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07/10/2013 | FRANCE | N°338532

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 07 octobre 2013, 338532


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 22 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A...et Mme C...A..., demeurant... ; M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01134 du 8 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant le jugement n° 0312987/6-2 du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2007, a réduit à 114 866,84 euros l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. A... en sus de sa pension militaire d'invalidité ma

jorée, en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale c...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 22 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A...et Mme C...A..., demeurant... ; M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01134 du 8 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant le jugement n° 0312987/6-2 du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 2007, a réduit à 114 866,84 euros l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. A... en sus de sa pension militaire d'invalidité majorée, en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale contractée par celui-ci le 24 janvier 2000 à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne-Françoise Roul, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant que, par un jugement du 9 janvier 2007, le tribunal administratif de Paris a jugé l'Etat entièrement responsable des préjudices subis par M.A..., maréchal des logis-chef de la gendarmerie nationale, du fait d'une infection nosocomiale contractée à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce où il avait subi une intervention chirurgicale le 24 janvier 2000 ; que, tenant compte de la pension militaire d'invalidité servie à l'intéressé, le tribunal a mis à la charge de l'Etat le versement d'une indemnité complémentaire, dont il a fixé le montant à 482 776 euros ; que, saisie d'un appel du ministre de la défense, qui ne contestait pas devoir réparer l'entier préjudice subi par M. A...mais demandait que l'indemnité allouée à celui-ci soit ramenée à 112 379 euros, ainsi que d'un appel incident de M. et MmeA..., qui demandaient au contraire le rehaussement de cette indemnité, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt du 8 février 2010, ramené l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. A...à la somme de 114 866,84 euros ; que M. et Mme A...se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) " ;

3. Considérant qu'eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille ; que lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne ;

4. Considérant qu'en instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission ; que, cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices ; qu'en outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale ; que lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif ;

5. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une indemnité de 114 866, 84 euros au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité qui lui est servie n'a pas pour objet de réparer, consistant notamment en des dépenses de santé, des frais d'adaptation du logement et du véhicule de l'intéressé, des souffrances subies avant la consolidation de son état de santé, un préjudice d'agrément et des préjudices esthétique et sexuel ; que la cour a en revanche refusé à M. A...une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, consistant en un préjudice professionnel, des frais d'assistance par une tierce personne et un déficit fonctionnel permanent, après avoir évalué ces préjudices et avoir constaté que leur montant cumulé était inférieur au capital représentatif de la pension ;

Sur les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à M. A... n'a pas pour objet de réparer :

6. Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que M. A...n'établissait supporter des frais d'aménagement de son logement résultant directement de son handicap qu'à concurrence de 618,89 euros, en l'absence de devis ou de factures correspondant à des travaux d'aménagement supplémentaires ; qu'en refusant d'ordonner une expertise aux fins de définir la nature et le coût de tels travaux supplémentaires, la cour s'est livrée, sans commettre d'erreur de droit, à une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

Sur les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à M. A... a pour objet de réparer :

7. Considérant que l'arrêt attaqué constate que le capital représentatif de la pension servie à M.A..., qui est assortie de majorations au titre de l'assistance constante d'une tierce personne, s'élève à 2 901 443 euros ; qu'il évalue le préjudice professionnel à 370 397 euros, les frais d'assistance d'une tierce personne à 1 782 044 euros et le déficit fonctionnel à 220 000 euros, soit un total de 2 372 441 euros ; que ce chiffre étant inférieur à celui du capital représentatif de la pension, la cour juge que l'intéressé ne peut prétendre, pour ces préjudices, à une indemnité complémentaire ;

8. Considérant, d'une part, qu'en comparant au capital représentatif de la pension le montant global des préjudices que cette prestation a pour objet de réparer, la cour administrative d'appel s'est conformée aux règles rappelées au point 4 ci-dessus et n'a pas, contrairement à ce que soutient M. A..., commis d'erreur de droit ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du rapprochement entre les termes de l'arrêt attaqué et les pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour évaluer à 370 397 euros les pertes de revenus subies par M.A..., la cour administrative d'appel a déduit du montant total que l'intéressé aurait dû percevoir s'il n'avait pas été victime de l'infection nosocomiale, au titre de rémunérations jusqu'au 1er janvier 2018, date à laquelle il aurait été atteint par la limite d'âge, puis au titre de pensions de retraite, le montant qu'il avait effectivement perçu et percevrait à l'avenir, au titre de rémunérations jusqu'au 1er janvier 2008, date de sa mise à la retraite pour invalidité, puis au titre de pensions de retraite ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour se serait fondée, pour évaluer ce poste de préjudice, non sur les pertes brutes de revenus, comme il lui appartenait de le faire, mais sur les pertes nettes après compensation par la pension militaire d'invalidité manque en fait ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à Mme C...A...et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 338532
Date de la décision : 07/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2013, n° 338532
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne-Françoise Roul
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:338532.20131007
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