Vu le pourvoi, enregistré le 27 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont le siège est 20, avenue du Grésillé, BP 90406, à Angers Cedex 01 (49004) ; l'ADEME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10LY02754 du 7 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0704637 du 28 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 10 avril 2007 de son délégué régional Rhône-Alpes refusant d'allouer à la communauté des bénédictines de la Rochette une subvention en vue de l'installation d'une chaufferie bois, d'autre part, au rejet de la demande de première instance de cette communauté ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la communauté des bénédictines de la Rochette la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Martinel, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et à la SCP Ortscheidt, avocat de la société communauté des bénédictines de la Rochette ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté des bénédictines de la Rochette a demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de lui octroyer une subvention afin d'installer une chaufferie bois ; que, par une décision du 10 avril 2007, le délégué régional Rhône-Alpes de l'agence a rejeté cette demande ; que, par un jugement du 28 octobre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision ; que l'ADEME se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a interjeté de ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; que l'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte en vertu du titre IV de cette loi " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 131-3 du code de l'environnement : " I. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial. / II. Cet établissement public exerce des actions, notamment d'orientation et d'animation de la recherche, de prestation de services, d'information et d'incitation dans chacun des domaines suivants : / 1° La prévention et la lutte contre la pollution de l'air ; / (...) / 4° La réalisation d'économies d'énergie et de matières premières et le développement des énergies renouvelables, notamment d'origine végétale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " L'agence peut attribuer des subventions et consentir des avances remboursables. (...) " ;
4. Considérant que les dispositions précitées du code de l'environnement n'ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ; que, dès lors, en jugeant que, par ces dispositions, le législateur avait autorisé l'ADEME à accorder des subventions à toute personne physique ou morale, y compris à une personne ayant des activités cultuelles, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, être annulé ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ADEME, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'ADEME ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 7 juin 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par la communauté des bénédictines de la Rochette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise et de l'énergie et à la communauté des bénédictines de la Rochette.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.