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12/04/2013 | FRANCE | N°354551

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 12 avril 2013, 354551


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2011 et 1er février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03932 du 5 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 0619303 du 15 juin 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contri

butions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2011 et 1er février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03932 du 5 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 0619303 du 15 juin 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M.B...,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle portant sur la déclaration de revenus souscrite par M. et Mme B... au titre de l'année 2000, l'administration a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités pour manoeuvres frauduleuses ; qu'elle s'est prévalue du délai spécial prévu à l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, alors en vigueur, et de ce qu'une instance pénale, mentionnée dans une proposition de rectification du 13 juin 2005, avait révélé l'insuffisance d'imposition en litige, relative à la réalisation de deux gains réalisés lors de la cession de valeurs mobilières, dont celui portant sur la vente des titres de la société World Net ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 15 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions en décharge des impositions supplémentaires auxquelles il est resté assujetti à raison de la seule cession de ces titres ;

2. Considérant, en premier lieu, que, pour l'application des dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales et, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, dans ce cas, l'administration n'entache pas la procédure d'imposition d'irrégularité en notifiant l'ensemble des actes de la procédure au contribuable, alors même que le mandat confie au mandataire le soin de répondre à toute notification de redressements, d'accepter ou de refuser tout redressement ;

3. Considérant que la cour a relevé qu'eu égard à ses termes mêmes, le courrier adressé à l'administration le 11 janvier 2005 ne pouvait être regardé comme l'informant de l'existence d'un mandat emportant élection de domicile de M. et Mme B...auprès de leur conseil, dès lors qu'il se bornait à indiquer à l'administration que les contribuables avaient désigné un mandataire chargé de suivre leur dossier et de les représenter, de surcroît au titre de l'examen de leur situation fiscale personnelle, lequel portait sur leurs revenus des années 2001 à 2003, tandis que les redressements en litige faisant l'objet de la proposition de rectification procédaient d'un contrôle sur pièces et étaient relatifs aux revenus de l'année 2000 ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas dénaturé les faits alors même que, par une erreur de plume restée sans incidence sur le motif de son arrêt, elle a mentionné que ce courrier avait été adressé par les épouxB..., alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis qu'il émanait de leur avocat ; qu'elle n'a, par suite, pas inexactement qualifié les faits en jugeant que ce document ne constituait pas un mandat emportant élection de domicile et en en déduisant que le requérant ne pouvait utilement soutenir que la procédure d'imposition était viciée au motif que l'administration n'avait pas adressé à son conseil l'original de la proposition de rectification en date du 13 juin 2005 concernant l'impôt sur le revenu et les contributions sociales au titre de l'année 2000 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, alors en vigueur et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ;

5. Considérant que M. B...a soutenu devant la cour que le droit de reprise dont disposait l'administration était expiré lorsque celle-ci lui a adressé cette proposition de rectification et qu'elle n'avait pu légalement faire usage du délai de reprise spécial institué par ces dispositions dès lors que l'insuffisance d'imposition relative à la plus-value réalisée lors de la cession des titres de la société World Net n'avait pas été révélée à l'administration à l'occasion de la procédure judiciaire diligentée en 2004 à son encontre, dans la mesure où il avait spontanément mentionné la plus-value litigieuse sur sa déclaration de revenus d'ensemble au titre de l'année 2000 et où l'administration en avait eu nécessairement connaissance en 2001 lors de la vérification de comptabilité de cette société, ainsi qu'il ressort de trois procès-verbaux d'audition établis en 2004 et reprenant les déclarations d'agents des impôts intervenus dans le cadre et à la suite de ce contrôle ;

6. Considérant que, pour écarter ce moyen, la cour, se fondant sur l'instruction, a relevé, d'une part, que la déclaration de revenus souscrite par les époux B...au titre de l'année 2000 faisait état d'une plus-value de 202 368,45 francs, alors que la plus-value réalisée par les intéressés au cours de cette année 2000 s'élevait, en réalité, à un total de 52 484 372 francs, dont 22 487 500 francs en ce qui concerne la seule opération de cession des titres de la société World Net, et, d'autre part, que la déclaration de revenus des contribuables se bornait à indiquer un gain global issu de la vente tant des titres de cette société que de la cession de titres d'autres sociétés ; que la cour en a déduit que la seule circonstance que des agents de l'administration fiscale avaient déclaré en 2004 avoir identifié les cessions de parts de la société World Net ainsi que leur montant et estimé que la cession des titres de cette société par le requérant avait bien été déclarée par ce dernier, n'établissait pas que l'administration avait, dès 2001, connaissance de cette insuffisance d'imposition ; que la cour a également relevé que la procédure judiciaire avait mis en évidence l'écart entre le montant de la cession portant sur ces titres et les déclarations du contribuable et a indiqué que celui-ci, qui ne pouvait utilement se prévaloir de ce qu'il n'avait pas souscrit la déclaration spéciale propre aux plus-values et qu'il appartenait à l'administration de lui adresser une mise en demeure à cette fin, avait contribué à induire en erreur l'administration par l'ambiguïté des indications chiffrées portées sur sa déclaration ;

7. Considérant, d'une part, qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas, contrairement à ce que M. B...soutient, jugé que l'administration pouvait se prévaloir du délai spécial de reprise prévu par ces dispositions au motif, et alors que l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ne pose pas une telle condition, qu'il n'aurait pas établi qu'elle avait dès 2001 connaissance de l'insuffisance d'imposition en litige ; que, par suite, le requérant ne peut soutenir que son arrêt est entaché d'erreur de droit ;

8. Considérant, d'autre part, que M. B...soutient que les éléments relevés par la cour ne permettaient pas de caractériser la connaissance par l'administration d'une insuffisance d'imposition et qu'elle a ainsi commis une erreur de droit ; que, toutefois, la cour a recherché si l'administration disposait des éléments qui lui auraient permis d'établir cette insuffisance dans le délai normal de reprise par la mise en oeuvre des moyens dont elle disposait ; que, dès lors, elle n'a commis aucune erreur de droit ; que, par ce moyen, le requérant entend, en réalité, remettre en cause l'appréciation portée par la cour sur le caractère suffisant de ces éléments ; que cette appréciation est souveraine et elle n'est pas arguée de dénaturation ;

9. Considérant, enfin, qu'en jugeant, au vu de l'ensemble des éléments qu'elle a relevés, que l'insuffisance d'imposition avait été, au sens de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, révélée à l'administration par la procédure judiciaire, la cour a exactement qualifié les faits ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 354551
Date de la décision : 12/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - PRESCRIPTION - DÉLAI SPÉCIAL DE REPRISE EN CAS D'INSUFFISANCE D'IMPOSITION RÉVÉLÉE PAR UNE INSTANCE DEVANT LES TRIBUNAUX (ART - L - 170 DU LPF - REPRIS À L'ART - L - 188 C DU MÊME LIVRE) - NOTION D'INSUFFISANCE D'IMPOSITION RÉVÉLÉE À L'ADMINISTRATION PAR LA PROCÉDURE JUDICIAIRE - NATURE DU CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

19-01-03-04 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits sur la notion d'insuffisance d'imposition révélée à l'administration par la procédure judiciaire au sens de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales (LPF), repris à l'article L. 188 C du même livre.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REQUÊTES AU CONSEIL D'ETAT - RECOURS EN CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - NOTION D'INSUFFISANCE D'IMPOSITION RÉVÉLÉE À L'ADMINISTRATION PAR LA PROCÉDURE JUDICIAIRE (ART - L - 170 DU LPF - REPRIS À L'ARTICLE L - 188 C DU MÊME LIVRE).

19-02-045-01-02-03 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits sur la notion d'insuffisance d'imposition révélée à l'administration par la procédure judiciaire au sens de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales (LPF), repris à l'article L. 188 C du même livre.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - NOTION D'INSUFFISANCE D'IMPOSITION RÉVÉLÉE À L'ADMINISTRATION PAR LA PROCÉDURE JUDICIAIRE (ART - L - 170 DU LPF - REPRIS À L'ARTICLE L - 188 C DU MÊME LIVRE).

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits sur la notion d'insuffisance d'imposition révélée à l'administration par la procédure judiciaire au sens de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales (LPF), repris à l'article L. 188 C du même livre.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2013, n° 354551
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354551.20130412
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