Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mars et 5 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS Morgère dont le siège est 10, avenue Louis Martin à Saint-Malo (35400) ; la SAS Morgère demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT02481 du 29 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, d'une part, annulé le jugement n° 093311 du 30 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 13 mars 2009 modifiant la liste des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante en tant qu'il l'inscrit sur cette liste pour la période allant de 1970 à 1996 et, d'autre part, rejeté la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Chrystelle Naudan-Carastro, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Sas Morgère ;
Sur les conclusions du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de la SAS Morgère :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, applicable à l'introduction du pourvoi en cassation en vertu de l'article R. 821-6 du même code : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement " ;
2. Considérant qu'un mémoire complémentaire présenté pour la SAS Morgère a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 juin 2012, soit avant l'expiration du délai de trois mois, qui est un délai franc, suivant l'enregistrement du pourvoi sommaire de la société le 5 mars 2012 ; qu'ainsi, les conclusions du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de la société requérante doivent être rejetées ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif ; / 2° Avoir atteint un âge déterminé, qui pourra varier en fonction de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1° sans pouvoir être inférieur à cinquante ans ; / 3° S'agissant des salariés de la construction et de la réparation navales, avoir exercé un métier figurant sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage ou de calorifugeage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période considérée une part significative de l'activité de ces établissements ;
4. Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2010 et juger que le ministre avait fait une exacte application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 en inscrivant la SAS Morgère sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé que la société devait être regardée comme un établissement de construction et de réparation navales, n'a pas recherché si l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage ou de calorifugeage à l'amiante avaient représenté une part significative de l'activité de l'établissement mais s'est fondée sur la circonstance que plusieurs salariés avaient été appelés à effectuer des travaux sur des éléments contenant de l'amiante ou avaient été exposés à l'amiante ; qu'elle a, ainsi, commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SAS Morgère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les conclusions du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement du pourvoi sont rejetées.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 29 décembre 2011 est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 4 : L'Etat versera à la SAS Morgère une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SAS Morgère et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.