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06/11/2013 | FRANCE | N°345612

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 06 novembre 2013, 345612


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Oxygène dont le siège est 36, square Beaumarchais BP 81 à Montereau-Fault-Yonne (77130) ; l'association Oxygène demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 27 septembre 2010 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société EFMédias à exploiter un service radiophonique par voie hertzienne terrestre " EFM " dans la zone de Melun et a rejeté sa propre candidature ;

2°) de mettre

à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre des disp...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Oxygène dont le siège est 36, square Beaumarchais BP 81 à Montereau-Fault-Yonne (77130) ; l'association Oxygène demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 27 septembre 2010 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société EFMédias à exploiter un service radiophonique par voie hertzienne terrestre " EFM " dans la zone de Melun et a rejeté sa propre candidature ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association Oxygène ;

1. Considérant qu'à la suite d'un appel aux candidatures lancé le 26 janvier 2010 dans le ressort du comité technique radiophonique de Paris, l'association Oxygène s'est portée candidate dans la zone de Melun, en vue de l'exploitation d'un service relevant de la catégorie A ; que l'association demande l'annulation des décisions du 27 septembre 2010 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a accordé l'unique fréquence disponible dans cette zone à la société EFMédias, relevant de la catégorie B, et a rejeté sa propre candidature ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 : " (...) l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. / Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidature. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées. / (...) A l'issue du délai prévu au deuxième alinéa ci-dessus, le conseil arrête la liste des candidats dont le dossier est recevable. / Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : (...) 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; (...) 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement (...). Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale " ;

3. Considérant que, par ses communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, faisant usage de la compétence que lui confère le deuxième alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services radiophoniques ainsi définies : services associatifs éligibles au fond de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D) et services généralistes à vocation nationale (catégorie E) ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la candidature de la société EFMédias a été déposée le 26 mars 2010, dernier jour du délai prévu par l'appel aux candidatures, et n'a donc pas été présentée tardivement ; que son dossier de candidature, où figuraient les comptes de la société EFMédias afférents aux exercices 2006, 2007 et 2008 et un bilan prévisionnel pour l'exercice 2009, mettait le Conseil supérieur de l'audiovisuel en mesure d'apprécier les garanties financières et les perspectives d'exploitation du service proposé ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la candidature de la société EFMédias doivent être écartés ;

5. Considérant que, pour motiver le rejet de la candidature de l'association Oxygène, le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est notamment fondé sur la durée des programmes locaux proposés par le service EFMédias ; que l'association fait valoir, sans être démentie, que la durée mentionnée dans les motifs de la décision n'est pas celle dont la société EFMédias avait fait état dans son dossier de candidature mais celle qui résultait de la convention négociée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et cette société à la suite de la décision par laquelle elle avait été présélectionnée pour l'attribution de la fréquence ; qu'en se fondant sur un tel motif, alors qu'il lui incombait de comparer les durées de programme mentionnées dans les dossiers présentés par les candidats préalablement à la présélection, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a porté atteinte à l'égalité entre les candidats ;

6. Considérant, toutefois, que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte des pièces du dossier que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

7. Considérant que, par une délibération du 3 avril 2013 qui a été communiquée à l'association Oxygène, le Conseil supérieur de l'audiovisuel demande au Conseil d'Etat de substituer au motif initial du refus opposé à cette association celui tiré de ce que le choix du service EFM répondait mieux à l'objectif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et était mieux à même de satisfaire les attentes du public, eu égard au contenu de la programmation locale envisagée, comprenant notamment une émission quotidienne de deux heures consacrée à l'actualité sportive de l'Essonne et de la Seine-et-Marne, une émission dominicale consacrée aux personnalités politiques locales ainsi que des informations destinées aux automobilistes et en particulier des points d'information réguliers sur le trafic routier dans cette zone ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ce motif, qui est exempt d'erreur de fait et repose sur les éléments figurant dans les dossiers de candidature, résulte d'une exacte application des critères d'octroi des autorisations fixés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, notamment ceux tenant à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels d'une part, et à la diffusion d'informations politiques et générales d'autre part ; que ce motif est, par suite, de nature à justifier légalement tant le rejet de la candidature de l'association Oxygène dans la zone de Melun que l'autorisation accordée à la société EFMédias d'y exploiter la fréquence disponible ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la date des décisions attaquées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait pris les mêmes décisions s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution de motifs demandée, qui ne prive l'association Oxygène d'aucune garantie procédurale ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Oxygène n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association demande à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Oxygène est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Oxygène, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société EFMédias.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345612
Date de la décision : 06/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2013, n° 345612
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:345612.20131106
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