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10/06/2013 | FRANCE | N°293478

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 10 juin 2013, 293478


Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 30 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur le pourvoi présenté pour la société Véléclair, représentée par son liquidateur MeA..., tendant à l'annulation de l'arrêt du 27 février 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur son appel tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estime disposer au 31 décembre 1997 et à ce que soit ac

cordé le remboursement demandé, d'une part, décidé qu'il n'y avait ...

Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 30 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur le pourvoi présenté pour la société Véléclair, représentée par son liquidateur MeA..., tendant à l'annulation de l'arrêt du 27 février 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur son appel tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estime disposer au 31 décembre 1997 et à ce que soit accordé le remboursement demandé, d'une part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Véléclair à concurrence de la somme de 399 786,50 euros et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : le paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la sixième directive permet-il à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne '

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Véléclair ;

1. Considérant que, dans l'arrêt du 29 mars 2012 par lequel elle s'est prononcée sur la question dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 17, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 doit être interprété en ce sens qu'il ne permet pas à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation au paiement effectif préalable de cette taxe par le redevable lorsque ce dernier est également le titulaire du droit à déduction ;

2. Considérant qu'il en résulte que la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions du II de l'article 271 précitées du code général des impôts, en tant qu'elles subordonnent le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due à l'importation à sa perception effective préalable par l'administration ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la directive du 17 mai 1977 ; que, par suite, il y a lieu d'annuler son arrêt en tant qu'après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, il a rejeté le surplus des conclusions de la société tendant au remboursement d'un crédit de taxe d'un montant de 335 650,58 euros ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour refuser à la société Véléclair le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle s'estimait titulaire au 31 décembre 1997 à raison du rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée à l'importation opéré par l'administration des douanes, l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur l'absence de paiement effectif préalable de cette taxe par la société requérante ;

5. Considérant, toutefois, que l'administration soutient, pour la première fois devant le Conseil d'Etat, que la demande de remboursement présentée par le mandataire liquidateur de la société requérante devait, en tout état de cause, être rejetée dès lors que, en raison de la forclusion de la créance de l'Etat qui n'avait pas été déclarée à titre définitif dans les douze mois de la publication du redressement judiciaire de la société Véléclair, la taxe dont la société était redevable n'était plus exigible ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'une créance qui n'a pas été déclarée dans les délais prévus par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire et qui n'a pas fait l'objet d'un relevé de forclusion est éteinte ; que, par une ordonnance du 12 février 1999, le juge commissaire a constaté la forclusion de la créance de l'administration constituée par la taxe sur les importations réalisées par la société au motif qu'elle n'avait pas été déclarée à titre définitif dans les douze mois de la publication, le 8 mars 1997, du redressement judiciaire de la société ; que cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 février 2000 et que le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt par l'administration a été rejeté par la Cour de cassation le 8 juillet 2003 ; qu'ainsi la taxe sur la valeur ajoutée sur les importations n'était plus due, au sens du paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la sixième directive, après la date du 8 mars 1998 ;

7. Considérant que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée fait obstacle à ce qu'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée soit acceptée lorsque la taxe n'est plus exigible ; que le droit au remboursement d'un crédit de taxe doit s'apprécier non à la date à laquelle le contribuable a présenté sa demande de remboursement, mais à celle à laquelle l'administration prend sa décision sur cette demande ; que la demande de remboursement du crédit de taxe a été présentée par le mandataire liquidateur de la société le 31 janvier 1998, alors que le délai de forclusion pour présenter la créance de l'Etat expirait le 8 mars 1998 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'à cette dernière date, la taxe sur les importations ouvrant droit à ce crédit de taxe n'était plus due par la société ; qu'ainsi, la décision de l'administration rejetant cette demande étant postérieure au 8 mars 1998, la société n'avait plus de droit au remboursement du crédit de taxe qu'elle réclamait ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la société invoque sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales le bénéfice de la doctrine exprimée dans la documentation administrative de base référencée 3 D 114 relative à la naissance du droit à déduction ; que cette doctrine se bornant à commenter la loi fiscale, elle ne peut être regardée comme contenant une interprétation par l'administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement de cet article ; que, par ailleurs, les paragraphes 4 et 5 de la documentation administrative de base référencée 3 D 1212 sur les modalités d'exercice de ce droit n'énoncent pas, contrairement à ce que soutient la société, que le droit à déduction de la taxe naît de la seule production des justificatifs désignant une société comme destinataire des biens au titre desquels elle revendique la déduction de la taxe ;

9. Considérant, enfin, que si la société requérante soutient que la fraction de la taxe correspondant aux crédits de taxe dont elle n'a pu obtenir le remboursement a été payée pour son compte par une société tierce en exécution d'un protocole transactionnel, elle ne produit ni ce protocole, ni des attestations signées par l'administration établissant la réalité de ce règlement ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Véléclair n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 27 février 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la requête de la société Véléclair tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande de restitution de la somme de 335 650,58 euros et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Societe Veleclair et au Ministere De L'economie Et Des Finances


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 293478
Date de la décision : 10/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. REMBOURSEMENTS DE TVA. - DEMANDE DE REMBOURSEMENT D'UN CRÉDIT DE TVA - REJET LORSQUE LA TAXE N'EST PLUS EXIGIBLE - EXISTENCE, EN VERTU DU PRINCIPE DE NEUTRALITÉ DE LA TVA - APPRÉCIATION DU DROIT AU REMBOURSEMENT - DATE DE PRÉSENTATION DE LA DEMANDE - ABSENCE - DATE DE LA DÉCISION DE L'ADMINISTRATION SUR CETTE DEMANDE - EXISTENCE.

19-06-02-08-03-06 Le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fait obstacle à ce qu'une demande de remboursement de crédit de TVA soit acceptée lorsque la taxe n'est plus exigible. Le droit au remboursement d'un crédit de taxe doit s'apprécier non à la date à laquelle le contribuable a présenté sa demande de remboursement, mais à celle à laquelle l'administration prend sa décision sur cette demande.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2013, n° 293478
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie Deligne
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:293478.20130610
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