Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Pierre Fabre médicaments, dont le siège social est 45, place Abel Gance à Boulogne-Billancourt (92100), représentée par son président ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 30 septembre 2011 en tant qu'il porte radiation à compter du 1er décembre 2011 de la spécialité Structum 500 mg de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux ;
2°) d'annuler l'arrêté interministériel du 30 septembre 2011 en tant qu'il porte radiation à compter du 1er décembre 2011 de la spécialité Structum 500 mg de la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 4 décembre 2013, présentées pour la société Pierre Fabre médicaments ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 1er ;
Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 420-2 et L. 420-4 ;
Vu la code de la santé publique, notamment son article L. 5123-2 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gaël Raimbault, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Pierre Fabre médicaments ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : " Les médicaments spécialisés, mentionnés à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, et les médicaments bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle mentionnée à l'article L. 5124-17-1 du même code, ne peuvent être pris en charge ou donner lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie, lorsqu'ils sont dispensés en officine, que s'ils figurent sur une liste établie dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. La liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge ou au remboursement des médicaments " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 163-2 du même code : " (...) l'inscription sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 est prononcée pour une durée de cinq ans " ; qu'en application des articles R. 163-3 et R. 163-7 du même code, les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant, notamment au regard des autres médicaments ou thérapies disponibles, peuvent être radiés de la liste des spécialités remboursables prévue à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " L'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation par les collectivités publiques des médicaments définis aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1, L. 5121-12 et L. 5121-13 (...) sont limités, dans les conditions propres à ces médicaments fixées par le décret mentionné à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, aux produits agréés dont la liste est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale " ; que si aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la radiation d'une spécialité de la liste en cause en conséquence de sa radiation de la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux, le motif tiré du niveau du service médical rendu est de nature à fonder légalement l'abrogation d'une inscription sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités ;
3. Considérant que, sur le fondement de ces règles, deux arrêtés du 30 septembre 2011 des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont radié des listes mentionnées respectivement à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique la spécialité Structum, exploitée par la société requérante ; que celle-ci demande l'annulation de ces deux arrêtés ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du I de l'article R. 163-7 et de l'article R. 163-15 du code de la sécurité sociale qu'après avis de la commission de la Haute Autorité de santé chargée, notamment, d'évaluer le service médical rendu des médicaments, dénommée " commission de la transparence " , " peuvent être radiés de la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé : / (...) 3° Les médicaments qui ne peuvent plus figurer sur cette liste en vertu des dispositions prévues à l'article R. 163-3 (...) " ; qu'en application du I de l'article R. 163-13 du même code : " Le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé de la santé informent l'entreprise qui exploite le médicament de leur intention de radier un médicament des listes prévues au premier alinéa de l'article L. 162-7 du présent code et à l'article 5123-2 du code de la santé publique. (...) / (...) l'entreprise qui exploite le médicament peut présenter des observations écrites ou demander à être entendue par la commission prévue à l'article R. 163-15, dans le mois suivant réception de cette information " ; qu'enfin, il résulte du III de l'article R. 163-16 du même code que, lorsque l'avis de la commission de la transparence " porte sur l'inscription, la modification des conditions d'inscription ou le renouvellement de l'inscription d'un médicament sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 ou sur l'inscription ou la modification des conditions d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, cet avis est immédiatement communiqué à l'entreprise qui exploite le médicament. / L'entreprise peut, dans les huit jours suivant la réception de cet avis, demander à être entendue par la commission ou présenter ses observations écrites. La commission peut modifier son avis compte tenu des observations présentées. (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission de la transparence a formulé le 16 février 2011 un avis évaluant le service médical rendu de la spécialité Structum comme " insuffisant ", à la demande, d'une part, des ministres de la santé et de la sécurité sociale, qui envisageaient de la radier des listes des médicaments remboursables et agréés pour l'usage des collectivités publiques et, d'autre part, de la société requérante, qui estimait que de nouvelles données scientifiques justifiaient une réévaluation de ce service médical rendu à l'occasion de la réinscription de la spécialité ; que cet avis a été communiqué à la société requérante, qui a demandé à être entendue par la commission de la transparence ; que le 23 mars 2011, la société a été informée de l'intention des ministres et s'est contentée d'indiquer en réponse qu'une audition par cette commission allait se dérouler ; que cette audition a bien eu lieu le 25 mai 2011 et a permis à la société de faire valoir ses observations ; que, par la suite, l'avis définitif reprenant le contenu du projet d'avis initial lui a été transmis préalablement aux décisions de radiation litigieuses ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante ne saurait soutenir que les dispositions précitées, qui organisent la procédure contradictoire préalable à la radiation des listes mentionnées ci-dessus, auraient été méconnues non plus que, en tout état de cause, son droit à bénéficier d'une procédure contradictoire ; qu'à cet égard, la circonstance que l'avis de la commission de la transparence rendu le 16 février 2011 ainsi que l'audition du 25 mai 2011 se seraient inscrits dans une procédure de réévaluation du service médical rendu de la spécialité Structum lancée à la demande de la société requérante est sans incidence ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la production d'études de " non-infériorité " de Structum par rapport à d'autres spécialités que, pour qualifier d'insuffisant le service médical rendu par la spécialité Structum, la commission de la transparence et, après elle, les ministres qui se sont appropriés son avis en prenant l'arrêté attaqué auraient entaché leur appréciation d'une erreur manifeste ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le respect du principe d'égalité devant la loi et les règles de concurrence imposaient aux auteurs des arrêtés attaqués de s'assurer que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription, sur les listes prévues par l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale et L. 5123-2 du code de la santé publique, de spécialités étroitement comparables compte tenu de leurs effets, de leur mode d'action et de leur place dans la stratégie thérapeutique ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les ministres compétents n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en radiant la spécialité Structum de la liste des médicaments pris en charge par l'assurance maladie ; que si d'autres spécialités de la classe des anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente se sont vu reconnaître par la commission de la transparence, dans des avis rendus le 26 novembre 2008 à l'occasion de la réévaluation de l'ensemble de la classe des anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente, un service médical rendu faible, cette reconnaissance découlait de l'efficacité faible, mais avérée, de ces spécialités et était par ailleurs subordonnée à la réalisation d'une étude complémentaire permettant de s'assurer de l'incidence positive de ces spécialités sur le niveau de consommation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, alors que l'absence d'une telle incidence était avérée s'agissant de la spécialité Structum, et qui a d'ailleurs ultérieurement conduit à des décisions de radiation de ces spécialités concurrentes ; qu'à la date à laquelle la commission s'est prononcée, cette étude était suffisamment avancée au regard de son importance pour que l'autorité administrative attende la confirmation de ses résultats pour en tirer les conséquences sur l'appréciation du service médical rendu par les spécialités considérées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre laboratoires doit être écarté ; qu'il ne peut qu'en être de même, en tout état de cause, du moyen tiré, par voie de conséquence, de la violation de l'article L. 420-2 du code de commerce ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que, dès lors que la radiation n'est motivée que par l'insuffisance du service médical rendu par la spécialité Structum, le moyen tiré de ce que la décision de radiation de la liste des médicaments remboursables mentionnée à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale conduirait à une augmentation des dépenses à la charge de l'assurance maladie ne saurait être utilement invoqué ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du IV de l'article R. 163-6 du code de la sécurité sociale : " A l'occasion de l'examen du renouvellement de l'inscription d'un médicament sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17, lorsque la Commission de la transparence propose de ne pas renouveler l'inscription ou propose de modifier le niveau de la participation de l'assuré, elle donne également un avis sur les médicaments appartenant à la même classe pharmaco-thérapeutique que le médicament dont le renouvellement de l'inscription est sollicité. Dans ce cas, la date fixée pour le renouvellement de l'inscription du médicament est reportée d'un mois pour permettre aux entreprises exploitant les médicaments de la même classe de présenter leurs observations sur l'avis qui leur est communiqué " ; que ces dispositions doivent être interprétées comme mettant à la charge de la commission de la transparence l'obligation, lorsqu'elle propose de ne pas renouveler l'inscription ou de modifier le niveau de participation des assurés d'une spécialité, de ne le faire qu'après s'être prononcée sur l'ensemble des spécialités de la classe pharmaco-thérapeutique à laquelle cette spécialité appartient ; qu'à défaut d'avis suffisamment récent ou si de nouvelles données disponibles sont susceptibles de remettre en cause l'évaluation du niveau du service médical rendu par ces différentes spécialités, il lui appartient de procéder à une nouvelle évaluation de celles-ci ;
11. Considérant qu'en l'espèce, l'ensemble de la classe des anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente disponibles avait fait l'objet d'une évaluation en 2008 qui avait montré, comme il est dit au point 8, que Structum présentait une efficacité inférieure à celle des autres spécialités de la même classe, qui aurait justifié dès ce moment sa radiation de la liste des spécialités remboursables ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'avis litigieux, des éléments nouveaux auraient dû conduire à remettre en cause l'appréciation portée sur le service médical rendu par Structum ou par un autre anti-arthrosique symptomatique d'action lente ; que, dès lors, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article R. 163-6 du code de la sécurité sociale que la commission de la transparence a rendu un avis sur la spécialité Structum et que les ministres ont prononcé sa radiation ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Pierre Fabre médicaments tendant à l'annulation des arrêtés du 30 septembre 2011 doivent être rejetées ; que, par suite, doivent également être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de ces actes ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Pierre Fabre médicaments est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Pierre Fabre médicaments et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée à la Haute Autorité de santé.