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27/03/2013 | FRANCE | N°351528

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 27 mars 2013, 351528


Vu la requête, enregistrée le 3 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Société Phytoservice, dont le siège est à Pontijou Cedex 419 à Maves (41500) ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 015 280,70 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice matériel et moral causé par la décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2009 méconnaissant de manière manifeste le droit communautaire ;

2°) de condamner l'Et

at à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du d...

Vu la requête, enregistrée le 3 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Société Phytoservice, dont le siège est à Pontijou Cedex 419 à Maves (41500) ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 015 280,70 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice matériel et moral causé par la décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2009 méconnaissant de manière manifeste le droit communautaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du délai excessif de la procédure engagée devant la juridiction administrative ainsi que la somme de 100 000 euros au titre des frais de procédure exposés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société Phytoservice ,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société Phytoservice ;

1. Considérant que par une décision du 30 décembre 2009, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt du 7 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la Société Phytoservice tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2003 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 015 280, 70 euros en réparation du préjudice causé par le refus du ministre de l'agriculture et de la pêche de lui accorder, suivant une procédure simplifiée, des homologations pour l'importation parallèle de produits phytopharmaceutiques, d'autre part, rejeté la requête d'appel de la société après cassation ; que la société requérante recherche la responsabilité de l'Etat, d'une part, en raison de la violation manifeste, par cette décision, du droit de l'Union européenne ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, d'autre part, du fait de la durée excessive de la procédure suivie devant la juridiction administrative ;

Sur les conclusions relatives à la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative :

2. Considérant qu'en vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité ; que si l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait définitive, la responsabilité de l'Etat peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ;

3. Considérant que, par sa décision n° 303506 du 30 décembre 2009, le Conseil d'Etat a reconnu que la carence de l'Etat à mettre en place une procédure spécifique pour les importations parallèles de produits phytopharmaceutiques avait constitué un manquement aux obligations résultant du droit communautaire, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat vis-à-vis des opérateurs, mais a rejeté, après cassation, les demandes indemnitaires de la Société Phytoservice aux motifs, d'une part, de l'absence de lien de causalité direct entre certains des préjudices invoqués et le manquement commis par l'Etat, et, d'autre part, de l'absence, pour les autres chefs de préjudice, de tout élément de nature à justifier la réalité des montants invoqués ; que de tels motifs ne se rattachent à aucune violation manifeste du droit de l'Union européenne susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, les conclusions présentées par la société requérante sur ce fondement doivent être rejetées ;

Sur les conclusions relatives à la durée excessive de la procédure suivie devant les juridictions administratives :

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; qu'ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation de l'ensemble des dommages, tant matériels que moraux, directs et certains, ainsi causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société Phytoservice a présenté sa demande de première instance tendant à la réparation du préjudice mentionné ci-dessus le 29 juin 2000 ; que la durée de neuf ans et six mois mise pour statuer sur cette affaire, laquelle ne présentait pas de difficultés particulières, est excessive ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu et à demander la réparation, par l'Etat, du préjudice qui en est directement résulté ;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, la Société Phytoservice a subi, du fait du délai excessif de la procédure, des désagréments allant au-delà de ceux provoqués habituellement par un procès ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice moral en condamnant l'Etat à lui verser 1 500 euros ;

7. Considérant, en revanche, que la société requérante ne justifie pas de la réalité d'un préjudice constitué par des frais de procédure supplémentaires ; que, dès lors, ses conclusions indemnitaires présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la Société Phytoservice une somme de 1 500 euros, tous intérêts compris au jour de la présente décision ;

Sur les conclusions de la Société Phytoservice présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la Société Phytoservice une somme de 1 500 euros.

Article 2 : L'Etat versera à la Société Phytoservice une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société Phytoservice et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 351528
Date de la décision : 27/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2013, n° 351528
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351528.20130327
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