qui font usage de ces dénominations protégées en respectant les cahiers des charges correspondants sont protégés contre: / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", "goût", "manière" ou d'une expression similaire ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné (...) ; / d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. " ; que le second alinéa de l'article L. 643-1 du code rural dispose : " Le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation. " ;

30. Considérant, d'une part, qu'eu égard à la distinction entre les dénominations, la possibilité de compléter l'appellation " Coteaux du Layon " par la dénomination géographique " A... " n'est pas, à elle seule, de nature à porter atteinte à la protection dont dispose l'appellation d'origine protégée " Quarts deA... " en vertu des dispositions précitées de l'article 118 quaterdecies du règlement " OCM unique " ni à détourner ou affaiblir la notoriété de l'AOC " Quarts deA... " ; qu'elle résulte au demeurant des dispositions du décret du 8 juin 1957 modifiant le décret du 18 février 1950 relatif à l'appellation " Coteaux du Layon " ;

31. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que, parmi les vins des Coteaux du Layon se distinguent ceux portant la dénomination géographique " A... " et que, parmi ceux-ci, se distinguent les vins de l'AOC " Quarts-de-A... ", qui sont soumis à des conditions de production plus exigeantes, sont d'une qualité supérieure et bénéficient d'une réputation plus grande ; qu'en prévoyant que les vins pouvant prétendre à l'AOC " Coteaux du Layon " et à la dénomination géographique complémentaire " A... " font suivre le nom de l'appellation de la mention traditionnelle " premier cru ", le pouvoir réglementaire a entendu souligner cette distinction et établir une hiérarchie soulignant, parmi les vins des Coteaux du Layon, que les vins pouvant prétendre à la dénomination géographique complémentaire " A... " bénéficient d'une qualité et d'une réputation particulières, résultant de facteurs naturels et humains spécifiques, mais sans pouvoir égaler celles des vins de l'AOC " Quarts deA... ", qui peuvent porter la mention " grand cru " ; qu'ainsi, eu égard à la différenciation et à la hiérarchisation des mentions " grand cru " et " premier cru ", l'ajout, après l'appellation " Coteaux du Layon ", de la mention " premier cru " lorsqu'est portée la dénomination géographique complémentaire " A... " n'est pas de nature à porter atteinte à la protection dont dispose l'appellation d'origine protégée " Quarts deA... " ni à détourner ou affaiblir la notoriété de l'AOC " Quarts deA... " ;

32. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le décret attaqué a pour objet d'établir une hiérarchie parmi les vins de l'AOC " Coteaux du Layon " ; que le moyen tiré de ce que l'ajout de la mention " premier cru " aux vins de l'appellation " Coteaux du Layon " pouvant prétendre à la dénomination géographique complémentaire " A... " serait artificiel dès lors qu'il ne reflète aucune hiérarchie ne peut, par suite, qu'être écarté ;

33. Considérant, en cinquième lieu, que la décision n° 261989 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date du 27 juillet 2005, a annulé un décret reconnaissant une AOC " A...-Premier cru des coteaux du Layon " distincte des AOC " Coteaux du Layon " et " Quarts deA... " au motif que l'utilisation du nom de " A... " associé à la mention " premier cru " était de nature à détourner ou affaiblir la notoriété de l'appellation " Quarts deA... " dès lors qu'elle pouvait susciter une confusion dans l'esprit du consommateur et créer l'apparence d'une hiérarchie des vins favorable à la nouvelle appellation, seule à profiter d'une mention traditionnelle ; que, d'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, le décret attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet de reconnaître une AOC portant le nom de " A... " distincte des AOC " Coteaux du Layon " et " Quarts deA... " ; que, d'autre part, s'il prévoit l'association de l'appellation " Coteaux du Layon ", de la mention " premier cru " et de la dénomination géographique " A... ", les vins concernés des Coteaux du Layon ne bénéficieront pas d'une mention traditionnelle à titre exclusif, dès lors que les vins de l'AOC " Quarts deA... " bénéficient, en vertu du décret du 22 novembre 2011, de la mention traditionnelle " grand cru " ; que, par suite, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée à la décision du 27 juillet 2005 ;

34. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions de la SCEA Domaine des Baumard présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

35. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la SCEA Domaine des Baumard sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCEA Domaine des Baumard, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.

Copie en sera adressée pour information au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 356103
Date de la décision : 26/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2014, n° 356103
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:356103.20140226
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