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26/06/2013 | FRANCE | N°361878

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 26 juin 2013, 361878


Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SAS Pralins, dont le siège est Route de Megève à Praz-sur-Arly (74120), représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS Pralins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1356 T du 13 juin 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SAS Distribution Casino France l'autorisation préalable requise en vue de l'extension de 1 716 m² d'un supermarché à l'enseigne Cas

ino, d'une surface de vente de 1 239 m², afin de porter sa surface de vente to...

Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SAS Pralins, dont le siège est Route de Megève à Praz-sur-Arly (74120), représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS Pralins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1356 T du 13 juin 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SAS Distribution Casino France l'autorisation préalable requise en vue de l'extension de 1 716 m² d'un supermarché à l'enseigne Casino, d'une surface de vente de 1 239 m², afin de porter sa surface de vente totale à 2 955 m², à Demi-Quartier (Haute-Savoie) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait l'obligation à la décision attaquée d'attester que la convocation de ses membres a été régulièrement effectuée ou que la règle du quorum a été respectée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-49 du code de commerce doit être écarté ;

2. Considérant, en second lieu, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission nationale soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en l'espèce, la commission nationale a satisfait à cette obligation en exposant ceux des objectifs et critères qui fondent la décision ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

En ce qui concerne la composition du dossier de la demande d'autorisation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce : " I. -La demande d'autorisation est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8 (...) / II. - La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes " ;

4. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le pétitionnaire n'aurait ni fourni un plan indicatif des surfaces de vente, ni justifié d'un titre l'autorisant à présenter sa demande d'autorisation, ni présenté d'attestations du régime social des indépendants et du service des impôts manque, en tout état de cause, en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, si la SAS Pralins allègue que la zone de chalandise aurait été délimitée de manière inexacte dès lors que les communes de Domancy et Saint-Gervais n'auraient pas dû en faire partie, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que cette erreur, à la supposer même établie, aurait été de nature à avoir faussé l'appréciation de la commission nationale ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si la SAS Pralins fait valoir que le pétitionnaire n'a pas justifié des capacités d'accueil pour le chargement et déchargement ainsi que des chiffres de la fréquentation touristique, ni présenté de données claires sur les flux de véhicules de livraison et sur les accès sécurisés à la voie publique, ni apporté d'éléments précis sur les paysages et les écosystèmes, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale n'aurait pas été mise à même, compte tenu de l'ensemble des informations dont elle a disposé, de se prononcer sur la conformité du projet aux objectifs fixés par la loi ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 752-25 du code de commerce : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent chapitre " ; que si le IV de l'article R. 752-7 du même code autorise le ministre compétent à préciser par arrêté " en tant que de besoin les modalités de présentation de la demande ", cet arrêté ne peut avoir pour objet et ne peut avoir légalement pour effet d'imposer des formalités autres que celles résultant de ce décret ou qui sont nécessairement impliquées par lui ; qu'il suit de là que doit être regardé comme étant sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, et par suite être écarté, le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire n'aurait pas satisfait à des prescriptions de cet arrêté autres que celles que le décret, qui lui sert de fondement, exige ou qu'il implique nécessairement ; que la requérante, si elle soutient que la société pétitionnaire n'aurait pas respecté certaines des dispositions de l'annexe II de l'article A 752-1 du code de commerce, ne fait état, à ce titre, d'aucune carence au regard des obligations résultant du décret ;

En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi " ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi du 4 août 2008 : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) l'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères ;

11. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient, en se référant à la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise du projet, que le projet serait de nature à compromettre l'équilibre entre les différentes formes de commerce, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la commission nationale n'avait pas à prendre en compte un tel critère ; que, dès lors et en tout état de cause, le moyen doit être écarté comme inopérant ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas aux commissions d'aménagement commercial de se prononcer sur la conformité des projets d'aménagement commercial au plan local d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Demi-Quartier est inopérant ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé la commission nationale, que ce projet d'extension d'un supermarché existant ne consomme pas d'espaces naturels et comporte un volet paysager améliorant l'insertion de l'ensemble commercial dans l'environnement ; qu'il est situé en entrée de ville et de nature à diversifier l'offre commerciale de proximité ; que ce projet, d'ailleurs accessible aux piétons et aux transports en commun, contribue à limiter les déplacements en automobile de la clientèle vers d'autres pôles commerciaux plus éloignés, notamment pendant la durée de la saison touristique ; qu'ainsi, la SAS Pralins n'est pas fondée à soutenir que le projet en cause serait de nature à compromettre les objectifs fixés par la loi en matière d'aménagement du territoire ou de développement durable ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Pralins n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SAS Pralins ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Pralins la somme de 3 000 euros à verser à la SAS Distribution Casino France ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SAS Pralins est rejetée.

Article 2 : La SAS Pralins versera à la SAS Distribution Casino France une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS Pralins, à la SAS Distribution Casino France et à la Commission nationale d'aménagement commercial.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 361878
Date de la décision : 26/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2013, n° 361878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:361878.20130626
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