Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 14 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de modifier le décret du 13 mai 2005 lui accordant la nationalité française pour y porter le nom des enfants Yaya, Lassana et Idrissa, transmise au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, par l'ordonnance n° 1301103 du 6 mars 2013, enregistrée le 11 mars 2013, du président du tribunal administratif de Nantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du second alinéa de l'article 22-1 du code civil ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Xavier Domino, Rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. B...A...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que l'article 22-1 du code civil dispose que : " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. / Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration " ;
3. Considérant que M. A...soutient que ces dispositions, en ce qu'elles bénéficient aux seuls enfants nés et reconnus par leur père avant l'intervention du décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française et non aux enfants nés avant la date d'intervention du décret mais reconnus par leur père après cette date, méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité ainsi que le droit, découlant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de mener une vie familiale normale ;
4. Considérant que l'article 22-1 du code civil détermine un mode particulier d'acquisition de la nationalité française de plein droit pour les enfants mineurs dont l'un des parents acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité ; que le législateur, depuis la loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, a réservé le bénéfice de cette voie d'accès particulière à la nationalité française aux enfants qui résident habituellement en France avec le parent qui acquiert la nationalité française et sous la condition que leur nom soit mentionné dans le décret portant acquisition de la nationalité française ou dans la déclaration ; qu'en subordonnant à cette condition l'acquisition de la nationalité française par la voie de l'article 22-1 du code civil, le législateur a entendu circonscrire le bénéfice de cet accès de plein droit à la nationalité française aux enfants mineurs identifiés comme étant, à la date du décret accordant la nationalité française ou de la déclaration de nationalité, les enfants de la personne qui acquiert la nationalité française, résidant habituellement avec elle sur le territoire français ;
5. Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit ; que la différence établie par le législateur entre, d'une part, les enfants reconnus par leur parent qui devient français avant l'intervention du décret accordant à ce dernier la nationalité française ou de la déclaration de nationalité et, d'autre part, les enfants reconnus postérieurement à ce décret ou à cette déclaration, est en rapport avec l'objet de la disposition qui tient à circonscrire l'acquisition de plein droit de la nationalité française aux seuls enfants qui sont identifiés, à la date d'acquisition de la nationalité par leur parent, comme étant effectivement ses enfants résidant en France avec lui ;
6. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 22-1 du code civil n'ont nullement pour effet de faire obstacle à ce que l'enfant mineur qui n'est pas devenu français de plein droit par l'effet de la décision de l'autorité publique ou de la déclaration de nationalité qui a conduit à ce que l'un de ses parents acquière la nationalité française puisse vivre en France avec ce dernier ; que le droit de mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 n'implique pas que l'enfant mineur d'une personne ayant acquis la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité doive acquérir la nationalité française de plein droit par l'effet de l'acquisition de la nationalité française par ce parent ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que la disposition contestée porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.