La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2013 | FRANCE | N°369319

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 27 novembre 2013, 369319


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 17 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant au ...; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 mai 2013 accordant son extradition aux autorités ukrainiennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la SCP Monod-Colin, son avocat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu le

s autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des dro...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 17 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant au ...; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 mai 2013 accordant son extradition aux autorités ukrainiennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la SCP Monod-Colin, son avocat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, Rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, avocat de M. A...;

1. Considérant que, par le décret attaqué du 3 mai 2013, le Premier ministre a accordé aux autorités ukrainiennes l'extradition de M. B...A..., aux fins de poursuites pour l'exécution du mandat d'arrêt délivré le 15 juin 2009 par la cour de Nadvirna dans la région de Ivano-Frankivsk, pour des faits de vol commis en réunion après une entente préalable et avec pénétration dans un domicile ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si la demande d'extradition dont M. A... a fait l'objet n'était, lors de sa transmission, accompagnée que de la copie des dispositions de l'article 185 du code criminel de l'Ukraine relatives au vol, alors que s'imposait également la production des dispositions du chapitre XV du code criminel de l'Ukraine relatif aux " particularités de la responsabilité pénale et de la peine des mineurs ", susceptibles de recevoir application par suite de la minorité de M. A...au moment des faits, il ressort des pièces du dossier que ces dispositions, dont la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse avait demandé la production en prononçant un sursis à statuer le 21 juin 2012 dans cette attente, ont été communiquées par les autorités ukrainiennes, par courrier du 9 août 2012 ; que cette production, qui a permis la tenue devant cette juridiction d'un débat contradictoire au terme duquel elle a rendu, le 20 novembre 2012, son avis sur la demande d'extradition de M. A..., satisfait aux exigences du paragraphe 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant, en premier lieu, que s'il ressort des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante que l'extradition d'une personne mineure vers un Etat dont la loi pénale ne prendrait pas en compte la situation particulière des mineurs serait contraire aux exigences de l'ordre public français, il résulte des dispositions du chapitre XV du code criminel de l'Ukraine relatif aux " particularités de la responsabilité pénale et de la peine des mineurs ", qui est applicable à tous les mineurs y compris ceux âgés de 16 à 18 ans, que le droit ukrainien prend en considération la situation particulière des mineurs dans la détermination, le prononcé et l'exécution de la peine ; que notamment, l'article 103 de ce code prévoit que le tribunal doit tenir compte des conditions de vie et d'éducation du mineur, de l'influence des adultes et de sa personnalité ; qu'en outre, le maximum encouru ne peut dépasser quinze ans, même en cas de multiplicité de crimes ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 et de la violation de l'ordre public français doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si M. A...soutient que l'incertitude qui existe sur la date du mandat d'arrêt sur lequel repose la demande d'extradition, ne permet pas de vérifier si les conditions de l'article 10 de la convention européenne d'extradition quant à l'absence de prescription de l'action sont remplies, en particulier au regard de la législation de l'Etat requis, il ressort des pièces du dossier, notamment de la production de la décision de la cour de Nadvirna et des informations communiquées par les autorités ukrainiennes dans leur courrier du 9 août 2012, que le mandat d'arrêt sur lequel repose la demande d'extradition a été délivré le 15 juin 2009 ; que, par suite, la prescription de l'action publique, qui est de trois ans en matière de délit en droit français, n'était pas acquise lors de la mise en oeuvre de la procédure d'extradition et du placement de M. A...sous écrou ...; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 10 de la convention européenne d'extradition doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, si M. A...soutient qu'il n'a pas commis les faits délictueux qui lui sont reprochés, il résulte des principes généraux du droit applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits reprochés au requérant ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, si M. A...soutient que l'exécution du décret d'extradition l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte pas d'éléments de nature à établir la réalité de tels risques pour ce qui le concerne personnellement ;

8. Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extradition de M. A...l'exposerait à des risques, notamment d'ordre psychologique ou psychique, d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...A...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 3 mai 2013 accordant son extradition aux autorités ukrainiennes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 369319
Date de la décision : 27/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2013, n° 369319
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:369319.20131127
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award