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25/03/2013 | FRANCE | N°354837

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 25 mars 2013, 354837


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2011 et 13 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour Mlle A...B..., demeurant au...,; Mlle B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11DA00164 du 23 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur requête du préfet du Nord, après avoir annulé le jugement n° 1006120-6 du 28 décembre 2010 du tribunal administratif de Lille ayant, d'une part, annulé l'arrêté préfectoral du 4 février 2010 refusant de lui délivrer un titre

de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2011 et 13 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour Mlle A...B..., demeurant au...,; Mlle B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11DA00164 du 23 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur requête du préfet du Nord, après avoir annulé le jugement n° 1006120-6 du 28 décembre 2010 du tribunal administratif de Lille ayant, d'une part, annulé l'arrêté préfectoral du 4 février 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, a rejeté sa demande présentée devant le tribunal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ortscheidt, avocat de MlleB..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de MlleB...,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de Mlle B... ;

1. Considérant que par un jugement du 28 décembre 2010, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 4 février 2010 par lequel le préfet du Nord a refusé de délivrer à Mlle B...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et, d'autre part, enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ; que, sur appel du préfet du Nord, la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 23 juin 2011 contre lequel Mlle B...se pourvoit en cassation, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, rejeté la demande de la requérante ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) " ; que l'article R. 611-1 du même code dispose que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que la requête d'appel du préfet du Nord, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 2 février 2011, ainsi que l'avis d'audience ont été communiqués à Mlle B...à une adresse erronée, distincte de celle qu'elle avait indiquée lors de la procédure de première instance et qui figurait sur le jugement du tribunal administratif, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations en défense ; que, dès lors, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai a été rendu au terme d'une procédure dont le caractère contradictoire a été méconnu ; qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi que l'arrêt attaqué doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié stipule que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle B...est entrée en France en compagnie de sa mère, avec laquelle elle a toujours vécu, le 11 juillet 2007 à l'âge de 16 ans ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle était scolarisée avec succès en classe de terminale, ce qui lui a permis d'obtenir son baccalauréat le 13 juillet 2010 et de s'inscrire ensuite en classe préparatoire de mathématiques supérieures ; que si Mlle B...est célibataire et sans enfant, elle vit avec sa mère et sa soeur et s'occupe des six enfants de cette dernière ; qu'elle se prévaut également de la présence en France d'un frère ainsi que d'oncles et de tantes ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté attaqué, la seule attache familiale qu'elle possède dans son pays d'origine est une soeur aînée ; que l'essentiel des attaches familiales et le centre des intérêts privés de l'intéressée résident donc en France, nonobstant la circonstance que sa mère aurait également fait l'objet d'un refus de titre de séjour définitif ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué porte au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 28 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 4 février 2010 par lequel le préfet a refusé à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

8. Considérant que Mlle B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ortscheidt, avocat de MlleB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Ortscheidt ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 juin 2011 est annulé.

Article 2 : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 3 : L'État versera à la SCP Ortscheidt, avocat de MlleB..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 354837
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2013, n° 354837
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354837.20130325
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