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25/10/2013 | FRANCE | N°369806

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 25 octobre 2013, 369806


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 16 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la région Languedoc-Roussillon, représentée par le président du conseil régional ; la région Languedoc-Roussillon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301958 du 14 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative a suspendu, à la demande de l'association Trajets, l'exéc

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 16 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la région Languedoc-Roussillon, représentée par le président du conseil régional ; la région Languedoc-Roussillon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1301958 du 14 juin 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative a suspendu, à la demande de l'association Trajets, l'exécution de la décision du 3 avril 2013 par laquelle le président de la région Languedoc-Roussillon a interrompu l'exécution du bon de commande émis le 23 juillet 2012 et ayant pour objet l'organisation par l'association de la session 2013 d'une formation au brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports dans la spécialité " loisirs tous publics " ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association Trajets ;

3°) de mettre à la charge de l'association Trajets le versement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le remboursement de la contribution juridique au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 octobre 2013, présentée pour l'association Trajets ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Languedoc-Roussillon, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'association Trajets ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié les 16 et 20 avril 2010, la région Languedoc-Roussillon a lancé, sur le fondement des dispositions du III de l'article 26 et des dispositions des articles 30 et 77 du code des marchés publics, une procédure adaptée en vue de la passation d'un marché à bons de commande sans minimum ni maximum, composé de 260 lots, ayant pour objet des actions de formation pour les années 2011 et 2012 ; que le lot n° 214 de ce marché, correspondant à des actions de formation dans le bassin d'emploi de Montpellier menant notamment à deux spécialités du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports, a été attribué à l'association Trajets ainsi qu'à cinq autres attributaires ; qu'après avoir émis deux bons de commande au bénéfice de l'association Trajets au titre de l'année 2012 et décidé de reconduire le marché pour la période 2013-2014, la région Languedoc-Roussillon a émis au bénéfice de celle-ci, le 23 juillet 2012, un nouveau bon de commande correspondant à l'une des spécialités du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports pour une action de formation collective du 28 janvier au 13 novembre 2013 ; que, toutefois, la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale du ministère des affaires sociales et de la santé ayant relevé des manquements de l'association Trajets à ses obligations contractuelles et décidé de lui retirer son habilitation pour mettre en oeuvre cette formation, la région Languedoc-Roussillon a, par décision du 3 avril 2013, mis fin à la prestation de formation objet du bon de commande émis le 23 juillet 2012 ; que, par l'ordonnance attaquée du 14 juin 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l'exécution de cette décision ;

3. Considérant qu'en principe, les parties à un contrat ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé ; que, pour juger que l'association Trajets était recevable à demander l'annulation et la suspension de l'exécution de la décision de la région Languedoc-Roussillon du 3 avril 2013, le juge des référés s'est fondé sur la circonstance que cette décision causait un préjudice financier important à l'association et mettait un terme immédiat à la session de formation dont elle assurait la direction ; qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il a lui-même relevé que la décision attaquée avait pour objet non de résilier le marché à bons de commande conclu avec cette association mais seulement d'interrompre l'exécution de l'une des prestations prévues par un bon de commande, et, d'autre part, qu'une telle interruption constitue une simple mesure d'exécution du contrat dont le cocontractant de l'administration n'est pas recevable à demander l'annulation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la région Languedoc-Roussillon est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par l'association Trajets en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la décision de la région Languedoc-Roussillon du 3 avril 2013, qui se borne à demander à l'association Trajets d'arrêter le déroulement de l'action de formation objet du bon de commande émis le 23 juillet 2012 et constitue ainsi une simple mesure d'exécution du contrat n'ayant ni pour objet ni pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre la région et l'association, n'est pas au nombre de celles dont le cocontractant de l'administration est recevable à demander l'annulation au juge du contrat et la suspension de l'exécution au juge du référé ; que, par suite, la demande de l'association Trajets ne peut qu'être rejetée ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Languedoc-Roussillon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'association Trajets au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 4 500 euros à verser à la région Languedoc-Roussillon au titre de la procédure suivie devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Montpellier ; qu'il y a lieu, enfin, de mettre à la charge de l'association Trajets le remboursement à la région Languedoc-Roussillon de la contribution à l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 14 juin 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La demande présentée par l'association Trajets devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : L'association Trajets versera une somme de 4 535 euros à la région Languedoc-Roussillon en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Languedoc-Roussillon et à l'association Trajets.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 369806
Date de la décision : 25/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXÉCUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - DÉCISION D'INTERROMPRE L'EXÉCUTION D'UNE PRESTATION D'UN BON DE COMMANDE - POSSIBILITÉ POUR UNE PARTIE D'EN DEMANDER L'ANNULATION OU LA SUSPENSION DE L'EXÉCUTION - ABSENCE - UNE TELLE DÉCISION CONSTITUANT UNE SIMPLE MESURE D'EXÉCUTION DU CONTRAT.

39-03 En principe, les parties à un contrat ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé. Commet une erreur de droit le juge des référés qui regarde comme étant au nombre des actes dont les parties sont, par exception, recevables à demander l'annulation ou la suspension de l'exécution, la décision d'une région qui, comme il l'a lui-même relevé, n'a pas pour objet de résilier le marché à bons de commande conclu avec une association mais se borne à interrompre l'exécution de l'une des prestations prévues par l'un des bons. Une telle interruption constitue en effet une simple mesure d'exécution du contrat.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RECEVABILITÉ - RECOURS D'UNE PARTIE TENDANT À L'ANNULATION OU À LA SUSPENSION DE L'EXÉCUTION D'UNE MESURE D'EXÉCUTION DU CONTRAT - PRINCIPE - IRRECEVABILITÉ - EXCEPTION - DANS LE CAS D'UNE DÉCISION N'AYANT PAS POUR OBJET DE RÉSILIER UN MARCHÉ À BONS DE COMMANDE MAIS D'INTERROMPRE L'EXÉCUTION D'UNE PRESTATION - ABSENCE [RJ1].

39-08-01 En principe, les parties à un contrat ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé. Commet une erreur de droit le juge des référés qui regarde comme étant au nombre des actes dont les parties sont, par exception, recevables à demander l'annulation ou la suspension de l'exécution, la décision d'une région qui, comme il l'a lui-même relevé, n'a pas pour objet de résilier le marché à bons de commande conclu avec une association mais se borne à interrompre l'exécution de l'une des prestations prévues par l'un des bons. Une telle interruption constitue en effet une simple mesure d'exécution du contrat.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - RECEVABILITÉ - RECOURS D'UNE PARTIE TENDANT À LA SUSPENSION DE L'EXÉCUTION D'UNE MESURE D'EXÉCUTION DU CONTRAT - PRINCIPE - IRRECEVABILITÉ - EXCEPTION - DANS LE CAS D'UNE DÉCISION N'AYANT PAS POUR OBJET DE RÉSILIER UN MARCHÉ À BONS DE COMMANDE MAIS D'INTERROMPRE L'EXÉCUTION D'UNE PRESTATION - ABSENCE [RJ1].

54-035-02-02 En principe, les parties à un contrat ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé. Commet une erreur de droit le juge des référés qui regarde comme étant au nombre des actes dont les parties sont, par exception, recevables à demander l'annulation ou la suspension de l'exécution, la décision d'une région qui, comme il l'a lui-même relevé, n'a pas pour objet de résilier le marché à bons de commande conclu avec une association mais se borne à interrompre l'exécution de l'une des prestations prévues par l'un des bons. Une telle interruption constitue en effet une simple mesure d'exécution du contrat.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour la recevabilité de conclusions dirigées contre une décision de résiliation, CE, Section, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806, p. 117.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2013, n° 369806
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:369806.20131025
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