Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat viticole de Cussac-Fort-Médoc, dont le siège est Mairie de Cussac à Cussac-Fort-Médoc (33460) ; le syndicat viticole de Cussac-Fort-Médoc demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1624 du 23 novembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabrice Benkimoun, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du Syndicat Viticole de Cussac-Fort-Médoc ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-6 du code rural et de la pêche maritime : " La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est proposée par l'Institut national de l'origine et de la qualité, après avis de l'organisme de défense et de gestion prévu à l'article L. 642-17. / La proposition de l'institut porte sur la délimitation de l'aire géographique de production, définie comme la surface comprenant les communes ou parties de communes propres à produire l'appellation d'origine, ainsi que sur la détermination des conditions de production qui figurent dans un cahier des charges " ; qu'aux termes de l'article L. 641-7 du même code : " La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est prononcée par un décret qui homologue un cahier des charges où figurent notamment la délimitation de l'aire géographique de production de cette appellation ainsi que ses conditions de production./ Cette reconnaissance est prononcée par décret en Conseil d'État lorsque les propositions de l'Institut national de l'origine et de la qualité comportent l'extension d'une aire de production ayant fait l'objet d'une délimitation par une loi spéciale ou une révision des conditions de production déterminées par une loi spéciale. (...) " ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que ni la délimitation de l'aire d'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien ni la définition de ses conditions de production n'ont été antérieurement déterminées par une loi spéciale ; qu'ainsi leur modification ne relevait pas d'un décret en Conseil d'Etat ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le syndicat viticole de Cussac-Fort-Médoc reproche au comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des eaux-de-vie de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) d'avoir approuvé la modification de la délimitation de l'aire géographique de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien en méconnaissance d'une directive relative aux procédures applicables en matière de délimitation des aires d'appellations d'origine que l'INAO s'est lui-même donnée ;
4. Considérant, toutefois, que lorsque les règles de procédure que doit suivre un organisme chargé de faire des propositions au Gouvernement n'ont pas été définies par des dispositions législatives ou réglementaires ou que leur édiction n'a pas été expressément renvoyée, par de telles dispositions, à une décision de cet organisme, le moyen tiré de la violation des prescriptions que ce dernier a édictées pour leur élaboration ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'excès de pouvoir à l'appui d'une demande d'annulation de l'acte pris sur cette proposition ; qu'ainsi, la circonstance, à la supposer avérée, que le choix de la procédure simplifiée de délimitation des aires d'appellations d'origine plutôt que celui de la procédure générale aurait méconnu les critères posés par une directive que l'INAO s'est fixée est sans influence sur la régularité de la procédure suivie pour l'adoption du décret attaqué ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en définissant, à l'article L. 641-6 précité du code rural et de la pêche maritime, la délimitation de l'aire géographique d'une appellation d'origine contrôlée comme la surface comprenant les communes ou parties de communes propres à produire l'appellation d'origine, le législateur a autorisé des délimitations d'appellation ne comprenant, sur le territoire d'une commune donnée, que certaines parcelles formant une partie de ce territoire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 641-6 du code rural et de la pêche maritime, au motif qu'il homologue un cahier des charges délimitant une aire géographique ne comprenant qu'une partie du territoire de la commune de Cussac-fort-Médoc limité à quelques parcelles, n'est pas fondé ;
6. Considérant, en dernier lieu, que la délimitation de l'aire géographique de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien est fondée sur les critères naturels - tenant la géologie, à la composition des sols et à l'existence d'un micro-climat - et humains - tenant à l'histoire du vignoble et à la conduite de la vigne - qui définissent une appellation d'origine ; qu'au regard de ces critères, en estimant, sur la base des rapports circonstanciés d'experts et de consultants produits au dossier, que la partie de la commune de Cussac-Fort-Médoc non comprise dans l'aire géographique ne répondait pas aux principes généraux ayant contribué à la reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien et à la délimitation de son aire géographique, les auteurs du décret attaqué ne l'ont entaché d'aucune erreur d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat viticole de Cussac-Fort-Médoc n'est pas fondé à demander l'annulation du décret relatif à l'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat viticole de Cussac-Fort-Médoc est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat viticole de Cussac-Fort-Médoc, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt au ministre de l'économie et des finances et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.