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06/11/2013 | FRANCE | N°364958

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 06 novembre 2013, 364958


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 16 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1210316 du 23 novembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le préfet de la Loire-Atl

antique a rejeté sa demande d'échange de son permis de conduire turc ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 16 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1210316 du 23 novembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'échange de son permis de conduire turc contre un permis de conduire français, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de sa demande ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu l'arrêté interministériel du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant la légalité de la décision (...) " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen : " (...) / En cas de doute sur l'authenticité du titre dont l'échange est demandé, le préfet conserve le titre de conduite et fait procéder à son analyse, le cas échéant avec l'aide d'un service compétent, afin de s'assurer de son authenticité. (...) / Si l'authenticité est confirmée, le titre de conduite peut être échangé sous réserve de satisfaire aux autres conditions. Si le caractère frauduleux est confirmé, l'échange n'a pas lieu et le titre est retiré par le préfet. (...) / Le préfet peut compléter son analyse en consultant l'autorité étrangère ayant délivré le titre afin de s'assurer des droits de conduite de son titulaire. (...) La demande auprès des autorités étrangères est transmise, sous couvert du ministre des affaires étrangères, service de la valise diplomatique, au consulat de France compétent. Le consulat transmet au préfet la réponse de l'autorité étrangère. En l'absence de réponse, dans le délai de six mois, à compter de la saisine des autorités étrangères par le consulat compétent, l'échange est refusé. Si l'autorité étrangère confirme l'absence de droits à conduire du titulaire, l'échange n'a pas lieu et le titre est retiré par le préfet qui saisit le procureur de la République en le lui transmettant. / (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si, en cas de doute sur l'authenticité du titre de conduite dont l'échange est demandé, le préfet peut se prononcer au vu de l'avis d'un service spécialisé en fraude documentaire, il peut également, s'il l'estime opportun, décider de saisir l'autorité étrangère ayant délivré le titre ; que si l'authenticité du titre est confirmée par l'autorité étrangère, le préfet ne peut refuser de procéder à l'échange au motif que le permis de conduire ne serait pas authentique, alors même que la réponse de l'autorité étrangère serait parvenue aux autorités françaises plus de six mois après la date de sa saisine ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que pour refuser à M.B..., ressortissant turc, par une décision du 24 septembre 2012, l'échange de son permis de conduire turc contre un permis français, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé, d'une part, sur l'avis d'un service spécialisé français, relevant des éléments permettant de caractériser l'existence d'une contrefaçon et, d'autre part, sur la circonstance que la réponse des autorités turques à la demande qui leur avait été adressée n'avait pas été transmise dans le délai de six mois prévu par l'article 7 de l'arrêté du 12 janvier 2012 ; que, toutefois, cette réponse confirmait l'authenticité du titre ; qu'en jugeant que n'était pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement écarter le certificat établi par l'autorité étrangère ayant délivré le titre, le juge des référés a, eu égard à son office, commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L.821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. B... ;

6. Considérant, en premier lieu, que M. B...justifie que l'exécution de la décision contestée affecte de manière suffisamment grave et immédiate ses recherches d'emploi ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

7. Considérant, en second lieu, qu'en l'état de l'instruction, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que, pour refuser d'échanger le permis de conduire de M. B...contre un permis français, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 12 janvier 2012, se fonder sur ce que l'examen du titre permettait de conclure à l'existence d'une contrefaçon, alors que les autorités turques avaient confirmé l'authenticité du titre ;

8. Considérant, par suite, qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 24 septembre 2012 ; qu'il y a également lieu, eu égard au moyen regardé comme sérieux, d'enjoindre au préfet de munir M. B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision au ministre de l'intérieur, d'une attestation tenant lieu de permis de conduire, valable jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision ;

9. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP de Chaisemartin, Courjon, de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2012 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 24 septembre 2012 est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Nantes ait statué sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de munir M. B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision au ministre de l'intérieur, d'une attestation tenant lieu de permis de conduire, valable jusqu'à ce que le tribunal administratif de Nantes ait statué sur la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision du 24 septembre 2012.

Article 4 : l'Etat versera à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. B..., la somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 364958
Date de la décision : 06/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2013, n° 364958
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:364958.20131106
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