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25/09/2013 | FRANCE | N°356382

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 septembre 2013, 356382


Vu le pourvoi sommaire, le pourvoi sommaire rectificatif et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 3 février et 30 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Oddo et Cie, venant aux droits de la société Banque Robeco, dont le siège est 21 boulevard de la Madeleine à Paris (75001) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03974 du 1er décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat contr

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Vu le pourvoi sommaire, le pourvoi sommaire rectificatif et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 3 février et 30 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Oddo et Cie, venant aux droits de la société Banque Robeco, dont le siège est 21 boulevard de la Madeleine à Paris (75001) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03974 du 1er décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat contre le jugement n° 0601823 du 6 avril 2010 du tribunal administratif de Paris, a, réformant ce jugement, remis à la charge de la société Banque Robeco les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % prévue à l'article 235 ZA du code général des impôts et de contribution temporaire prévue à l'article 235 ZB du même code auxquelles cette société avait été assujettie au titre des années 1997, 1998 et 1999 et rejeté ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet, avocat de la société Oddo et Cie ;

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. " ;

2. Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la fin de non- recevoir opposée par la société Banque Robeco, tirée de la tardiveté du recours présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, au motif que ce recours avait été enregistré au greffe dans le délai d'appel de deux mois dont le ministre disposait, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire ; qu'elle a écarté le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte à l'égalité des parties devant le juge au motif que le délai d'appel est limité, pour les contribuables, à deux mois en vertu de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, en jugeant que les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales tenaient compte des nécessités particulières de fonctionnement de l'administration fiscale, qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables ; que la cour a ainsi suffisamment motivé son arrêt ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ;

4. Considérant que la société bénéficiaire d'un apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif ; que lorsque des provisions ont été constituées par la société ayant consenti l'apport en vue de couvrir des charges et ont été prises en compte dans l'évaluation de l'apport, elles constituent un élément du prix d'apport ; que la constatation des charges ayant justifié, dans les écritures de la société ayant fait l'apport la constitution des provisions ainsi comptabilisées au passif de la société bénéficiaire de l'apport, implique que les provisions correspondantes cessent d'être justifiées au sens des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts ; qu'eu égard à la prise en compte de ces provisions pour la détermination de la valeur d'apport, la reprise de ces provisions ne saurait être déduite, par voie extracomptable, du résultat imposable de la société bénéficiaire de l'apport ; que la circonstance que, lors de leur constitution au passif de la société apporteuse, ces provisions n'auraient pas été déductibles du résultat imposable de la société apporteuse est sans influence sur le caractère non déductible de la reprise de ces provisions du résultat imposable de la société bénéficiaire de l'apport ; qu'en outre, dès lors que ces provisions ont été prises en compte dans le calcul de la valeur de l'actif net apporté, le fait qu'elles ont été constatées postérieurement à la date d'effet de l'apport en raison du caractère rétroactif donné au traité d'apport par les parties à cette convention est sans influence sur l'application de ces règles ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention du 30 août 1997 prenant effet rétroactivement au 1er janvier de la même année, la société Banque Robeco a bénéficié d'un apport partiel d'actif de la société Groupe Robeco ; que cette dernière société avait constaté avant la conclusion de cette convention des provisions pour restructuration et pour risques qui ont été spontanément réintégrées à ses résultats en raison de leur caractère non déductible ; que ces provisions ont été inscrites au passif du bilan de la société bénéficiaire de l'apport et ont fait l'objet de reprises au moment où cette société a supporté les charges correspondantes ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration n'a pas admis la déduction fiscale de ces reprises comptables de provisions et, par suite, a mis à la charge de la société Banque Robeco des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, assorties de pénalités, au titre des années 1997 à 1999 ; que la cour a fait droit au recours du ministre formé contre le jugement du 6 avril 2010 du tribunal administratif de Paris qui avait accueilli la demande dont il était saisi par la société Banque Robeco et a remis à la charge de cette société, aux droits de laquelle vient la société Oddo et Cie, ces impositions supplémentaires ;

6. Considérant que, par une appréciation souveraine qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'est entachée d'aucune dénaturation, la cour a estimé que les provisions constituées par la société Groupe Robeco devaient être regardées comme incluses dans l'actif net dont cette société avait fait apport à la société Banque Robeco, dont elles avaient minoré la valeur d'acquisition ; qu'elle a également relevé, en ce qui concerne la provision constatée après le 1er janvier 1997, date d'effet de l'apport partiel d'actif donnée par les parties au traité d'apport, qu'il n'était pas contesté qu'elle avait été constatée dans les écritures de la société Groupe Robeco et qu'elle avait été prise en compte pour déterminer la valeur de l'actif net constatée dans les écritures de la société Banque Robeco ; qu'en déduisant de l'ensemble de ces constatations que la société bénéficiaire de l'apport ne pouvait procéder, par voie extracomptable, à la déduction fiscale des reprises de ces provisions, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas méconnu le principe de neutralité des reprises de provision invoqué par la société ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Oddo et Cie doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Oddo et Cie est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Oddo et Cie et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 356382
Date de la décision : 25/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - OPÉRATION D'APPORT D'ACTIF - PASSIF TRANSMIS EN CONTREPARTIE - ELÉMENT DU COÛT D'ACQUISITION DE CET ACTIF [RJ1] - INCLUSION - PROVISIONS POUR CHARGES CONSTITUÉES PAR LA SOCIÉTÉ APPORTEUSE - 1) CONSÉQUENCE - REPRISE ULTÉRIEURE DE CES PROVISIONS LORS DE LA CONSTATATION DES CHARGES AYANT JUSTIFIÉ LEUR CONSTITUTION - DÉDUCTIBILITÉ DU BÉNÉFICE IMPOSABLE DE LA SOCIÉTÉ BÉNÉFICIAIRE DE L'APPORT - ABSENCE - 2) CIRCONSTANCE QUE CES PROVISIONS N'AURAIENT PAS ÉTÉ DÉDUCTIBLES DU RÉSULTAT IMPOSABLE DE LA SOCIÉTÉ APPORTEUSE - INCIDENCE - ABSENCE.

19-04-01-04-03 1) La société bénéficiaire d'un apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif. Lorsque des provisions ont été constituées par la société ayant consenti l'apport en vue de couvrir des charges et ont été prises en compte dans l'évaluation de l'apport, elles constituent un élément du prix d'apport. La constatation des charges ayant justifié, dans les écritures de la société ayant fait l'apport, la constitution des provisions ainsi comptabilisées au passif de la société bénéficiaire de l'apport, implique que les provisions correspondantes cessent d'être justifiées au sens des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts. Eu égard à la prise en compte de ces provisions pour la détermination de la valeur d'apport, la reprise de ces provisions ne saurait être déduite, par voie extracomptable, du résultat imposable de la société bénéficiaire de l'apport.... ,,2) La circonstance que, lors de leur constitution au passif de la société apporteuse, ces provisions n'auraient pas été déductibles du résultat imposable de la société apporteuse est sans influence sur le caractère non déductible de la reprise de ces provisions du résultat imposable de la société bénéficiaire de l'apport.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - PROVISIONS - OPÉRATION D'APPORT D'ACTIF - PASSIF TRANSMIS EN CONTREPARTIE - ELÉMENT DU COÛT D'ACQUISITION DE CET ACTIF [RJ1] - INCLUSION - PROVISIONS POUR CHARGES CONSTITUÉES PAR LA SOCIÉTÉ APPORTEUSE - 1) CONSÉQUENCE - REPRISE ULTÉRIEURE DE CES PROVISIONS LORS DE LA CONSTATATION DES CHARGES AYANT JUSTIFIÉ LEUR CONSTITUTION - DÉDUCTIBILITÉ DU BÉNÉFICE IMPOSABLE DE LA SOCIÉTÉ BÉNÉFICIAIRE DE L'APPORT - ABSENCE - 2) CIRCONSTANCE QUE CES PROVISIONS N'AURAIENT PAS ÉTÉ DÉDUCTIBLES DU RÉSULTAT IMPOSABLE DE LA SOCIÉTÉ APPORTEUSE - INCIDENCE - ABSENCE.

19-04-02-01-04-04 1) La société bénéficiaire d'un apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif. Lorsque des provisions ont été constituées par la société ayant consenti l'apport en vue de couvrir des charges et ont été prises en compte dans l'évaluation de l'apport, elles constituent un élément du prix d'apport. La constatation des charges ayant justifié, dans les écritures de la société ayant fait l'apport, la constitution des provisions ainsi comptabilisées au passif de la société bénéficiaire de l'apport, implique que les provisions correspondantes cessent d'être justifiées au sens des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts. Eu égard à la prise en compte de ces provisions pour la détermination de la valeur d'apport, la reprise de ces provisions ne saurait être déduite, par voie extracomptable, du résultat imposable de la société bénéficiaire de l'apport.... ,,2) La circonstance que, lors de leur constitution au passif de la société apporteuse, ces provisions n'auraient pas été déductibles du résultat imposable de la société apporteuse est sans influence sur le caractère non déductible de la reprise de ces provisions du résultat imposable de la société bénéficiaire de l'apport.


Références :

[RJ1]

Cf., sur la théorie du prix d'acquisition, CE, 6 novembre 1974, Société X., n°s 89562 89564, T. pp. 951-954-955 ;

CE, 19 juin 2008, SA Gustav Muller, n° 285629, T. p. 717.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 sep. 2013, n° 356382
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maxime Boutron
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:356382.20130925
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