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23/10/2013 | FRANCE | N°360961

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23 octobre 2013, 360961


Vu le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du garde des sceaux, ministre de la justice ; le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1100854 du 22 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen, avant de statuer sur la demande de M. B...A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa détention à la maison d'arrêt de Cherbourg, a ordonné une expertise ;

Vu les

autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du garde des sceaux, ministre de la justice ; le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1100854 du 22 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen, avant de statuer sur la demande de M. B...A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa détention à la maison d'arrêt de Cherbourg, a ordonné une expertise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. A...;

1. Considérant que, avant de statuer sur la demande de M.A..., détenu à ...euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de ses conditions de détention dans cette maison d'arrêt du 11 octobre 2010 au 15 février 2011, le tribunal administratif de Caen a, en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, par jugement avant dire droit du 22 mai 2012, ordonné une expertise prescrivant à l'expert désigné, notamment, de se rendre à la maison d'arrêt de Cherboug, de " prendre connaissance de tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ", de " constater et décrire l'état d'aménagement et de confort de chacune des cellules occupées par M.A... au cours de sa détention à la maison d'arrêt de Cherbourg ; en particulier, de décrire l'état de la cellule ainsi que les meubles et les sanitaires, de relever la surface de la cellule, de déterminer le volume d'air de la cellule, de relever le dispositif d'aération, de ventilation et de régulation du chauffage ; de dresser un plan de la cellule ; de décrire les installations sanitaires et locaux d'hygiène auxquels M.A... a accès ; de faire toute constatation utile sur les points ci-dessus énoncés et de prendre toutes photographies utiles de la cellule de M.A... et des installations sanitaires et locaux d'hygiène auxquels l'intéressé a eu accès " ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision " ;

3. Considérant qu'il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi ; qu'il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation ; qu'il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, pour caractériser l'existence d'une faute de l'administration, M. A...s'est prévalu de son incarcération dans une cellule de 25 m², où se trouvaient six personnes, de l'état dégradé de celle-ci, dont il se bornait à donner une brève description, ainsi que d'un article de presse décrivant les conditions de détention de certains détenus à la maison d'arrêt de Cherbourg ; que l'administration a, toutefois, détaillé dans ses écritures, notamment la surface des cellules occupées successivement par le requérant, leur équipement mobilier, la date de leur rénovation, leur taux d'occupation, et fourni les éléments, tels que les fiches de renseignement et rapports d'enquête, relatifs à la situation de l'intéressé lors de ses incarcérations successives, lesquels faisaient notamment ressortir que celui-ci s'était livré à des dégradations dans les locaux où il était détenu ; que le tribunal administratif disposait ainsi d'éléments suffisants pour statuer sur l'action indemnitaire engagée devant lui ; que, par suite, en estimant qu'une expertise était utile à la solution du litige, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier ; que le garde des sceaux est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement attaqué ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 22 mai 2012 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360961
Date de la décision : 23/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-01 PROCÉDURE. INSTRUCTION. MOYENS D'INVESTIGATION. EXPERTISE. RECOURS À L'EXPERTISE. - ACTION EN RESPONSABILITÉ - CONDITIONS AUXQUELLES IL REVIENT AU JUGE D'ORDONNER UNE EXPERTISE.

54-04-02-02-01 Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2013, n° 360961
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360961.20131023
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