La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2013 | FRANCE | N°360962

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23 octobre 2013, 360962


Vu le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du garde des sceaux, ministre de la justice ; le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1100895 du 22 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen, avant de statuer sur la demande de M. A...B...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa détention à la maison d'arrêt de Cherbourg, a ordonné une expertise ;

Vu les

autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 19...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du garde des sceaux, ministre de la justice ; le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1100895 du 22 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen, avant de statuer sur la demande de M. A...B...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa détention à la maison d'arrêt de Cherbourg, a ordonné une expertise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de M. B...;

1. Considérant que, avant de statuer sur la demande de M.B..., détenu à ...euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de ses conditions de détention dans cette maison d'arrêt, à compter du 28 mai 2009, le tribunal administratif de Caen a, en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, par jugement avant dire droit du 22 mai 2012, ordonné une expertise prescrivant à l'expert désigné, notamment, de se rendre à la maison d'arrêt de Cherbourg, de " prendre connaissance de tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ", de " constater et décrire l'état d'aménagement et de confort de chacune des cellules occupées par M.B... au cours de sa détention à la maison d'arrêt de Cherbourg ; en particulier, de décrire l'état de la cellule ainsi que les meubles et les sanitaires, de relever la surface de la cellule, de déterminer le volume d'air de la cellule, de relever le dispositif d'aération, de ventilation et de régulation du chauffage ; de procéder à un relevé précis des températures de la cellule ; de préciser le nombre d'occupants de la cellule et de relever le statut sous lequel ils sont placés ; de dresser un plan de la cellule ; de décrire les installations sanitaires et locaux d'hygiène auxquels M. B...a accès ; de faire toute constatation utile sur les points ci-dessus énoncés et de prendre toutes photographies utiles de la cellule de M. B...et des installations sanitaires et locaux d'hygiène auxquels l'intéressé a eu accès " ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision " ;

3. Considérant qu'il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi ; qu'il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation ; qu'il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, pour caractériser l'existence d'une faute de l'administration, M. B...s'est prévalu de son incarcération dans une petite cellule, où se trouvaient cinq personnes, ainsi que d'un article de presse décrivant les conditions de détention de certains détenus à la maison d'arrêt de Cherbourg ; que l'administration a, toutefois, dans ses écritures, fourni des éléments de nature à justifier les conditions de détention de l'intéressé ainsi que les mesures de réinsertion dont il avait fait l'objet durant sa détention ; que le tribunal administratif disposait ainsi d'éléments suffisants pour statuer sur l'action indemnitaire engagée devant lui ; que, par suite, en estimant qu'une expertise était utile à la solution du litige, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier ; que le garde des sceaux est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement attaqué ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Me Spinosi, avocat du requérant, la somme que celui-ci demande sur le fondement de cet article et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 22 mai 2012 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360962
Date de la décision : 23/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2013, n° 360962
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360962.20131023
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award