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12/02/2014 | FRANCE | N°365073

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 12 février 2014, 365073


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 4 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé, dont le siège est 4 et 6, rue du Nouvelet à Orly (94310) ; l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 9 novembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux formé par courrier du 8 septembre 2012 contre le décret n° 2012-870 du 10 jui

llet 2012 relatif au code de déontologie des personnes physiques et morales ex...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 4 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé, dont le siège est 4 et 6, rue du Nouvelet à Orly (94310) ; l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 9 novembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux formé par courrier du 8 septembre 2012 contre le décret n° 2012-870 du 10 juillet 2012 relatif au code de déontologie des personnes physiques et morales exerçant des activités privées de sécurité, d'autre part, ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de la sécurité intérieure ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

Vu la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 ;

Vu l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 ;

Vu le décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé ;

Sur la légalité externe :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le décret attaqué n'appelle aucune mesure réglementaire ou individuelle d'exécution de la part du ministre de l'économie et des finances ; que, par suite, il a pu légalement être pris sans que ce ministre y appose son contreseing ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que si deux des vingt-cinq membres du collège du Conseil national des activités privées de sécurité n'ont été nommés que deux jours avant la délibération du 14 février 2012 par laquelle ce collège a approuvé le projet de code de déontologie des acteurs de la sécurité privée, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance ait été de nature à empêcher le collège du Conseil national des activités privées de sécurité d'exercer la mission que lui confère le 2° de l'article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure ; que, par ailleurs, à la date de la délibération du 14 février 2012 approuvant le code de déontologie, ce collège était régulièrement composé ;

3. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 du décret du 22 décembre 2011 relatif au Conseil national des activités privées de sécurité et modifiant certains décrets portant application de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 : " Le collège ne peut valablement délibérer que si plus de la moitié de ses membres sont présents ou représentés. Si le quorum n'est pas atteint, le collège est à nouveau convoqué sur le même ordre du jour dans un délai de huit jours. Il délibère alors sans condition de quorum. " ; que contrairement à ce qui est soutenu, il ressort du procès-verbal de la réunion du collège du 14 février 2012 que ces règles de quorum ont été respectées ; que, par ailleurs, si la requérante met en cause les délais dans lesquels les membres du collège ont été convoqués, elle n'apporte au soutien de ce moyen aucun élément permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure, issu de l'ordonnance du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure prise sur le fondement de l'habilitation donnée par l'article 102 de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure : " Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé : / 1° D'une mission de police administrative. Il délivre, suspend ou retire les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles prévus par le présent livre ; / 2° D'une mission disciplinaire. Il assure la discipline de la profession et prépare un code de déontologie de la profession approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce code s'applique à l'ensemble des activités mentionnées aux titres Ier et II ; / 3° D'une mission de conseil et d'assistance à la profession. (...) " ; que les activités mentionnées aux titres Ier et II du livre VI du code de la sécurité intérieure consacré aux " activités privées de sécurité " sont respectivement les " activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection physique des personnes " et les " activités des agences de recherches privées " ; que l'ordonnance du 12 mars 2012 n'a pas encore été ratifiée et présente donc un caractère réglementaire ;

5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure, créées par l'ordonnance de codification du 12 mars 2012, qui instituent un Conseil national des activités privées de sécurité et prévoient un cadre déontologique commun aux activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de recherches privées, ne sont que la reprise des dispositions de l'article 31 de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, en vigueur à la date de la publication de l'ordonnance ; que, par suite, la requérante ne saurait soutenir que le Gouvernement aurait méconnu le champ de l'habilitation que le législateur lui a donnée pour procéder, par voie d'ordonnance, à la codification " à droit constant " des dispositions législatives applicables en matière de sécurité intérieure ;

6. Considérant, par ailleurs, qu'aucun principe n'imposait, pour qu'il puisse se voir confier l'exercice de missions de conseil, de police administrative et de discipline, que le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, soit une autorité administrative indépendante ; qu'aucune règle ni aucun principe ne font en outre obstacle à ce que soit confiée à une même autorité des fonctions administratives et un pouvoir de sanction, dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité des décisions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que ces principes seraient méconnus au cas d'espèce ;

7. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la soumission à un code de déontologie unique des professions de recherche privée et des autres professions de sécurité privée soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le principe d'égalité n'impose pas que soient traitées différemment des personnes qui se trouveraient dans des situations différentes ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre les dispositions précitées créées par l'ordonnance du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure doivent être écartés ; qu'il en va de même du moyen dirigé contre l'article 1er du code de déontologie annexé au décret attaqué qui, en soumettant les personnes exerçant des activités de recherche privée à un code de déontologie commun à l'ensemble des professionnels de la sécurité privée, s'est borné à en faire application;

9. Considérant, en deuxième lieu, que si les articles 13 et 14 du code de déontologie annexé au décret attaqué imposent aux acteurs de la sécurité privée d'entretenir avec les administrations publiques des relations loyales et transparentes et de communiquer aux administrations, autorités et organismes habilités toute pièce réclamée, il résulte des termes même de l'article 14 que cette obligation ne s'impose que " dans le respect des dispositions légales et réglementaires relatives à la protection de la vie privée et des secrets qu'elles protègent " ; que, par suite et contrairement à ce qui est soutenu, les articles 13 et 14 du code de déontologie ne sauraient porter atteinte au secret professionnel, au secret fiscal ni à d'autres secrets protégés par la loi ;

10. Considérant, en troisième lieu, que les obligations déontologiques énoncées à l'article 18 du code annexé au décret attaqué, relatives à l'honnêteté des démarches commerciales, à l'article 23, relatives à la transparence en cas de recours à des sous-traitants ou à des collaborateurs libéraux, et à l'article 24, relatives à la précision des contrats passés avec les clients, ne sauraient être regardées, par elles-mêmes, ni comme portant atteinte au caractère libéral de la profession de recherches privées, ni comme modifiant illégalement le droit des obligations, ni comme manifestement inapplicables par les professionnels de la recherche privée ; qu'en particulier, l'article 23 se borne à prévoir que les entreprises et leurs dirigeants " proposent " dans les contrats une " clause de transparence " relative à un éventuel recours à la sous-traitance ou à des collaborateurs libéraux et qu'ils " informent " leurs clients de leurs droits lorsqu'un tel recours est envisagé, notamment des droits qui résultent, en cas de sous-traitance, de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ; que si l'article 24 du code de déontologie annexé au décret attaqué prévoit quant à lui que " les dirigeants de la sécurité privée veillent à ce que les contrats passés avec leur client définissent précisément les conditions et moyens d'exécution de la prestation ", cette obligation déontologique est applicable, pour la profession libérale de recherches privées, dans les conditions particulières précisées à l'article 30 du code, qui n'est pas critiqué par la requête ; que les moyens dirigés contre ces trois articles du code annexé au décret attaqué doivent ainsi être écartés ;

11. Considérant, en dernier lieu, que si la requérante soutient que le code de déontologie annexé au décret attaqué méconnaît la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles 13, 14, 18, 23 et 24, qui sont contestés sur ce point, ne sauraient être regardés comme ayant par eux-mêmes pour objet ou pour effet de porter atteinte à cette liberté ; que le moyen ne peut par suite qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 365073
Date de la décision : 12/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2014, n° 365073
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:365073.20140212
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