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30/12/2013 | FRANCE | N°351750

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30 décembre 2013, 351750


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 9 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme D... A...-E..., demeurant... ; Mme A...-E... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 61375 du 9 juin 2011 par lequel la Cour des comptes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement n° 2010-0013 du 9 septembre 2010 de la chambre régionale des comptes de la Martinique la déclarant comptable de fait du département de la Martinique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 99-586 du

12 juillet 1999 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 9 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme D... A...-E..., demeurant... ; Mme A...-E... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 61375 du 9 juin 2011 par lequel la Cour des comptes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement n° 2010-0013 du 9 septembre 2010 de la chambre régionale des comptes de la Martinique la déclarant comptable de fait du département de la Martinique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, Auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A...-E... ;

1. Considérant que, par un jugement du 9 septembre 2010, la chambre régionale des comptes de la Martinique a déclaré Mme A...-E..., directrice générale des services du département de la Martinique, comptable de fait des deniers de cette collectivité à raison des rémunérations versées du 1er janvier 2000 au 31 octobre 2008 à Mme B...C..., agent non titulaire affecté au bureau des services généraux ; que par un arrêt du 9 juin 2011, contre lequel la requérante se pourvoit en cassation, la Cour des comptes a confirmé ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 243-9 du code des juridictions financières, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le délai d'un mois à dater de la transmission prévue au premier alinéa de l'article R. 243-8, les parties peuvent prendre connaissance au greffe de la chambre régionale des comptes de l'ensemble des pièces jointes au recours et produire des mémoires en défense. Au cours du même délai, le ministère public peut présenter des observations. / Copie de ces mémoires et observations est notifiée par le greffe au requérant et aux autres parties, qui peuvent, dans le délai d'un mois à dater de cette transmission, produire un mémoire en réplique, qui est lui-même transmis aux parties, et peut faire l'objet d'un mémoire en duplique dans un délai de quinze jours " ; qu'aux termes de l'article R. 243-10 du même code : " Si de nouvelles pièces sont versées au dossier, le requérant et les autres parties ont un délai de quinze jours pour en prendre connaissance et présenter éventuellement leurs observations au greffe de la chambre régionale des comptes " ; qu'aux termes de l'article R. 243-11 du même code : " Le dossier du recours est transmis au procureur général près la Cour des comptes par le ministère public près la chambre régionale. Le greffe en avise le requérant et les autres parties. "

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...-E... a produit, dans le cadre de l'instruction du recours en appel qu'elle a introduit le 8 novembre 2010, un mémoire complémentaire qui a été enregistré au greffe de la chambre régionale des comptes de la Martinique le 3 décembre 2010, avant la clôture de l'instruction ; que ce mémoire n'a pas été communiqué aux autres parties, ni versé au dossier du recours transmis par le ministère public près la chambre régionale au procureur général près la Cour des comptes ; qu'ainsi, les dispositions citées ci-dessus, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, ont été méconnues ; que, par suite, Mme A...-E... est fondée à soutenir que l'arrêt attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...-E... a soutenu devant la Cour des comptes que les mandats de paiement des rémunérations de Mme C...ne pouvaient être regardés comme fictifs, dès lors que la délibération n° 135-99 de la commission permanente du Conseil général de la Martinique du 11 février 1999 entendait autoriser la mise à disposition de personnel de maison au bénéfice du directeur général des services de la collectivité ; qu'en écartant comme inopérant, dans le cadre d'un recours en matière de déclaration de gestion de fait, ce moyen tendant à démontrer l'absence de discordance entre l'objet effectif des dépenses réalisées et celui des dépenses autorisées par la collectivité, et non simplement à établir la régularité de l'objet de la dépense sur laquelle il n'est statué que lors du jugement du compte, la Cour des comptes a commis une erreur de droit ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par sa délibération n° 39-82 du 9 juin 1982, le Conseil général de la Martinique a institué l'emploi fonctionnel de directeur général des services du département et a prévu, au sixième alinéa de son article 3, que le premier occupant de ce poste bénéficierait, dans les mêmes conditions que les sous-préfets hors classe, des avantages en nature alors en vigueur, notamment en matière de personnel de service ; que lors de son recrutement en tant que directrice générale des services de la Martinique, il a été prévu à l'article 3 du contrat conclu par Mme A...-E... avec le président du Conseil général le 4 juin 1997, qu'elle bénéficierait des mêmes avantages ; qu'aux termes de l'article 2 de la délibération n° 135-99 de la commission permanente du Conseil général du 11 février 1999 : " Les avantages accessoires consentis au directeur général des services sont ceux prévus par la délibération (...) du 9 juin 1982 modifiée. Toutefois, le niveau de prise en charge de ces avantages par le département est limité ainsi qu'il suit : (...) Compte tenu des dimensions de la résidence " Côte-de-Grâce et de son caractère ancien, deux agents départementaux sont affectés à son entretien et sa surveillance " ; qu'il résulte des termes de ces délibérations que le Conseil général de la Martinique a entendu autoriser la mise à disposition de personnel de service pour le directeur général des services logé dans cette résidence de fonction ; que Mme C...a été recrutée le 1er septembre 1997 en qualité d'agent non titulaire du Conseil général de la Martinique et a exercé les fonctions d'employée de maison dans la résidence de fonction de Mme A...-E... à compter de cette date ; qu'alors même que le directeur des ressources humaines du Conseil général lui avait signifié, par un courrier du 18 novembre 1999, que son contrat arrivant à expiration le 31 décembre 1999 ne serait pas renouvelé au motif que la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale y ferait désormais obstacle, un nouveau contrat a été signé entre le Conseil général et Mme C...le 1er février 2000, prenant effet à compter du 1er janvier 2000, sur le fondement de la délibération du 11 février 1999 ; que, sur le fondement de ce contrat, recrutant Mme C...en qualité d'agent d'entretien affecté au bureau des services généraux de la collectivité, celle-ci a continué à exercer les fonctions d'employée de maison au sein de la résidence de fonction de Mme A...-E... jusqu'au 31 octobre 2008 ; que ces circonstances ne caractérisent pas une volonté de la directrice générale des services de dissimuler l'objet réel des fonctions occupées par Mme C... ; qu'en qualifiant de fictifs les mandats de paiement des rémunérations qui lui ont été versées du 1er janvier 2000 au 31 octobre 2008, alors que l'objet de ces dépenses avait été autorisé par la délibération du Conseil général de la Martinique du 11 février 1999, la Cour des comptes a inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...-E... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes du 9 juin 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour des comptes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D...A...-E..., au Procureur général près la Cour des comptes et au Premier président de la Cour des comptes.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351750
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2013, n° 351750
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351750.20131230
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