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30/12/2013 | FRANCE | N°350100

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 30 décembre 2013, 350100


Vu le pourvoi, enregistré le 14 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la société Rallye, dont le siège est 83, rue du faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), représentée par son président-directeur général ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA04344 du 28 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0425555 du 27 mai 2009 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la vale

ur ajoutée d'un montant de 862 673,75 euros ;

2°) réglant l'affaire au fon...

Vu le pourvoi, enregistré le 14 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la société Rallye, dont le siège est 83, rue du faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), représentée par son président-directeur général ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA04344 du 28 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0425555 du 27 mai 2009 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 862 673,75 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour la société Rallye ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêt du 27 septembre 2001 de la Cour de justice des Communautés européennes Cibo participations SA (C-16/00) ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la Société Rallye ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 23 janvier 1998, la société Rallye a demandé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 480 824 euros qui apparaissait sur sa déclaration de chiffre d'affaires du quatrième trimestre de l'année 1997 ; que cette réclamation a conduit l'administration à vérifier ponctuellement sa comptabilité puis à lui notifier, le 27 janvier 1999, un redressement annulant ce crédit à hauteur de 1 473 963 euros ; qu'en conséquence, le 30 juillet 1999, elle n'a fait que partiellement droit à la réclamation en lui accordant seulement un remboursement de 6 861 euros ; que la société n'a pas saisi le juge de l'impôt d'une demande tendant à l'annulation de cette décision dans le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales ; que, le 27 mai 2002, elle a adressé à l'administration une seconde réclamation contentieuse tendant au bénéfice de ce crédit à hauteur d'un montant de 862 673,75 euros, que l'administration a rejetée le 13 octobre 2004 ; que le 14 décembre 2004, la société Rallye a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige, que le tribunal a rejetée par un jugement du 27 mai 2009 ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 28 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) " ;

3. Considérant que les dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ont pour objet de rouvrir au profit du redevable un nouveau délai de réclamation lorsque les délais mentionnés au a) et au b) du même article, courant à compter de la mise en recouvrement ou du paiement de l'imposition, ont expiré ; que, dès lors, un redevable peut utilement se prévaloir, pour présenter une nouvelle demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, du délai mentionné au c) de l'article R. 196-1 du même livre, alors même qu'il n'a pas contesté, dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 199-1 de ce livre, la décision par laquelle l'administration a rejeté sa première demande de remboursement au motif de l'annulation de ce crédit ; que, par suite, en jugeant que la société Rallye ne pouvait utilement invoquer les dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales pour se prévaloir d'événements de nature à empêcher que sa nouvelle demande de restitution de taxe sur la valeur ajoutée soit regardée comme tardive, au motif qu'elle n'avait pas contesté la décision en date du 30 juillet 1999 en tant qu'elle rejetait sa première réclamation qui était ainsi devenue définitive, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Rallye est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Dans le cas où un contribuable a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations " ;

6. Considérant que la demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par un contribuable à l'administration a le caractère d'une réclamation ; que lorsque cette dernière, saisie d'une telle demande, procède à un contrôle de la comptabilité du contribuable avant de se prononcer sur cette réclamation afin d'en apprécier le bien-fondé, elle n'engage pas une procédure de reprise ou de redressement au sens des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la société Rallye n'est pas fondée à demander le bénéfice du délai spécial de réclamation ouvert par ces dispositions ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant (...) à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure (...) " ;

8. Considérant, d'une part, que la société Rallye soutient que la publication au Bulletin officiel des impôts, le 15 octobre 2001, de l'instruction fiscale référencée n° 3 D-4-01 devait être regardée, pour l'application du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, comme un événement de nature à motiver la réclamation qu'elle a présentée le 27 mai 2002 ; qu'une telle instruction, qui se borne à exprimer l'interprétation formellement admise par l'administration, à la date de son édiction, de la règle de droit fondant l'imposition, ne peut toutefois constituer un événement de nature à rouvrir un délai de réclamation, alors même qu'elle donnerait de cette règle une interprétation différente de celle contenue dans les instructions fiscales en vigueur au moment du fait générateur de l'imposition en litige ;

9. Considérant, d'autre part, que la société requérante soutient entrer dans les prévisions des dispositions combinées du c) de l'article R. 196-1 et de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales à raison de l'arrêt Cibo Participations SA rendu le 27 septembre 2001 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-16/00 ;

10. Considérant que, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la Cour de justice de l'Union européenne, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; que si, en principe, tel n'est pas le cas d'un arrêt de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, une telle décision constitue également un événement de nature à motiver une réclamation portant sur cette période dans l'hypothèse où elle révèle, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ; qu'en revanche, une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ;

11. Considérant qu'en l'espèce, par l'arrêt Cibo participations SA en date du 27 septembre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes, en réponse à une question préjudicielle, a rappelé les conditions dans lesquelles l'immixtion d'une société holding dans la gestion de ses filiales constitue une activité économique ainsi que l'exclusion de la perception de dividendes du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et a précisé que les dépenses exposées par la société holding correspondant aux services qu'elle a fournis dans le cadre de cette prise de participation font partie de ses frais généraux et entretiennent en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ; qu'elle s'est ainsi bornée à donner une interprétation de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 et notamment du premier alinéa du paragraphe 5 de son article 17, sans constater l'incompatibilité avec les objectifs de cette directive des dispositions alors en vigueur du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts ni de celles du b du 1 de l'article 207 bis de l'annexe II à ce code ayant servi de fondement à l'imposition de la société Rallye ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, cet arrêt, alors même qu'il révèle une interprétation de cette directive différente de celle exprimée par l'administration dans l'instruction du 8 septembre 1994 publiée au bulletin officiel des impôts sous le n° 3 CA-94, n'a pas constitué un événement de nature à rouvrir à son profit un délai de réclamation sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 190 et R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en rejetant la réclamation de la société Rallye au motif qu'elle était irrecevable, l'administration n'a en tout état de cause pas méconnu les principes de neutralité, d'équivalence et d'effectivité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

13. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions alors en vigueur de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, relatives aux conditions formelles d'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, n'ont ni pour objet ni pour effet de prolonger le délai de réclamation dont dispose le contribuable pour demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors que la seconde réclamation présentée par la société Rallye était tardive, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'absence de mention du crédit de taxe en litige sur les déclarations émises par la société en 2000 et 2001 après le rejet de sa première demande de remboursement ne faisait pas obstacle à la présentation d'une nouvelle demande tendant aux mêmes fins est inopérant ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Rallye n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

15. Considérant que la société Rallye n'est pas recevable à mettre en jeu pour la première fois en appel la responsabilité de l'Etat à raison du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du refus de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 avril 2011 est annulé.

Article 2 : La requête de la société Rallye et ses conclusions, présentées tant en appel qu'en cassation, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Rallye et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 350100
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT DE L'UNION - PORTÉE - AU REGARD DES ARTICLES L - 190 ET R - 196-1 DU LPF - DES DÉCISIONS RENDUES PAR LA CJUE [RJ1] - DÉCISION RETENANT UNE INTERPRÉTATION DU DROIT DE L'UNION OU DU DROIT NATIONAL DONT IL A ÉTÉ FAIT APPLICATION POUR FONDER L'IMPOSITION CONTESTÉE DIFFÉRENTE DE CELLE RETENUE DANS UNE INSTRUCTION FISCALE - DÉCISION DE NATURE À RÉVÉLER L'INCONVENTIONNALITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT DONT IL A ÉTÉ FAIT APPLICATION (ART - L - 190) ET CONSTITUANT UN ÉVÉNEMENT NOUVEAU AU SENS DE L'ARTICLE R - 196-1 - ABSENCE [RJ2].

15-03-03-01 Seules ceux des décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. Si, en principe, tel n'est pas le cas d'un arrêt de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, une telle décision constitue également un événement de nature à motiver une réclamation portant sur cette période dans l'hypothèse où elle révèle, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. En revanche, une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RÉCLAMATIONS AU DIRECTEUR - DÉLAI - 1) RÉCLAMATION FONDÉE SUR L'INCONVENTIONNALITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT DONT IL A ÉTÉ FAIT APPLICATION (ART - L - 190 DU LPF) - NOTION DE RÈGLE DE DROIT DONT IL A ÉTÉ FAIT APPLICATION - INSTRUCTION DE L'ADMINISTRATION FISCALE - EXCLUSION [RJ2] - 2) RÉCLAMATION JUSTIFIÉE PAR LA RÉALISATION D'UN ÉVÉNEMENT AU SENS DU C DE L'ARTICLE R - 196-1 DU LPF - NOTION D'ÉVÉNEMENT - INTERVENTION D'UNE DÉCISION DE JUSTICE RETENANT UNE INTERPRÉTATION DU DROIT DE L'UNION OU DU DROIT NATIONAL DONT IL A ÉTÉ FAIT APPLICATION POUR FONDER L'IMPOSITION CONTESTÉE DIFFÉRENTE DE CELLE RETENUE DANS UNE INSTRUCTION FISCALE [RJ1] - EXCLUSION (2).

19-02-02-02 1) Une instruction fiscale, qui se borne à exprimer l'interprétation formellement admise par l'administration, à la date de son édiction, de la règle de droit fondant l'imposition, ne peut constituer un événement de nature à rouvrir un délai de réclamation, alors même qu'elle donnerait de cette règle une interprétation différente de celle contenue dans les instructions fiscales en vigueur au moment du fait générateur de l'imposition en litige.,,,2) Seuls ceux des décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. Si, en principe, tel n'est pas le cas d'un arrêt de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, une telle décision constitue également un événement de nature à motiver une réclamation portant sur cette période dans l'hypothèse où elle révèle, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français. En revanche, une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions.


Références :

[RJ1]

Cf., sur la portée des décisions de la CJUE, CE, avis, 23 mai 2011, Société Santander Asset Management SGIIC SA et autres, n°s 344678 à 344687, p. 257.,,

[RJ2]

Ab. jur. CE, 23 décembre 2011, Société Keolis Cherbourg, n° 330094, T. p. 824. Comp. CE, 30 mai 2012, Société Heppner, n° 339203, T. pp. 642-693-735.

Rappr., sur la valeur juridique des instructions fiscales, CE, Section, avis, 8 mars 2013, Mme Monzani, n° 353782, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2013, n° 350100
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:350100.20131230
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