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27/05/2013 | FRANCE | N°341163

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 27 mai 2013, 341163


Vu, 1° sous le n° 341163, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 5 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Saint-Gobain Emballage, dont le siège est 18, avenue d'Alsace à Courbevoie (92400) ; la société Saint-Gobain Emballage demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09BX01096 du 11 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, a annulé le jugement n° 0700556 du 11 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de son comi

té d'établissement tendant à l'annulation de la décision du 9 janv...

Vu, 1° sous le n° 341163, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 5 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Saint-Gobain Emballage, dont le siège est 18, avenue d'Alsace à Courbevoie (92400) ; la société Saint-Gobain Emballage demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09BX01096 du 11 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, a annulé le jugement n° 0700556 du 11 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de son comité d'établissement tendant à l'annulation de la décision du 9 janvier 2007 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a refusé de faire droit à sa demande de classement de l'établissement de Cognac, pour la période de 1964 à 1997, sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et, d'autre part, a annulé cette décision ;

Vu, 2° sous le n° 341625, le pourvoi, enregistré le 16 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09BX01096 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 11 mai 2010 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chrystelle Naudan-Carastro, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Saint-Gobain Emballage et à Me Blondel, avocat du comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage ;

1. Considérant que les pourvois de la société Saint-Gobain Emballage et du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le comité d'établissement de l'usine de Cognac de la société Saint-Gobain Emballage a demandé l'inscription de ce site sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ouvrant droit à une allocation de cessation anticipée d'activité, prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 ; que le ministre chargé du travail ayant refusé de faire droit à cette demande par une décision du 9 janvier 2007, le comité d'établissement en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Poitiers, puis a fait appel du jugement de ce tribunal du 11 mars 2009 rejetant sa demande comme irrecevable ; que la société Saint-Gobain Emballage et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 11 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 11 mars 2009, a annulé la décision du ministre chargé du travail du 9 janvier 2007 ;

Sur la prétendue intervention de la société Saint-Gobain Emballage :

3. Considérant que la société Saint-Gobain Emballage, partie à l'instance devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué ; que le pourvoi en cassation dont elle a d'ailleurs saisi le Conseil d'Etat a été formé dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, le mémoire présenté pour la société Saint-Gobain Emballage à l'appui du pourvoi du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a le caractère non d'une intervention mais d'un nouveau mémoire à l'appui de son propre pourvoi ;

Sur l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;

5. Considérant qu'il ressort des écritures produites devant le tribunal administratif dans le délai de recours contentieux que le comité d'établissement indiquait former " recours contentieux de la décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement " notifiée le 9 janvier 2007 et soutenait que le ministre s'était fondé à tort sur le secteur d'activité de l'établissement, alors que l'activité réelle du site reposait de façon très conséquente sur l'utilisation de l'amiante à des fins de calorifugeage ; que, par suite, la cour n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative en jugeant que la demande de première instance satisfaisait aux exigences de cet article ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 9 janvier 2007 :

6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté, sur la période en cause, une part significative de l'activité de ces établissements ;

7. Considérant que pour annuler le refus du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement d'inscrire, pour la période de 1964 à 1997, l'établissement de Cognac sur la liste mentionnée au 1° du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir relevé que les opérations de calorifugeage, consistant essentiellement en des travaux d'application et de retrait de moyens d'isolation thermique des fours contenant de l'amiante, avaient constitué une part significative de l'activité de cet établissement, a jugé sans incidence " les circonstances selon lesquelles l'utilisation de moyens d'isolation thermique contenant de l'amiante aurait progressivement cessé à partir de 1975 " ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération la réduction du recours à l'amiante après cette date, afin de déterminer la période au cours de laquelle les opérations de calorifugeage à l'amiante ont représenté une part significative de l'activité de l'établissement en cause, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que l'article 2 de son arrêt doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des pourvois dirigés contre ce même article, être annulé ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

9. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

10. Considérant que la décision du 9 janvier 2007, par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a refusé d'inscrire l'établissement Saint-Gobain Emballage de Cognac sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour la période de 1964 à 1997, se fonde sur le motif tiré de ce que cet établissement relevait du secteur de la fabrication de bouteilles en verre et ne pouvait, à ce titre, être considéré comme ayant une activité entrant dans le champ du dispositif mis en place par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte des dispositions de cet article que doivent être inscrits sur la liste qu'il prévoit les établissements dans lesquels les opérations de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements, alors même qu'elles ne constitueraient pas leur activité principale ; que, par suite, le motif retenu par la décision attaquée est entaché d'erreur de droit ;

11. Considérant cependant que, pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre chargé du travail invoque, dans son mémoire en défense communiqué au comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage, un autre motif, tiré de ce que les opérations de calorifugeage à l'amiante ne pouvaient être regardées comme ayant représenté une part significative de l'activité de l'établissement ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que des salariés de l'établissement ont réalisé des opérations de calorifugeage à l'amiante, soit en utilisant de l'asbestex sur certains équipements confectionnés en atelier et installés sur les machines de l'usine, soit en intervenant lors des travaux de réfection ou de grosses réparations des fours comportant des calorifugeages à l'amiante, soit en utilisant des cordons d'amiante pour fabriquer des embouts de pinces ; que, toutefois, si l'activité de calorifugeage avait, entre 1976 et 1997, concerné en moyenne 35 % de l'effectif cumulé de l'établissement, seuls 6 % au plus des salariés ont exercé une telle activité de façon habituelle, les autres salariés n'ayant effectué des opérations de calorifugeage que de façon très occasionnelle ; que, par suite, cette activité ne peut être considérée, compte tenu de la fréquence des opérations de calorifugeage à l'amiante et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, comme revêtant un caractère significatif sur cette période ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision, pour la période de 1976 à 1997, s'il s'était fondé sur ce motif, qui est de nature à fonder légalement la décision attaquée ; qu'en revanche, en l'absence d'élément relatif à la période de 1964 à 1975, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait pris la même décision pour cette dernière période s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; que, dès lors, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée, qui ne prive le comité d'entreprise d'aucune garantie procédurale, pour la seule période de 1976 à 1997 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage n'est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision attaquée qu'en tant qu'elle refuse d'inscrire l'établissement Saint-Gobain Emballage de Cognac sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour la période de 1964 à 1975 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Saint-Gobain Emballage et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que le comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage demande à ce titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 11 mai 2010 est annulé.

Article 2 : La décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 9 janvier 2007 est annulée en tant qu'elle refuse d'inscrire l'établissement Saint-Gobain Emballage de Cognac sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour la période de 1964 à 1975.

Article 3 : Le surplus des conclusions de cassation de l'Etat et de la société Saint-Gobain Emballage est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel du comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Saint-Gobain Emballage, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et au comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 341163
Date de la décision : 27/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mai. 2013, n° 341163
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Chrystelle Naudan-Carastro
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : BLONDEL ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:341163.20130527
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