Vu l'ordonnance n° 1104633 du 21 novembre 2011, enregistrée le 24 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée devant ce tribunal par Mme A... ;
Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2011 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, présentée par Mme A ; Mme A demande au juge administratif :
1°) de condamner l'université Paul Valéry de Montpellier III à lui verser la somme de 134 396,66 euros, ainsi que les intérêts de droit, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la délibération du 3 juin 2008 par laquelle le conseil d'administration de cette université, dans le cadre de la procédure de recrutement d'un professeur des universités, n'a pas retenu sa candidature ;
2°) de mettre à la charge de l'université Paul Valéry de Montpellier III la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Guichon, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'université Paul-Valéry de Montpellier III ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, maître de conférences, s'est portée candidate en 2008 au concours ouvert à l'effet de pourvoir un poste de professeur des universités en " géographie humaine et sociale " à l'université Paul Valéry de Montpellier III ; que sa candidature a été retenue en seconde position par la commission de spécialistes ; que, par une délibération du 3 juin 2008, le conseil d'administration de l'université a proposé la nomination de la seule personne classée en premier rang par la commission de spécialistes, sans retenir la candidature de Mme A ; que, par une décision du 13 janvier 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cette délibération du conseil d'administration, au motif que celui-ci s'était notamment fondé sur les mérites respectifs des candidats et n'expliquait pas devant le juge en quoi Mme A ne présentait pas le profil requis pour le poste ouvert ; qu'à la suite de cette annulation, le conseil d'administration de l'université, par une nouvelle délibération du 16 mars 2010, a de nouveau proposé la nomination de la seule personne classée en premier rang par la commission de spécialistes ; que Mme A, bien que ne contestant pas cette nouvelle délibération, demande réparation du préjudice causé par l'illégalité de la délibération initiale ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 22 février 2010 : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : / (...) 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3e alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat " ; que ces dispositions donnent compétence au Conseil d'Etat pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics qu'elles mentionnent, qu'il s'agisse des litiges relatifs aux décisions des autorités administratives prises en matière de recrutement et de discipline ou des litiges indemnitaires relatifs à la réparation du préjudice que ces décisions auraient causé ; que, par suite, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de la requête de Mme A tendant à obtenir réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de l'illégalité de la délibération qui a écarté sa candidature à un poste de professeur des universités ;
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Considérant que l'illégalité de la délibération du 3 juin 2008 du conseil d'administration de l'université Paul Valéry de Montpellier III constitue une faute de nature à engager la responsabilité de celle-ci ; que Mme A est en droit d'obtenir réparation des préjudices directs et certains ayant résulté pour elle de cette délibération ;
4. Considérant que, si Mme A présente une demande d'indemnisation au titre d'une minoration des revenus qui lui seront versés à l'occasion de la liquidation de sa pension de retraite, son moyen n'est pas assorti des éléments qui permettraient d'établir le caractère certain du préjudice allégué ; que, si elle invoque également un préjudice matériel et à des troubles dans les conditions d'existence à raison de la période durant laquelle elle a été, à sa demande, placée en disponibilité pour convenances personnelles, entre le 1er septembre 2008 et le 31 août 2009, il ne résulte pas de l'instruction que cette mise en disponibilité aurait été la conséquence directe de la délibération annulée ; que, par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation de ces chefs de préjudice ; qu'en revanche, la délibération illégale du 3 juin 2008 a été la cause pour Mme A d'un préjudice moral ;
5. Considérant que Mme A soutient que la délibération illégale du conseil d'administration de l'université Paul Valéry de Montpellier III l'a privée d'une chance sérieuse d'être nommée sur le poste auquel elle s'était portée candidate et fait notamment valoir, à cette fin, que la personne classée première par la commission de spécialistes a renoncé au bénéfice du concours et qu'elle se trouvait, du fait de cette défection, classée en première position par la commission de spécialistes ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la personne classée en premier rang par la commission de spécialistes de l'université Paul Valéry de Montpellier III a effectivement choisi une autre affectation, et été nommée professeur des universités à l'université de Rouen par un décret du 9 décembre 2008 ; que l'université fait cependant valoir que son conseil d'administration était en tout état de cause fondé à rejeter la candidature de Mme A, dès lors que les travaux de l'intéressée, qui portaient sur le lien entre la ville et son environnement, et plus particulièrement sur les risques urbains, en outre exclusivement en Ethiopie, n'étaient pas en adéquation avec le poste à pourvoir et ne correspondaient pas à la stratégie développée par l'université ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le poste à pourvoir, ouvert sous l'intitulé " géographie humaine et sociale ", était situé au sein d'une unité dont le projet scientifique comportait trois axes de recherche incluant les thématiques environnementales et urbaines, qui correspondaient au champ scientifique des travaux de Mme A ; que si ces travaux portaient, pour l'essentiel, sur l'Ethiopie, cette circonstance n'était pas de nature à les faire regarder comme étant en inadéquation avec le poste proposé ; qu'il ressort d'ailleurs des rapports présentés devant la commission de spécialistes sur la candidature de l'intéressée que les titres, travaux et activités de Mme A n'étaient pas en inadéquation avec le poste à pourvoir et la stratégie de l'établissement ; que, dans ces conditions, celle-ci doit être regardée comme ayant été privée d'une chance sérieuse d'occuper un emploi de professeur des universités du 1er septembre 2008 au 1er septembre 2010, date à laquelle elle a été nommée dans le corps des professeurs d'université à l'université de Paris VIII, et de percevoir le traitement correspondant à compter du 1er septembre 2009, à l'issue de sa mise en disponibilité ;
7. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, des préjudices matériels et moraux subis par Mme A en en fixant le montant global à 6 000 euros ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'université Paul Valéry de Montpellier III le versement à Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'université Paul Valéry de Montpellier III est condamnée à verser à Mme A la somme de 6 000 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision.
Article 2 : L'université Paul Valéry de Montpellier III versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'université Paul Valéry de Montpellier III au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... et à l'université Paul Valéry de Montpellier III.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.