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26/06/2013 | FRANCE | N°357175

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26 juin 2013, 357175


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 25 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est 11, place Dauphine à Paris Cedex 01 (75053), représenté par son bâtonnier en exercice ; l'ordre des avocats au barreau de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1985 du 28 décembre 2011 relatif au vice-bâtonnier, à l'arbitrage du bâtonnier et aux mentions de spécialisation des avocats ;

2°) de m

ettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 25 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est 11, place Dauphine à Paris Cedex 01 (75053), représenté par son bâtonnier en exercice ; l'ordre des avocats au barreau de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1985 du 28 décembre 2011 relatif au vice-bâtonnier, à l'arbitrage du bâtonnier et aux mentions de spécialisation des avocats ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Vu le décret n° 2009-1233 du 14 octobre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Paris ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées : " Chaque barreau est administré par un conseil de l'ordre élu pour trois ans, au scrutin secret, par tous les avocats inscrits au tableau de ce barreau et par les avocats honoraires dudit barreau. Le conseil de l'ordre est renouvelable par tiers chaque année. Il est présidé par un bâtonnier élu pour deux ans dans les mêmes conditions. Le bâtonnier peut être assisté par un vice-bâtonnier élu avec lui dans les mêmes conditions et pour la même durée. / En cas de décès ou d'empêchement définitif du bâtonnier, les fonctions de ce dernier sont assurées, jusqu'à la tenue de nouvelles élections, par le vice-bâtonnier, s'il en existe ou, à défaut, par le membre le plus ancien du conseil de l'ordre " ; que les fonctions de vice-bâtonnier ont été instituées par le décret du 14 octobre 2009 modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et relatif au vice-bâtonnier, afin d'assister le bâtonnier dans l'exercice de ses missions ; que, dans leur rédaction issue du décret du 14 octobre 2009, les articles 4 et 6 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat prévoyaient expressément que le vice-bâtonnier était membre du conseil de l'ordre ; que l'article 7 du même décret dispose que : " Le bâtonnier peut déléguer une partie de ses pouvoirs au vice-bâtonnier (...). En cas d'absence ou d'empêchement temporaire, il peut, pour la durée de cette absence ou de cet empêchement, déléguer la totalité de ses pouvoirs au vice-bâtonnier (...) " ; qu'à la suite de la modification de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 par la loi du 28 mars 2011, le décret du 28 décembre 2011 relatif au vice-bâtonnier, à l'arbitrage du bâtonnier et aux mentions de spécialisation des avocats prévoit désormais que le vice-bâtonnier ne peut plus, pendant la durée de son mandat, être membre du conseil de l'ordre ; que l'ordre requérant demande l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de ce décret ayant cet objet ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 : " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : (...) / 3° Les règles d'organisation professionnelle, notamment la composition des conseils de l'ordre (...) " ; qu'il ressort des termes même de la loi, qui renvoie pour son application à un décret en Conseil d'Etat, que les dispositions contestées du décret attaqué, qui ont pour objet d'interdire le cumul des fonctions de vice-bâtonnier et de membre du conseil de l'ordre, n'excèdent pas les limites des mesures qu'il appartenait au pouvoir réglementaire de prendre pour l'organisation de la profession ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du pouvoir règlementaire doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de la minute de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été produite au dossier par le Premier ministre, que le texte publié ne contient pas de disposition qui différerait à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section de l'intérieur ; qu'ainsi, aucune méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ne saurait être retenue ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 : " Les conditions dans lesquelles le bâtonnier peut déléguer ses pouvoirs et les modalités de la procédure d'arbitrage sont déterminées par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil national des barreaux " ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier, notamment des visas du décret attaqué, que ce texte a fait l'objet, préalablement à son adoption, d'un avis du Conseil national des barreaux conformément aux prescriptions rappelées ci-dessus ;

5. Considérant, en dernier lieu, que ni les dispositions de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971, citées au point 1 et éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 28 mars 2011, ni le respect du principe d'autonomie des conseils de l'ordre rappelé au point 2 ne font obstacle à ce que la fonction de vice-bâtonnier soit exclusive, comme celle de bâtonnier, de celle de membre du conseil de l'ordre alors même que le vice-bâtonnier siège au sein de cette instance avec voix consultative voire, le cas échéant, qu'il est amené à la présider en cas d'absence ou d'empêchement du bâtonnier ; que, dès lors, en interdisant le cumul de ces deux fonctions pendant la durée du mandat du vice-bâtonnier, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la portée des dispositions des articles 15 et 53 de la loi du 31 décembre 1971 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ordre des avocats au barreau de Paris n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ordre des avocats au barreau de Paris est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ordre des avocats au barreau de Paris, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357175
Date de la décision : 26/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2013, n° 357175
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357175.20130626
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