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29/04/2013 | FRANCE | N°357584

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 29 avril 2013, 357584


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 12 juin 2012, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11/00001 du 9 novembre 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Reims a, sur appel du ministre de la défense, d'une part, infirmé le jugement du 1er décembre 2008 du tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or lui accordant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant chef de l'armée de terre, en fonction de l'indice du

grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale à...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 12 juin 2012, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11/00001 du 9 novembre 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Reims a, sur appel du ministre de la défense, d'une part, infirmé le jugement du 1er décembre 2008 du tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or lui accordant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant chef de l'armée de terre, en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale à compter du 1er janvier 2004, et, d'autre part, rejeté comme irrecevable sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le ministre de la défense ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a demandé le 13 janvier 2007 au ministre de la défense de recalculer la pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée à titre définitif par un arrêté du 6 août 2001 en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; que, par un courrier du 8 février 2007, le ministre lui a indiqué qu'il recherchait les moyens de donner une suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; qu'en l'absence d'autre réponse, M. B...a saisi le 30 novembre 2007 le tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or d'un recours contre le rejet qui avait été implicitement opposé à sa demande ;

Considérant que la décision par laquelle le ministre chargé des anciens combattants accepte ou refuse la revalorisation d'une pension militaire d'invalidité, de même que l'arrêté initial de concession de la pension, a le caractère d'une décision administrative dont il appartient au juge de connaître ; qu'ainsi, en estimant, que la recherche invoquée par l'administration dans sa réponse du 8 février 2007 participait de la fonction législative et que, partant, la demande présentée par M. B...était dirigée contre un acte de gouvernement et n'était pas susceptible de recours, la cour régionale des pensions de Reims a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il incombe au Conseil d'Etat, en vertu du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice, de régler l'affaire au fond ;

Sur l'appel du ministre de la défense :

Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit, que la décision par laquelle le ministre chargé des anciens combattants accepte ou refuse la revalorisation d'une pension militaire d'invalidité, de même que l'arrêté initial de concession de la pension, a le caractère d'une décision administrative dont il appartient au juge de connaître ; que, dès lors, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que la requête présentée par M. B...serait dirigée contre un acte de gouvernement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " La notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours " ; qu'ainsi, le délai de recours contentieux de six mois prévu à l'article 5 du décret du 20 février 1959 court du jour où la décision prise en application du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre a été notifiée au pensionné dans les formes prévues à l'article L. 25 du même code ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté du 6 août 2001 portant concession à M. B...d'une pension militaire d'invalidité au taux de 55 % à compter du 27 janvier 1995 aurait été régulièrement notifié à l'intéressé ; que, par suite, le délai de recours contentieux contre cet arrêté n'était pas expiré lorsque M. B...a saisi le tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or, le 30 novembre 2007, d'un recours tendant à obtenir la réformation de l'arrêté lui ayant concédé cette pension ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le recours contentieux formé le 30 novembre 2007 contre l'arrêté du 6 août 2001 serait tardif ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre du mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ;

Considérant que si, ainsi que le soutient le ministre, le motif invoqué par M. B... n'est pas au nombre de ceux qui permettent au titulaire d'une pension militaire d'invalidité d'obtenir la révision d'une telle pension sans condition de délai, la demande de revalorisation adressée à l'administration par ce dernier doit s'analyser comme un recours gracieux contre la décision prise sur sa demande de pension ; qu'ainsi qu'il a été dit, le délai de recours contentieux contre l'arrêté du 6 août 2001 n'était pas expiré lorsque M. B...a saisi le tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or d'un recours tendant à obtenir la réformation de l'arrêté lui ayant concédé cette pension ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or a fait droit à la demande de revalorisation de sa pension de M. B...à compter du 1er janvier 2004 ;

Sur l'appel incident de M. B...:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages, afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures " ;

Considérant qu'un recours contentieux directement formé contre un arrêté de concession de pension en vue d'en remettre en cause le montant implique nécessairement, s'il est accueilli, que l'administration procède, en prenant un nouvel arrêté, à une nouvelle liquidation de la pension ; que par suite lorsque, comme en l'espèce, le titulaire d'une pension est recevable à saisir le juge d'un recours contre un arrêté de concession qui n'avait pas fait l'objet d'une notification comportant l'indication des voies de recours, la demande ainsi présentée doit être regardée comme une demande de liquidation de pension, au sens de l'article L. 108 de ce code ; qu'il suit de là que l'administration est en pareille hypothèse en droit de lui opposer la prescription résultant de cette disposition, hormis le cas où le délai mis par l'intéressé à présenter une telle demande ne serait pas imputable à son fait personnel ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une circonstance particulière ait empêché M. B...de se prévaloir, avant l'expiration de la troisième année suivant celle de l'entrée en jouissance normale de sa pension d'invalidité, de ce que l'indice qui lui était appliqué était inférieur à celui fixé, à grade équivalent, pour les personnels de la marine nationale et qu'une telle différence de traitement était contraire au principe d'égalité ; que, par suite, il ne peut prétendre, en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle il a présenté sa demande de revalorisation ainsi qu'aux trois années antérieures ; que cette demande n'ayant été présentée à l'administration que le 13 janvier 2007, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions de la Côté d'Or a fixé la prise d'effet de la revalorisation de sa pension au 1er janvier 2004 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Waquet-Farge-Hazan de la somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Reims du 9 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : L'appel du ministre de la défense et l'appel incident de M. B...dirigés contre le jugement du 1er décembre 2008 du tribunal départemental des pensions de la Côte d'Or sont rejetés.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat de M.B..., une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 357584
Date de la décision : 29/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2013, n° 357584
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Camille Pascal
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357584.20130429
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