La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2013 | FRANCE | N°356483

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 19 juin 2013, 356483


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 7 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10VE04086 du 18 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à la requête de la société Federal Express Corporation (FEDEX), a annulé le jugement n° 0806358 du 19 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de l'inspecteur du travail et des tran

sports autorisant son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de la ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 7 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10VE04086 du 18 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à la requête de la société Federal Express Corporation (FEDEX), a annulé le jugement n° 0806358 du 19 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de l'inspecteur du travail et des transports autorisant son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de la société FEDEX une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de donner acte à la SCP Thouin-Palat-Boucard de ce que, dans cette hypothèse, elle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle, dans les conditions prévues aux articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, Auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A...et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Fédéral Express Corporation ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 12 octobre 2007, la société Federal Express Corporation (FEDEX) a demandé l'autorisation de licencier pour faute grave M.A..., agent d'encadrement, délégué syndical, auquel il était reproché une agression physique sur un collègue ; que, par une décision du 13 novembre 2007, l'inspecteur du travail et des transports, se fondant sur ce que la matérialité du fait reproché était établie et que ce fait ne permettait pas le maintien du lien contractuel, a accordé l'autorisation demandée ; que par un jugement du 19 octobre 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision au motif que l'inspecteur du travail et des transports ne s'était pas prononcé sur la gravité des faits, qu'il ne s'était pas placé sur le bon terrain pour exercer son contrôle et que la faute n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; que M. A...se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qui a annulé le jugement du tribunal administratif ;

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail, devenu article R. 2421-5 : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) " ; que cette motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; qu'à ce titre, il incombe à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande de licenciement motivée par un comportement fautif, d'exposer les faits reprochés au salarié de manière suffisamment précise et de rechercher si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision par laquelle l'inspecteur du travail et des transports a autorisé le licenciement pour faute de M.A..., représentant syndical au comité d'entreprise et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, se bornait à relever, d'une part, que la matérialité des faits reprochés était établie, sans préciser la nature de ceux-ci ; d'autre part, que les faits reprochés interdisaient le maintien du lien contractuel sans indiquer si leur gravité justifiait le licenciement de l'intéressé ; que la cour ne pouvait sans erreur de droit juger que cette motivation était suffisante ; que, par suite, l'arrêt attaqué doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que la circonstance que M. A...ait introduit son recours contentieux contre la décision de l'inspecteur du travail et des transports avant que le ministre ait statué sur son recours hiérarchique n'a pas empêché ce recours hiérarchique de suspendre le délai de recours contentieux ; qu'ainsi, comme l'a jugé le tribunal administratif, la demande de première instance n'était pas tardive ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le tribunal administratif, pour annuler la décision attaquée, s'est fondé à bon droit sur ce que l'inspecteur du travail et des transports, en retenant que le comportement du salarié rendait impossible la poursuite du contrat de travail sans se prononcer sur la gravité des faits et en se méprenant sur la nature du contrôle qu'il lui convenait d'exercer dans le cadre de la demande de licenciement pour faute qui lui était présentée, avait insuffisamment motivé sa décision ; que, s'il est également soutenu que le tribunal a, à tort, jugé que l'agression physique à laquelle s'est livrée M. A...ne constituait pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, ce moyen ne saurait en tout état de cause être accueilli dès lors que le tribunal administratif a, par le motif tiré de l'insuffisante motivation, légalement justifié le dispositif de son jugement ; que par suite, la société FEDEX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision de l'inspecteur du travail l'autorisant à licencier M. A...;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A...le versement de la somme que demande la société FEDEX ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société FEDEX la somme de 3 500 euros demandés par M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1 : L'arrêt de la cour administrative de Versailles en date du 18 octobre 2011 est annulé.

Article 2 : La requête de la société FEDEX tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 octobre 2010 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société FEDEX tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la société Federal Express Corporation (FEDEX).

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 356483
Date de la décision : 19/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2013, n° 356483
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin de Maillard
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:356483.20130619
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award