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18/11/2013 | FRANCE | N°358805

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 18 novembre 2013, 358805


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 24 avril 2012, 21 juin 2013 et 2 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société France Restauration rapide demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a rejeté sa demande du 9 janvier 2012 tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 26 avril 2010 réglementant la fermeture au public des boulangeries et points de vente de pain dans

le département de la Vienne ou, à défaut, d'annuler ou d'abroger l'arrêté li...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 24 avril 2012, 21 juin 2013 et 2 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société France Restauration rapide demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a rejeté sa demande du 9 janvier 2012 tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 26 avril 2010 réglementant la fermeture au public des boulangeries et points de vente de pain dans le département de la Vienne ou, à défaut, d'annuler ou d'abroger l'arrêté litigieux ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de le condamner aux entiers dépens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2013, l'Union départementale CFE-CGC de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2013, la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, représenté par Me Jacoupy, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société France Restauration rapide au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Grosset, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole a été donnée, avant et après les conclusions, à Me Jacoupy, avocat de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 3132-22 du même code : " Lorsqu'un arrêté préfectoral de fermeture au public, pris en application de l'article L. 3132-29, concerne des établissements concourant d'une façon directe à l'approvisionnement de la population en denrées alimentaires, il peut être abrogé ou modifié par le ministre chargé du travail après consultation des organisations professionnelles intéressées. / Cette décision ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la mise en application de l'arrêté préfectoral ".

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Vienne a, par un arrêté du 26 avril 2010 intervenu à la suite d'un accord conclu le 19 avril 2010 entre des organisations professionnelles et des syndicats de salariés de ce département, prescrit la fermeture, un jour par semaine, de tous les établissements ou parties d'établissement de ce département dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente ou la distribution de pain. La société France Restauration rapide demande, à titre principal, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a refusé de retirer ou d'abroger, à sa demande, cet arrêté.

3. L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.

4. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que l'arrêté litigieux mentionne l'identité des organisations signataires de l'accord du 19 avril 2010. Par suite, la circonstance qu'il ne comporte pas une telle mention est sans incidence sur sa légalité.

5. En deuxième lieu, si, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 3132-29 du code du travail, le préfet doit vérifier l'existence d'un accord entre une ou plusieurs organisations d'employeurs et une ou plusieurs organisations de salariés, résultant d'échanges et de discussions menées simultanément et collectivement entre les parties, les conditions de négociation de cet accord, lequel ne doit d'ailleurs pas nécessairement prendre la forme d'un document écrit et signé dans les conditions prévues au titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail, sont par elles-mêmes sans incidence sur la légalité de l'arrêté. En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'accord du 19 avril 2010 ne procède pas de simples avis recueillis auprès des différentes organisations mais a été précédé de différentes réunions et qu'en particulier, l'ensemble des organisations intéressées ont été conviées à la réunion tenue le 29 janvier 2010. D'autre part, les conditions de tenue de ces réunions et la qualité des signataires de l'accord sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.

6. En dernier lieu, pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 3132-29 du code du travail, l'arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire doit être précédé d'un accord entre des organisations syndicales intéressées du département qui corresponde à la volonté d'une majorité indiscutable de tous ceux qui exercent la profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou partie de celui-ci est susceptible d'être fermé. Toutefois, il convient de ne tenir compte, à cette fin, que des établissements exerçant effectivement l'activité en cause. En l'espèce, il ressort des éléments produits en défense par le ministre, dont la pertinence n'est pas remise en cause par l'argumentation de la société requérante, que, sur l'ensemble des 180 établissements de restauration rapide recensés en 2010 dans le département, seul un très faible nombre, de l'ordre d'une dizaine, proposent du pain à la vente à titre principal ou accessoire. En prenant en considération ces seuls établissements, il ressort des pièces du dossier que les professionnels dont la position favorable à l'accord du 19 avril 2010 n'est pas contestée, c'est-à-dire les établissements de boulangerie et de boulangerie-pâtisserie artisanales ainsi que les commerces d'alimentation générale, les supermarchés et supérettes adhérant à la Fédération nationale de l'épicerie, pouvaient être regardés, de manière indiscutable, comme majoritaires à la date de l'arrêté litigieux, de même qu'à la date de la décision de refus d'abrogation, sans qu'il soit besoin, en l'espèce, de rechercher quelle était la position des autres établissements concernés, en particulier des autres commerces d'alimentation générale, supermarchés et supérettes. La société France Restauration rapide n'est donc pas fondée à soutenir que l'accord n'exprimait pas, à la date d'édiction de l'arrêté litigieux, ou n'exprimait plus, à la date du refus de l'abroger, la volonté de la majorité indiscutable des professionnels concernés.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Confédération nationale de la boulangerie pâtisserie française, la société France Restauration rapide n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 26 avril 2010. Pour les mêmes motifs, ses conclusions tendant à l'annulation ou à l'abrogation de cet arrêté, qui ne sont d'ailleurs pas recevables, ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de la société France Restauration rapide.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de la société France restauration rapide demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société France Restauration rapide le versement d'une somme de 1 500 euros à la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société France Restauration rapide est rejetée.

Article 2 : La contribution pour l'aide juridique est laissée à la charge de la société France Restauration rapide.

Article 3 : La société France Restauration rapide versera à la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société France Restauration rapide, à l'Union départementale CFE-CGC de la Vienne, à la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée pour information à la Fédération des artisans boulangers de la Vienne, à l'Union départementale CFDT de la Vienne et à l'Union départementale CGT de la Vienne.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 358805
Date de la décision : 18/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2013, n° 358805
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Grosset
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : DELAMARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:358805.20131118
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