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24/04/2013 | FRANCE | N°352592

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24 avril 2013, 352592


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 12 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole, dont le siège est au Domaine de Chantegalet à Valensole (04210) ; le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA02014 du 11 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0605637 du 6 avril 2009 par lequel le tri

bunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annula...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 12 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole, dont le siège est au Domaine de Chantegalet à Valensole (04210) ; le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA02014 du 11 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0605637 du 6 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2006 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a autorisé la société TEM à construire et exploiter un centre de stockage de déchets ultimes non dangereux sur le territoire de la commune de Valensole, au lieudit "Les Serraires" et, d'autre part, à l'annulation de cet arrêté ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la société TEM et de la société CSDU 04 une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 1991/689/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 ;

Vu la directive 1999/31/CE du Conseil du 29 avril 1999 ;

Vu la décision de la Commission n° 2000/532/CE du 3 mai 2000 ;

Vu la décision du Conseil n° 2003/33/CE du 19 décembre 2002 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu l'arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux installations de stockage des déchets non dangereux ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole, et de la SCP Laugier, Caston, avocat de la société TEM et de la société CSDU 04,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole, et à la SCP Laugier, Caston, avocat de la société TEM et de la société CSDU 04 ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par un arrêté du 18 avril 2006, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a délivré à la société TEM une autorisation de construire et d'exploiter un centre de stockage de déchets ultimes non dangereux sur le territoire de la commune de Valensole, au lieu-dit " Les Serraires ", dans le parc naturel régional du Verdon ; que, par un jugement du 6 avril 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande du Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par un arrêt du 11 juillet 2011, contre lequel le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 516-1 du code de l'environnement : " La mise en activité (...) des installations de stockage de déchets est subordonnée à la constitution de garanties financières./ Ces garanties sont destinées à assurer, suivant la nature des dangers ou inconvénients de chaque catégorie d'installations, la surveillance du site et le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture.(...) " ; qu'aux termes de l'article 2-1 du décret du 21 septembre 1977, alors applicable et désormais codifié à l'article R. 512-5 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation porte sur une installation mentionnée à l'article 23-2, elle précise en outre les modalités des garanties financières exigées à l'article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution" ; qu'eu égard à l'objet de l'obligation prescrite par l'article 2-1 du décret du 21 septembre 1977 et au stade de la procédure auquel elle s'applique, en jugeant que la mention figurant dans le dossier de demande selon laquelle ce délai sera fixé par l'arrêté d'autorisation, assortie de la précision " généralement un an ", était suffisante au regard des exigences de l'article 2-1 du décret du 21 septembre 1977, la cour administrative d'appel de Marseille n'a entaché son arrêt d'aucune dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en estimant que l'étude d'impact procédait à une analyse suffisante de l'hydrogéologie du secteur et que le requérant n'établissait pas que la perméabilité du site était incompatible avec l'implantation du centre de stockage projeté, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation ;

4. Considérant, en troisième lieu, que l'article 3 du décret du 21 septembre 1977, désormais codifié aux articles R. 512-6 à R. 512-9 du code de l'environnement, dresse la liste des pièces qui doivent être jointes à la demande d'autorisation et en précise le contenu ; que le 6° de cet article dispose que ces pièces portent sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à en modifier les dangers ou inconvénients ;

5. Considérant que si le b) du 4° du même article 3 prévoit que l'étude d'impact doit comporter une analyse des effets directs et indirects de l'installation sur l'ensemble de son environnement, les dispositions du 6° de cet article rappelées ci-dessus, qui s'appliquent à toutes les pièces jointes à la demande d'autorisation, n'imposent une analyse des effets cumulés de l'installation projetée avec d'autres installations que si ces dernières sont exploitées ou projetées par le demandeur ; que, par suite, en jugeant inopérant, au regard de ces dernières dispositions, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact était incomplète faute de procéder à une analyse des effets cumulés du projet avec les installations existantes situées à proximité, dès lors que ces dernières n'étaient pas exploitées par le pétitionnaire, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole soutient qu'en écartant le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'article 4 de l'arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux installations de stockage des déchets non dangereux, en tant qu'il autorise le dépôt dans ces installations de déchets contenant de l'" amiante lié " alors que les déchets d'amiante sont classés comme dangereux par l'annexe II de l'article R. 541-8 du code de l'environnement, la cour aurait commis une erreur de droit ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la décision 2000/532/CE de la Commission du 3 mai 2000 établissant la liste des déchets classés comme dangereux pour l'application de la directive 1991/689/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 relative aux déchets dangereux, transposée notamment en droit interne par l'annexe II à l'article R. 512-8 du code de l'environnement, que les déchets contenant de l' " amiante lié " doivent être regardés comme des déchets dangereux ; que l'article 6, point c), iii) de la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets prévoit toutefois que certains déchets dangereux stables et non réactifs peuvent être admis sans essai dans les décharges pour déchets non dangereux sous certaines conditions, précisées notamment à l'annexe II de cette directive ; que les dispositions du 2.3.3. de l'annexe à la décision 2003/33/CE du Conseil du 19 décembre 2002 établissant des critères et des procédures d'admission des déchets dans les décharges définissent, conformément aux principes définis dans la directive 1999/31/CE, les critères selon lesquels des déchets d'amiante, classés dangereux par la décision 2000/532/CE du 3 mai 2000 déjà mentionnée, peuvent être admis dans les décharges pour déchets non dangereux ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 541-7-2 du code de l'environnement : " Le mélange de déchets dangereux de catégories différentes, le mélange de déchets dangereux avec des déchets non dangereux et le mélange de déchets dangereux avec des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont interdits. / Par dérogation à l'alinéa précédent, des opérations de mélanges peuvent être autorisées si elles sont réalisées dans une installation visée à l'article L. 511-1 soumise à autorisation ou à enregistrement, si l'opération de mélange s'effectue selon les meilleures techniques disponibles et, sans mettre en danger la santé humaine ni nuire à l'environnement, n'en aggrave pas les effets nocifs sur l'une et l'autre (...)." ; que l'article 4 de l'arrêté du 9 septembre 1997 dispose : " Les déchets qui peuvent être déposés dans une installation de stockage de déchets non dangereux sont les déchets municipaux, les déchets non dangereux de toute autre origine et les déchets d'amiante lié " ; que les articles 10 et 12 et l'annexe VI de cet arrêté imposent des prescriptions particulières aux déchets contenant de l' " amiante lié ", qui doivent notamment être stockés dans des casiers dédiés ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions du droit de l'Union européenne et du code de l'environnement qui viennent d'être rappelées que, alors même que les déchets d'amiante sont classés comme dangereux par la réglementation en vigueur, le dépôt de certains déchets dangereux stables et non réactifs tels que ceux contenant de l' " amiante lié " peut être admis dans des installations de stockage de déchets non dangereux, sous les réserves et dans les conditions qu'elles fixent ; que l'arrêté du 9 septembre 1997 comporte, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, diverses prescriptions destinées à assurer le respect de ces exigences ; que, par suite, le moyen mentionné au point 6 doit être écarté ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que pour écarter le moyen selon lequel la décision d'admettre des déchets d' " amiante lié " sur le site aurait, dès lors que le dossier de demande indiquait qu'il n'était pas envisagé de stockage de produits amiantifères sur le site, constitué une modification substantielle de l'installation ou de son mode d'utilisation, qui aurait, de ce fait, nécessité une nouvelle enquête publique, la cour s'est fondée, d'une part, sur les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 9 septembre 1997 précité qui, ainsi qu'il été dit ci-dessus, autorisent le dépôt dans des installations de stockage, sous certaines conditions, de déchets non dangereux en raison de leur stabilité et de leur caractère non-réactif, d'autre part, sur les prescriptions particulières imposées en l'espèce au pétitionnaire ; qu'en statuant ainsi, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier, qui est exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit ;

10. Considérant, en sixième lieu, que le juge de plein contentieux des installations classées prend en compte les règles de fond en vigueur à la date à laquelle il statue ; que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance, par l'autorisation litigieuse, de l'obligation de cohérence de celle-ci avec les orientations et mesures de la charte du parc naturel régional du Verdon résultant de l'article L. 333-1 du code de l'environnement, la cour s'est fondée sur la mesure C 5.5. de l'axe C de la charte arrêtée pour la période 2008-2020, applicable à la date à laquelle elle a statué, selon laquelle il est possible d'exploiter sur le territoire du parc un centre de stockage de déchets ultimes sous réserve que celui-ci ne soit pas implanté en zone karstique ; que ce faisant, la cour a porté une appréciation souveraine sur les faits de l'espèce et les pièces du dossier exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ;

11. Considérant, en septième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'environnement que les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) constituent un outil d'inventaire scientifique du patrimoine naturel ; que, si l'implantation d'un projet au sein d'une ZNIEFF constitue l'un des éléments d'appréciation des inconvénients de l'installation projetée pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, un tel inventaire est dépourvu par lui-même de portée juridique et n'est de ce fait pas opposable à une autorisation d'exploiter une installation classée ; que, par suite, la cour n'a entaché son arrêt sur ce point d'aucune erreur de droit ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'en jugeant, compte tenu des autres motifs de son arrêt écartant les moyens de la requérante tirés de diverses atteintes environnementales, qu'il ne résultait pas de l'instruction que le préfet aurait entaché l'arrêté litigieux d'une erreur d'appréciation au regard de l'intérêt écologique exceptionnel de la région et de l'ensemble environnemental formé par les gorges du Verdon, le lac de Sainte-Croix, le plateau de Valensole et leurs abords, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier sans les dénaturer ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la société TEM et de la société CSDU 04, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole la somme de 1 000 euros qui sera versée respectivement aux sociétés TEM et CSDU 04 au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole est rejeté.

Article 2 : Le Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole versera respectivement aux sociétés TEM et CSDU 04 une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole, aux sociétés TEM et CSDU 04 et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 352592
Date de la décision : 24/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2013, n° 352592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:352592.20130424
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