Vu l'ordonnance n° 11PA02796 du 12 octobre 2011, enregistrée le 28 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme A...C..., épouseB... ;
Vu le pourvoi, enregistré le 21 juin 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, et le mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 juin 2012, présentés pour MmeB..., demeurant... ; qui demande :
1°) d'annuler le jugement n° 1000588/1 du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du Président de la Polynésie française n° 4286/PR du 2 septembre 2010 retirant l'arrêté du 12 mai 2010 lui accordant une bonification d'ancienneté et indiciaire ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la délibération n° 95-215 AT de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 décembre 1995 ;
Vu la délibération n° 98-128 APF de l'assemblée de la Polynésie française du 20 août 1998 ;
Vu la délibération n° 2010-3 APF de l'assemblée de la Polynésie française du 28 janvier 2010 ;
Vu l'arrêté n° 599/CM du président de la Polynésie française du 26 juin 2006 fixant la liste des titres et diplômes pouvant donner lieu au reclassement des fonctionnaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Gounin, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, avocat de MmeC..., et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Polynésie française ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...B..., infirmière relevant du cadre d'emploi des infirmiers de la Polynésie française, a, au terme d'une formation suivie en métropole, obtenu le diplôme d'Etat de puéricultrice le 17 décembre 2008 ; qu'elle a formé, le 25 janvier 2010, une demande tendant à ce qu'il lui soit fait application des articles 8, 9, 11 et 23 de la délibération du 20 août 1998 de l'assemblée de la Polynésie française portant statut particulier du cadre d'emploi des infirmiers de la fonction publique de la Polynésie française ; qu'en vertu d'un arrêté du Président de la Polynésie française du 12 mai 2010, pris sur le fondement de ces dispositions, elle a bénéficié, en raison de la possession du diplôme qui lui avait été ainsi décerné, d'une bonification d'ancienneté et d'une bonification indiciaire, avec effet au 20 août 2009 ; que toutefois, par un arrêté du 2 septembre 2010, le Président de la Polynésie française a rapporté son arrêté du 12 mai 2010 au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article 56 de la délibération du 14 décembre 1995 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française ; que Mme B...se pourvoit régulièrement en cassation contre le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 10 mai 2011 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2010 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la délibération du 20 août 1998, dont les dispositions sont applicables à MmeB... : " (...) les infirmiers relevant du présent statut peuvent bénéficier d'études promotionnelles permettant l'accès aux diplômes ou certificats de spécialité suivants: (...) - diplôme d'Etat de puéricultrice (...) " ; qu'aux termes de l'article 23 de cette même délibération : " Les fonctionnaires ayant obtenu, à la fin de leur formation, l'un des diplômes cités à l'article 19 ci-dessus, bénéficient de la bonification indiciaire précisée à l'article 8 ci-dessus et de la bonification d'ancienneté dans les conditions fixées à l'article 11 de la présente délibération " ;
3. Considérant que l'arrêté du 26 juin 2006 du Président de la Polynésie française fixant la liste des titres et diplômes pouvant donner lieu au reclassement des fonctionnaires, pris pour l'application de l'article 56 de la délibération du 14 décembre 1995, n'autorise le reclassement sans concours des fonctionnaires de la Polynésie française dans la branche paramédicale qu'au profit des titulaires du diplôme d'Etat d'infirmier et non des titulaires du diplôme d'Etat de puéricultrice ; que, toutefois, ces dispositions n'étaient pas applicables à Mme B...dès lors que celle-ci ne sollicitait pas le reclassement prévu à l'article 56 de la délibération du 14 décembre 1995 mais le bénéfice de la bonification indiciaire et de la bonification d'ancienneté instituées par la délibération du 20 août 1998 ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article 56 de la délibération du 14 décembre 1995 faisaient obstacle à ce qu'il soit fait application à Mme B...des dispositions de la délibération du 20 août 1998, le tribunal administratif de la Polynésie française a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de MmeB..., le jugement attaqué doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., après avoir obtenu le diplôme d'Etat de puéricultrice, a été affectée au centre de consultations spécialisés en protection infantile de la direction de la santé de la Polynésie française le 20 août 2009 ; que les droits de l'intéressée devant s'apprécier à la date de la reprise de ses fonctions, après obtention de son diplôme, au sein du service public hospitalier de la Polynésie française, elle remplissait les conditions lui permettant de bénéficier des bonifications indiciaire et d'ancienneté prévues par l'article 23 de la délibération du 20 août 1998, dont le président de la Polynésie française lui a reconnu le bénéfice par son arrêté du 12 mai 2010, qui était créateur de droits ; que cet arrêté n'étant pas entaché d'illégalité, le président de la Polynésie française ne pouvait légalement le retirer ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2010 procédant à ce retrait ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la Polynésie française à ce titre ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 4 000 euros à verser à Mme B...au titre de la procédure engagée tant devant le Conseil d'Etat que devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement n° 1000588/1 du tribunal administratif de la Polynésie française du 10 mai 2011 et l'arrêté du Président de la Polynésie française du 2 septembre 2010 sont annulés.
Article 2 : La Polynésie française versera à Mme B...une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C...épouse B...et à la Polynésie française.